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Ainfi parle à loifir ce digne confiftoire.
Des vieilles à ces mots au Ciel levant les yeux,
Demandent des fagots pour cet homme odieux;
Et des petits péchés, commis dans leur jeune âge,
Elles font pénitence en opprimant un fage.
LE RUSSE.

Hélas! ce que j'apprends de votre nation,
Me remplit de douleur & de compaffion.
LE PARISIEN.

J'ai dit la vérité. Vous la vouliez fans feinte;
Mais n'imaginez pas que triftement éteinte,
La raison fans retour abandonne Paris;

Il eft des cœurs bien faits, il eft de bons efprits,
Qui peuvent des erreurs où je la vois livrée,
Ramener au droit fens la patrie égarée.
Les aimables Français font bientôt corrigés.
LE RUSSE.

Adieu, je reviendrai quand ils feront changés.

NOTES

SUR LE RUSSE A
RUSSE A PARIS.

(1) A Pplati par Newton. Ce

furent Huyghens & Newton qui prouvèrent le premier par la théorie des forces centrifuges; le fecond par celle de la gravitation que le globe doit être un peu applati aux poles, & un peu élevé à l'équateur; que par conféquent les degrés du méridien font plus petits à l'équa

teur, & au pole un peu plus longs. La différence, felon Newton, eft d'un deux cent trentiéme, & felon Huyghens d'un cinq cent foixante & dixhuitiéme; ce qui eft fort peu de chofe, & qui ne peut produire aucun effet.

On trouva au contraire, par les mesures prifes en France, que les degrés du méri

NOTE S.

dien étaient plus grands au fud qu'au nord. De-là on conclut que la terre était applatie au pole comme Newton & Huyghens l'avaient prouvé par une théorie fûre. C'était tout justement le contraire de ce qu'on devait conclure. Les mefures de France étaient fauffes, & la conclufion plus fauffe encore.

Cette affaire ne fut portée ni au Parlement, ni en Sorbonne, comme celle de l'inoculation y a été déférée. L'Académie des fciences fe rétracta au bout de vingt ans, & Fontenelle avoua dans fon

hiftoire, que fi les degrés étaient plus longs vers le nord, la terre devait être applatie au pole.

Cela faifait voir qu'on s'était non- feulement trompé en France fur la théorie, mais qu'on s'était trompé auffi dans les mefures. Or, dans ces mefures il eft impoffible de ne se pas tromper; parce que la différence du climat alonge & raccourcit les inftrumens; parce que l'air & les réfractions varient continuellement. En effet, on a trouvé les degrés différens à la Chine, en Italie & en France. C'eft donc à la théorie des forces centrales & de la gravitation qu'il faut s'en tenir, & non aux mesures qui ne feront jamais exactement les mêmes; on ne faura jamais précisément de combien. Et il est fort peu important de le favoir.

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(2) Utile à cent couronnes. Moreau de Maupertuis fit accroire au cardinal de Fleuri que cette difpute purement philofophique intéreffait tous les navigateurs ; qu'il y allait de leur vie. Il n'y allait certainement que de la curiofité.

(3) Enlever deux Laponnes. Ce n'était pas deux Laponnes, c'était deux filles de Torno qui étaient fœurs. Le père commença un procès criminel contre Maupertuis. Mais on ne put du cercle polaire envoyer à Paris un huiffier.

(4) Danfant avec Louis fous des berceaux de fleurs. Cela eft vrai à la lettre. Il y avait à la fête de Verfailles de grands berceaux de verdure, ornés de fleurs qui formaient des deffeins pittorefques. Ce fut là que Louis XIV. qui était dans tout l'éclat de la jeuneffe & de la beauté, dansa avec Mademoiselle de la Vallière & d'autres Dames.

(5) Racine d'Henriette exprimant les douleurs. Rien n'est plus connu que l'hiftoire de la tragédie de Bérénice. La princeffe Henriette d'Angleterre, fille de Charles I, & femme de Monfieur, frère unique de Louis XIV, donna ce fujet à traiter à Corneille & à Racine. On fait comment Corneille en fit une tragédie aufs froide & auffi ennuyeuse que mal écrite ; & comment Racine en fit une piéce très touchante malgré fes défauts.

