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RÉPONSE À UNE DAM E.

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De ces appartemens qu'anime la peinture,
Sur les pas du plaifir je vole à l'opéra.
J'applaudis tout ce qui me touche,
La fertilité de (c) Campra,

La gaîté de Mouret, les graces de Des-Touche;
Peliffier par fon art, le More par fa voix, (d)
Tour-à-tour ont mes vœux, & suspendent mon choix, "
Quelquefois embraffant la fcience hardie

Que la curiofité

Honora par vanité

Du nom de philofophie,

Je cours après Newton dans l'abîme des cieux;
Je veux voir fi des nuits la courière inégale,
Par le pouvoir changeant d'une force centrale,
En gravitant vers nous s'approche de nos yeux,
Et pèfe d'autant plus qu'elle eft près de ces lieux,
Dans les limites d'un ovale.

J'en entends raisonner les plus profonds esprits,
Maupertuis & Clairaut, calculante cabale:
Je les vois qui des cieux franchiffent l'intervalle,
Et je vois trop fouvent, que j'ai très peu compris.
De ces obfcurités je paffe à la morale;

Je lis au cœur de l'homme, & fouvent j'en rougis,
J'examine avec foin les informes écrits,
Les monumens épars, & le ftile énergique
De ce fameux Pascal, ce dévot fatyrique.

Je vois ce rare efprit trop promt à s'enflammer;
Je combats fes rigueurs extrêmes;

(c) Muficiens agréables.

(d) Actrices de ce tems-là,

Il enfeigne aux humains à fe haïr eux-mêmes;
Je voudrais malgré lui leur apprendre à s'aimer.
Ainfi mes jours égaux, que les mufes rempliffent,
Sans foins, fans paffions, fans préjugé fâcheux,
Commencent avec joie, & vivement finiffent
Par des foupers délicieux.“

L'amour dans mes plaifirs ne mêle plus fes peines.
La tardive raifon vient de briser mes chaînes.
J'ai quitté prudemment ce Dieu qui m'a quitté.
J'ai paffé l'heureux tems fait pour la volupté.
Eft-il donc vrai, grands Dieux! il ne faut plus que j'aime.
La foule des beaux arts, dont je veux tour-à-tour
Remplir le vuide de moi-même,

N'eft point encor affez pour remplacer l'amour.

( 309 ) V

LET TRE

SUR LA TRACASSERIE,

à Mr. de BUSSI, évêque de Lugon, en 1724.

Rnement de la bergerie,

Et de l'églife & de l'amour ;
Auffi-tôt que Flore, à fon tour,
Peindra la campagne fleurie,

Revoyez la ville chérie ;

Eft-il pour vous d'autre patrie?
Et ferait-il dans l'autre vie

+3

Un plus beau ciel, un plus beau jour,
Si l'on pouvait de ce féjour
Exiler la tracafferie?

Evitons ce monftre odieux,
Monftre femelle, dont les yeux
Portent un poifon gracieux;
Et que le ciel, en fa furie,
De notre bonheur envieux,

A fait naître dans ces beaux lieux
Au fein de la galanterie.

Voyez-vous, comme un miel flatteur
Diftille de fa bouche impure?
Voyez-vous comme l'impofture
Lui prête un fecours féducteur?

Le couroux étourdi la guide;
L'embarras, le foupçon timide,
En chancelant fuivent fes pas.
Des faux rapports l'erreur avide
Court au-devant de la perfide,
Et la careffe dans fes bras.
Que l'amour, fecouant fes ailes,
De ces commerces infidèles,
Puiffe s'envoler à jamais!

Qu'il ceffe de forger des traits
Pour tant de beautés criminelles!
Je hais bien tout mauvais railleur,
De qui le bel efprit batife
Du nom d'ennui la paix du cœur,
Et la conftance de fottife.
Heureux qui voit couler fes jours
Dans la molleffe & l'incurie,
Sans intrigues, fans faux détours,
Près de l'objet de fes amours,
Et loin de la coquetterie !
Que chaque jour rapidement
Pour de pareils amans s'écoule ;
Ils ont tous les plaifirs en foule,
Hors ceux du raccommodement.
Rendez-nous donc votre préfence,
Galant prieur de Frigolet,
Très aimable, & très frivolet;
Venez voir votre humble valet
Dans le palais de la conftance;
Les graces, avec complaifance,

SUR LA TRACASSERIE.

Vous fuivront en petit-collet;
Et moi, leur ferviteur folet,
J'ébaudirai votre excellence
Par des airs de mon flageolet,
Dont l'amour marque la cadence,
En faifant des pas de ballet.

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