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A MR. LE DUC DE SULLI. 349

Sa perte au Parnaffe eft funefte.
Prefque feul il était resté

D'un fiécle plein de politeffe.
On dit, qu'aujourd'hui la jeuneffe
A fait à la délicateffe

Succéder la groffiéreté,
La débauché à la volupté,
Et la vaine & lâche pareffe
A cette fage oifiveté,

Que l'étude occupait fans ceffe.
Pour notre petit Genonville,
Si digne du fiécle paffé,
Et des faifeurs de vaudeville,
Il me paraît très empreffé
D'abandonner pour vous la ville.
Le fyftême n'a point gâté
Son efprit aimable & facile;
11 a toûjours le même ftile,
Et toûjours la même gaîté.
Je fais, que par déloyauté,
Le. fripon n'aguère a tâté
De la maîtreffe tant jolie,
Dont j'étais fi fort entêté.
Il rit de cette perfidie,
Et j'aurais pu m'en couroucer:
Mais je fais qu'il faut se passer
Des bagatelles dans la vie.

A MR. LE DUC DE LA FEUILLADE.

Confervez

Onfervez précieusement

. L'imagination fleurie,
Et la bonne plaifanterie,
Dont vous poffédez l'agrément,
Au défaut du tempérament,
Dont vous vous vantez hardiment,
Et que tout le monde vous nie.
La dame, qui depuis longtems
Connait à fond votre perfonne,
A dit: Hélas! je lui pardonne
D'en vouloir impofer aux gens:
Son efprit eft dans fon printems,
Mais fon corps eft dans fon automne.
Adieu, monfieur le gouverneur,
Non plus de province frontière,
Mais d'une beauté fingulière,
Qui par fon efprit, par fon cœur,

Et

par fon humeur libertine
De jour en jour fait grand honneur
Au gouverneur qui l'endoctrine.
Priez le Seigneur feulement,
Qu'il empêche que Cythérée
Ne fubftitue inceffamment
Quelque jeune & frais lieutenant,
Qui ferait fans vous fon entrée
Dans un fi beau gouvernement.

* ( 351 )
(351) *

A MR. LE MARECHAL DE VILLARS.
JE me flattais de l'espérancé

D'aller goûter quelque repos
Dans votre maifon de plaifance;
Mais Vinache (a) a ma confiance,
Et j'ai donné la préférence,
Sur le plus grand de nos héros,
Au plus grand charlatan de France.
Ce difcours vous déplaira fort,
Et je confeffe que j'ai tort
De parler du foin de ma vie,
A celui qui n'eut d'autre envie
Que de chercher partout la mort.
Mais, fouffrez, que je vous réponde,
Sans m'attirer votre couroux,
Que j'ai plus de raifons que vous
De vouloir refter dans ce monde :

Car fi quelque-coup de canon,

Dans vos beaux jours brillans de gloire,

Vous eût envoyé chez Pluton,

Voyez la confolation,

Que vous auriez dans la nuit noire,

Lorsque vous fauriez la façon,

Dont vous aurait traité l'histoire.
. Paris vous eût premiérement
Fait un fervice fort célèbre
En préfence du parlement;

(a) Médecin empirique. Cette lettre eft de 1711.

Et quelque prélat ignorant
Aurait prononcé hardiment
Une longue oraison funèbre,
Qu'il n'eût pas faite affurément.
Puis en vertueux capitaine
On vous aurait proprement mis
Dans l'églife de Saint Denis,
Entre du Guefclin & Turenne. >
Mais fi quelque jour, moi chétif,
J'allais paffer le noir efquif, A
Je n'aurais qu'une vile bière;
Deux prêtres s'en iraient gaîment H
Porter ma figure légère,

Et la loger mefquinement

Dans un recoin du cimetière.

o A

· Mes nièces au-lieu de prière,
Et mon janfénifte de frère, (b)?
Riraient à mon enterrement;
Et j'aurais l'honneur feulement,
Que quelqué mufe médifante -
M'affublerait pour monumentarnⱭ
D'une épitaphe impertinente. 7
Vous voyez donc très clairement,
Qu'il eft bon que je me conferve,
Pour être encor témoin longtems
De tous les exploits éclatans
Que le feigneur DIEU vous réferve.

(b) L'auteur avait un frère, tréforier de la chambre des comptes, qui était en effet un janfénifte outré, & qui fe

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brouillait toujours avec fon frère, toutes les fois que celui-ci difait du bien des jéfuites.

*( 353 )*

A MR. DE LA FALUÈRE DE GENONVILLE, Confeiller au Parlement, & intime ami de l'auteur.

SUR UNE MALADIE. 1719.

NE me foupçonne point de cette vanité

Qu'a notre ami Chaulieu de parler de lui-même :
Et laiffe-moi jouir de la douceur extrême,
De t'ouvrir avec liberté

Un cœur qui te plait & qui t'aime.
De ma mufe, en mes premiers ans,

Tu vis les tendres fruits imprudemment éclore ;
Tu vis la calomnie avec fes noirs ferpens,

Des plus beaux jours de mon printems
Obfcurcir la naiffante aurore.

D'une injufte prison je subis la rigueur ;

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Mais au moins de mon malheur

Je fus tirer quelque avantage;

J'appris à m'endurcir contre l'adverfité,

Et je me vis un courage

Que je n'attendais pas de la légéreté,

Et des erreurs de mon jeune âge.

Dieux! que n'ai-je eu depuis la même fermeté !
Mais à de moindres allarmes

Mon cœur n'a point résisté.

Tu fais combien l'amour m'a fait verfer de larmes.
Fripon, tu le fais trop bien,

Toi dont l'amoureuse adreffe
M'ôta mon unique bien:

Toi dont la délicateffe,

Poefies. Tom. I.

Z

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