(6) Les pavillons de France. Louis XIV était parvenu juf

qu'à garnir fes ports de près de deux cent vaiffeaux de guerre.

(7) Nous nous sommes défaits d'un luxe dangereux. Cela fut écrit l'an 1760, tems auquel le malheur des tems, les difgraces dans la guerre, & la mauvaise adminiftration des finances, avaient obligé le Roi & la plupart des gens riches, à faire porter à la monnoie, une grande partie de leur vaiffelle d'argent. On fervait alors les potages & les ragoûts, dans des plats de faiance qu'on appellait des cus noirs.

(8) Janfénius, la bulle, fes mystères, &c. La querelle-de. la bulle unigenitus fut un de ces ridicules férieux qui ont troublé la France affez longtems. On fait affez que Louis XIV eut le malheur de fe mêler des difputes abfurdes entre les janféniftes & les moliniftes, que cette extravagance jetta de l'amertume fur la fin de fes jours; & que cette guerre théologique, pour n'avoir pas été affez méprifée renaquit enfuite affez violemment. C'était la honte de l'efprit humain, mais on était accoutumé à cette honte.

(9) Et des convulfions. La folie inconcevable des convulfions fut un des fruits de cette bulle. Il y en avait encor en 1763, & elles avaient commencé en 1724. Sans les philofophes qui jettèrent fur cette démence infame tout le ridicule qu'elle méritait, cette

fureur de l'efprit de parti aurait eu des fuites très dangereuses.

(10) Le Franc de Tonfignan, Palifot. Voyez les notes de l'Epitre au Roi de la Chine.

(11) Combattre en Parlement les jéfuites leurs frères. Le 14 Mai 1760, les apoticaires de Paris firent faifir dans un couvent de jéfuites, qu'on appellait la maifon Profeffe, des drogues que les jéfuites vendaient en fraude; & leur firent un procès au Parlement, qui condamna ces pères. On difait qu'ils débitaient chez eux ces drogues pour empoifonner les janféniftes.

(12) Quoi! du Clergé français la gazette prudente. C'eft ce qu'on appelle la gazette eccléfiaftique. Ce journal clandeftin commença en1724, & dure encore. C'est un ramas de petits faits concernant des Bedauts de paroiffe, des portesDieu, des thèses de théologie, des refus de facremens, des billets de confeffion. C'eft furtout dans le tems de ces billets de confeffion que cette gazette a eu le plus de vogue. L'Archevêque de Paris, Chriftophe de Beaumont, avait imaginé ces lettres de change tirées à vue fur l'autre monde, pour faire refufer le viatique à tous les mourans qui fe feraient confeffés à des prêtres janféniftes. Ce comble de l'extravagance & de l'horreur caufa beaucoup de troubles, & mit la gazette eccléfiaftique alors dans un grand crédit : elle

NOTE S.

tomba quand cette fottife fut finie. Elle était, dit-on, comme les crapauds qui ne peuvent s'enfler que de venin.

(13) Le Journal du Chrétien, le Journal de Trévoux. Le Journal chrétien, ou du chrêtien, fut d'abord compofé par un recollet nommé Hayet, l'abbé Trublet, l'abbé Dinouart; un nommé Joannet. Ils dédièrent leur befogne à la Reine, dans l'efpérance d'avoir quelque bénéfice, en quoi ils fe trompèrent. Ils mirent d'abord leur Mercure chrêtien à 30 fols, puis à 20, puis à 15, puis à 12. Voyant qu'ils ne réuffiffaient pas, ils s'aviférent d'accufer d'athéifme tous les écrivains à tort & à travers. Ils s'adreffèrent malheureufement à Mr. de St. Foy, qui leur fit un procès criminel, les obligea de fe rétracter. Depuis ce tems-là, leur Journal fut entiérement décrié, & ces pauvres diables furent obligés de l'abandon

ner.

Pour le Journal de Trévoux, il a fuivi le fort des jéfuites fes auteurs; il est tombé

avec eux.

