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322 LETTRE À MR. LE CARDINAL DU BOIS.

Puiffent Meffieurs du congrès,
En buvant dans cet afyle,

De l'Europe affurer la paix!
Puiffiez-vous aimer votre ville,

Seigneur, & n'y venir jamais!

Je fais que vous pouvez faire des homélies,
Marcher avec un porte-croix,

Entonner la meffe par-fois,

Et marmoter des litanies.

Donnez, donnez plutôt des exemples aux rois;
Uniffez à jamais l'efprit à la prudence;
Qu'on publie en tous lieux vos grandes actions:
Faites-vous bénir de la France,

Sans donner à Cambrai des bénédictions.

Souvenez-vous quelquefois, monfeigneur, d'un homme, qui n'a en vérité d'autre regret que de ne pouvoir pas entretenir votre éminence auffi fouvent qu'il le voudrait, & qui de toutes les graces que vous pouvez lui faire, regarde l'honneur de votre converfation comme la plus flatteuse.

LETTR

DE MR. LE CARDINAL DE FLEURI,

A MR. DE VOLTAIRE.

A 1ft ce 14 Novembre 1740.

E reçois dans le moment, monfieur, une feconde lettre de vous, & je n'en perds pas un auffi pour y répondre, dans la crainte que Mr. le marquis de Beauveau ne foit parti de Berlin. Je ne puis qu'approuver le voyage que vous y allez faire ; & vous êtes attaché par des titres trop juftes & trop puiffans au roi de Pruffe, pour ne pas lui donner cette marque de votre refpect & de votre reconnaissance. Le feul motif de la reine de Saba vous eût fuffi pour ne pas vous y refuser.

Je ne favais pas, que le précieux préfent que m'a fait madame la marquife du Châtelet, de l'Anti-Machiavel, vint de vous; il ne m'en eft que plus cher, & je vous remercie de tout mon cœur. Comme j'ai peu de momens à donner à mon plaisir, je n'ai pu en fire jufqu'ici qu'une quarantaine de pages, & je tâcherai de l'achever dans ce que j'appelle fort improprement ma retraite ; car elle est par malheur trop troublée pour mon repos.

Quel que foit l'auteur de cet ouvrage, s'il n'eft pas prince, if mérite de l'être, & le peu que j'en ai lu eft fi fage, fi raifonnable, & renferme des principes fi admirables, que celui qui l'a fait ferait digne de commander aux autres hommes, pourvu qu'il eût le courage de les mettre en pratique. S'il eft né prince, il contracte un engagement bien folemnel avec le public: & l'empereur Antonin ne fe ferait pas acquis la gloire immortelle, qu'il confervera dans tous les fiécles, s'il

REPONSE.

MONSEIGNEUR

A lettre dont votre éminence m'a honoré eft un prix auffi flatteur de mes ouvrages, que l'eftime de l'Europe a dû vous l'être de vos actions. Vous ne me deviez aucun remerciment, monfeigneur; je n'ai été que l'organe du public en parlant de vous. La liberté & la vérité, qui ont toujours conduit ma plume, m'ont valu votre fuffrage. Ces deux caractères doivent plaire à un génie tel que le vôtre. Quiconque ne les aime pas, pourra bien être un homme puiffant, mais ne fera jamais un grand-homme. Je voudrais être à portée d'admirer de plus près celui à qui j'ai rendu juftice de fi loin. Je ne me flatte pas d'avoir jamais le bonheur de voir votre éminence. Mais fi Rome entend affez fes intérêts pour vouloir au moins rétablir les arts, le commerce, & remettre quelque fplendeur dans un pays qui a été autrefois le maître de la plus belle partie du monde, j'espère alors que je vous écrirai fous un autre titre, que fous celui de votre éminence, dont j'ai l'honneur d'être avec autant d'eftime que de refpect, &c.

*(327) *

A MR. LE PRINCE DE VENDOME.(a)

DE Sulli, falut & bon vin,

Au plus aimable de nos princes,
De la part de l'abbé Courtin,
Et d'un rimailleur des plus minces,
Que fon bon ange & fon lutin
Ont envoyé dans ces provinces.

Vous voyez, monseigneur, que l'envie de faire quelque chofe pour vous a réuni deux hommes bien différens.

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L'un gras, rond, gros, court, féjourné,

Citadin de Papimanie,

Porte un teint de prédestiné,

Avec la croupe rebondie.

Sur fon front refpecté du tems,
Une fraîcheur toûjours nouvelle,
Au bon doyen de nos galans,
Donne une jeuneffe éternelle.
L'autre dans Papefigue est né,
Maigre, long, fec & décharné,
N'ayant eu croupe de fa vie,
Moins malin qu'on ne vous le dit,
Mais peut-être de DIEU maudit,
Puifqu'il aime & qu'il verfifie.

(a) C'est le frère du duc de Vendôme. Il était grandprieur de France. L'abbé Courtin était un de fes amis,

fils d'un confeiller d'état, & homme de lettres. Il était tel qu'on le dépeint ici. Cette lettre eft de 1716.

Notre premier deffein était d'envoyer à votre alteffe un ouvrage dans les formes, moitié vers, moitié profe, comme en ufaient les Chapelles, les Des-Barreaux, les Hamiltons, contemporains de l'abbé, & nos maitres. J'aurais prefque ajouté Voiture, fi je ne craignais de facher mon confrère, qui prétend, je ne fais pourquoi, n'être pas affez vieux pour l'avoir vu.

Comme il y a des chofes affez hardies à dire, par le tems qui court, le plus fage de nous deux, qui n'eft pas moi, ne voulait en parler qu'à condition qu'on n'en faurait rien.

Il alla donc vers le Dieu du mystère,

Dieu des Normands, par moi três peu fêté,
Qui parle bas, quand il ne peut fe taire,
Baiffe les yeux & marche de côté.
Il favorife, & certes c'eft dommage,
Force fripons; mais il conduit le fage.
Il est au bal, à l'églife, à la cour;
Au tems, jadis il a guidé l'amour.

Malheureufement ce Dieu n'était pas à Sulli; il était en tiers, dit-on, entre.. & madame de.. fans cela nous euffions achevé notre ouvrage fous fes yeux.

Nous euffions peint les yeux voltigeans fur vos traces, Et cet efprit charmant, au sein d'un doux loifir, Agréable dans le plaifir, Héroïque dans les difgraces.

Nous vous éuffions parlé de ces bienheureux jours,

Jours confacrés à la tendreffe.

Nous vous euffions, avec adreffe,

Fait la peinture des amours,

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