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NOT TES

POUR L'ÉPITRE

SUR L'AGRICULTURE.

(a) LE Normand Fontenelle.

Théocrite & Virgile étaient à la campagne ou en venaient quand ils firent des églogues. Ils chantèrent les moiffons qu'ils avaient fait naître, & les troupeaux qu'ils avaient conduits. Cela donnait à leurs bergers un air de vérité qu'ils ne peuvent guères avoir dans les rues de Paris. Auffi les églogues de Fontenelle furent des madrigaux galans.

(b) Taime affez St. Benoit. Benedict ou Benoit voulut que les mains de fes moines cultivaffent la terre. Elles ont été employées à d'autres travaux; à donner des éditions des pères, à les commenter, à copier d'anciens titres, & à en faire. Plufieurs de leurs abbés réguliers font devenus évêques; plufieurs ont eu des richeffes immenfes.

(c) Du bon homme François. François d'Affife en inftituant les mendians,fit un mal beaucoup plus grand. Ce fut un impôt exorbitant mis fur le pauvre peuple qui n'ofa refufer fon tribut d'aumône à des

moines qui difaient la meffe & qui confeffaient. De forte qu'encore aujourd'hui, dans les pays catholiques romains, le payfan après avoir payé le roi, fon feigneur & fon curé, eft encor forcé de donner le pain de fes enfans à des cordeliers & à des capucins.

(d) Regut un ordre exprès d'urranger fon jardin. Cet ordre exprès, que la Genèfe dit avoir été donné de Dieu à l'homme de cultiver fon jardin, fait bien voir quel eft le ridicule de dire que l'homme fut condamné au travail. L'Arabe Job eft bien plus raifonnable; il dit que l'homme eft né pour travailler " comme l'oifeau pour voler.

(e) Condamnant St. Médard. Voyez les notes fur les convulfions & fur les billets de confeffion. Deux ridicules & opprobres de la France, à la fin de la piéce intitulée le pauvre Diable.

(f) Le fang du grand Corneille. Mademoiselle Corneille mariée à un officier de l'état major.

E PITRE

A BOILEAU, OU MON TESTAMENT.

BOILEAU,

OILEAU, correct auteur de quelques bons écrits,

Zoile de Quinault, & flatteur de Louis;

Mais oracle du goût dans cet art difficile,
Où s'égayait Horace, où travaillait Virgile;
Dans la cour du palais, je naquis ton voifin,
De ton fiécle brillant mes yeux virent la fin;
Siécle de grands talens, bien plus que de lumière,
Dont Corneille, en bronchant, fut ouvrir la carrière.
Je vis le jardinier de ta maison d'Auteuil,

Qui chez toi, pour rimer, planta le chévrefeuil (a).
Chez ton neveu Dongois (b) je paffai mon enfance,
Bon bourgeois, qui fe crut un homme d'importance.
Je veux t'écrire un mot fur tes fots ennemis,
A l'hôtel Rambouillet contre toi réunis, (c)
Qui voulaient pour loyer de tes rimes fincères,
Couronné, de lauriers t'envoyer aux galères;
Ces petits beaux efprits craignaient la vérité,
Et du fel de tes vers la piquante âcreté.
Louis avait du goût, Louis aimait la gloire,
Il voulut que ta muse affurât fa mémoire;
Et fatyrique heureux par ton prince avoué,
Tu

pus cenfurer tout, pourvu qu'il fût loué. Bientôt les courtifans, ces finges de leur maître, Surent tes vers par cœur, & crurent s'y connaître ;

un peu

dur

On admira dans toi jufqu'au ftile
Dont tu défiguras le vainqueur de Namur ;
Et fur l'amour de DIEU ta trifte pfalmodie,
Du haineux janfénifte en fon tems applaudie;
Et l'équivoque même enfant plus ténébreux,
D'un père fans vigueur avorton malheureux.
Des mufes dans ce tems, au pied du trône affifes,
On aimait les talens, on paffait les fottifes...
Un maudit Ecoffais, chaffé de fon pays,
Vint changer tout en France & gâta nos efprits.
L'espoir trompeur & vain, l'avarice au teint blême,
Sous l'abbé Terraffon (d) calculant fon système,
Répandaient à grands flots leurs papiers imposteurs,
Vuidaient nos coffres-forts & corrompaient nos mœurs.
Plus de goût, plus d'efprit: la fombre arithmétique
Succéda dans Paris à ton art poëtique.