(14) Maître Abraham Chaumeix &c. Cet Abraham Chaumeix était ci-devant vinaigrier; & s'étant fait convulfionnaire, il devint un homme confidérable dans le parti, furtout depuis qu'il fe fut fait crucifier avec une couronne d'épines fur la tête, le 2 Mars 1749 dans la rue St. Denis, vis-à-vis St. Leu & St. Giles.

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Ce fut lui qui dénonça au Parlement de Paris le Dictionnaire Encyclopédique. Il a été couvert d'opprobre, & obligé de fe réfugier à Mofcou, où il s'eft fait maître d'école.

Hayet le recollet, n'eft connu que par le Journal chrêtien. Le jefuite Bertier par le Journal de Trévoux, & furtout par une facétie plaifante intitulée, Relation de la maladie, de la confeffion, de la mort,

de l'apparition du jefuite

Bertier.

(15) Et le doux Caveirac,

Nonotte, & tant d'autres. Le doux Caveirac eft ici par antiphrafe. Il n'y a rien de fi peu doux que fon apologie de la révocation de l'Edit de Nantes & de la St. Barthelemi. Ce n'eft pas qu'on doive en inférer abfolument qu'il eût fait la St. Barthelemi, s'il eût été à la place du Balafré. On juftifie quelquefois les plus abominables actions qu'on ne voudrait pas avoir faites. On fait un livre pour plaire à un évêque, pour attraper un petit bénéfice, une petite penfion du clergé qu'on n'attrape point; & enfuite on écrirait pour les huguenots avec autant de zèle qu'on a écrit contr'eux. Tout cela n'eft au bout du compte que du papier perdu, & de l'honneur perdu, ce qui eft fort peu de chofe pour ces gens-là.

Nonotte eft un ex-jéfuite que notre auteur philofophe a fait connaître par les ignorances dont il l'a convaincu,

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& par les ridicules dont il l'a - accablé avec très juste raison.

(16) Nous avons les remparts, nous avons Ramponeau. Ramponeau était un cabaretier de la Courtille dont la figure comique & le mauvais vin qu'il vendait bon marché, lui acquirent pendant quelque tems une réputation éclatante; tout Paris courut à fon cabaret. Des Princes du fang même allèrent voir Mr. Ramponeau.

Une troupe de comédiens établis fur les remparts, s'engagea à lui payer une fomme confidérable pour se montrer feulement fur leur théatre, & pour y jouer quelques rôles muets. Les janfénistes firent un fcrupule à Ramponeau de fe produire fur la scène ; ils lui dirent queTertullien avait écrit contre la comédie ; qu'il ne devait pas proftituer ainfi fa dignité de cabaretier, qu'il y allait de fon falut; la confcience de Ramponeau fut allarmée. Il avait reçu de l'argent d'avance; il ne voulut point le rendre de peur de fe damner. Il y eut procès, Mr. Elie de Beaumont célèbre avocat daigna plaider contre Ramponeau: notre poëte philofophe plaida pour lui, foit par zèle pour la religion, foit pour fe réjouir. Ramponeau rendit l'argent & fauva fon

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française la comédie des phi lofophes, avec un concours de monde prodigieux. On voyait fur le théatre Jean-Jacques Rouffeau marchant à quatre pattes & mangeant une laitue. Il fut représenté fi fort au naturel qu'il excita les ris de tout Paris. Cette facétie n'était ni dans le goût du Mifantrope, ni dans celui du Tartuffe, mais elle était bien auffi théatrale que celle de Pourceaugnac qui eft poursuivi par des lavemens & des fils de putain.

Le refte de la piéce ne parut pas affez gai; mais on ne pouvait pas dire que ce fût là de la comédie larmoyante. On reprocha beaucoup à l'auteur d'avoir attaqué de très honnêtes gens dont il n'avait pas à fe plaindre.

(18) Les chiens de St. Mé dard. St. Médard eft une vilaine paroiffe, d'un très vilain fauxbourg de Paris, où les convulfions commencèrent. On appelle depuis ce tems - là les fanatiques, chiens de St. Médard.

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