Le duc & le prélat, le guerrier, le docteur,
Lifaient pour tous écrits des billets au porteur.
On paffa dy Permeffe au rivage du Gange,
Et le facré vallon fut la place du Change.

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Le ciel nous envoya dans ces tems corrompus.
Le fage & doux pafteur des brebis de Fréjus,
Econome fenfé, renfermé dans lui-même,
Et qui n'affecta rien que le pouvoir fuprême.
La France était bleffée : il laiffa ce grand corps,
Reprendre un nouveau fang, raffermir ses refforts,
Se rétablir lui-même en vivant de régime.
Mais fi Fleuri fut fage, il n'eut rien de fublime.
Il fut loin d'imiter la grandeur des Colberts,
Il négligeait les arts, il aimait peu les vers.

OU MON TESTAMENT.

(Pardon, fi contre moi fon ombre s'en irrite)
Mais il fut en fecret jaloux de tout mérite.
Je l'ai vu refufer, poliment inhumain,
Une place à Racine (e), à Crébillon du pain.
Tout émpira depuis. Deux partis fanatiques,
De la droite raifon rivaux évangeliques,

407

Et des dons de l'efprit dévots perfecuteurs,
S'acharnaient à l'envi fur les pauvres auteurs.
Du fauxbourg Saint Médard les dogues aboyerent,
Et les regards d'Ignace avec eux fe glifferent.
J'ai vu ces factions, femblables aux brigands,
Raffemblés dans un bois pour voler les paffans;
Et combattant entr'eux pour divifer leur proie
De leur guerre inteftine ils m'ont donné la joie.
J'ai vu l'un des partis de mon pays chaffé,
Maudit comme les Juifs & comme eux difperfé:
L'autre plus méprife tombant dans la pouffière,
Avec Guyon, (f) Fréron, Nonotte & Sorinière.
Mais parmi ces faquins l'un fur l'autre expirans,
Au milieu des billets exigés des mourans,
Dans cet amas confus d'opprobre & de mifère
Qui diftingue mon fiécle & fait fon caractère,
Quels chants pouvaient former les enfans des neuf fours?
Sous un ciel orageux, dans ces tems destructeurs,
Des chantres de nos bois les voix font étouffées,
Aux fiécles des Midas, on ne voit point d'Orphées.
Tel qui dans l'art d'écrire eût pu te défier,
Va compter dix pour cent chez Rabot le banquier :
De dépit & de honte il a brifé fa lyre.

Ce tems eft, réponds-tu, très bon pour la fatyre.
C c iiij

Mais quoi, puis-je en mes vers aiguifant un bon mot,
Affliger fans raifon l'amour-propre d'un fot?

Des Cotins de mon tems pourfuivre la racaille,
Et railler un pédant dont tout Paris fe raille?
Non, ma mufe m'appelle à de plus hauts emplois,
A chanter la vertu j'ai confacré ma voix.
Vainqueur des préjugés que l'imbécille encenfe,
J'ofe aux perfécuteurs prêcher la tolérance;
Je dis au riche avare, affifte l'indigent;
Au ministre des loix, protège l'innocent;
Au docteur tonfuré, fois humble & charitable,
Et garde-toi furtout de damner ton femblable.
Malgré foixante hyvers efcortés de feize ans, (g)
Je fais au monde encore entendre mes accens.
Du fond de mes déferts, aux malheureux propice,
Pour Sirven opprimé je demande justice; (b)
Je l'obtiendrai fans doute, & cette même main
Qui ranima la veuve & vengea l'orphelin,
Soutiendra jusqu'au bout la famille éplorée
Qu'un vil juge a profcrite & non deshonorée.
Ainfi je fais trembler dans mes derniers momens
Et les pédans jaloux, & les petits tyrans.
Jofe agir fans rien craindre ainfi que j'ofe écrire.
Je fais le bien que j'aime ; & voilà ma fatyre,
Je vous ai confondus, vils calomniateurs 2
Déteftables cagots, infames délateurs,
Je vais mourir content. Le fiécle qui doit naître,
De vos traits empeftés me vengera peut-être.
Oui, déja St. Lambert en bravant vos clameurs
Sur ma tombe qui s'ouvre a répandu des fleurs;

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