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A DAP HNÉ.

En profe dure infulte les beaux vers,
Pourfuit le fage, & noircit le mérite.

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Mais écoutez ces pieux loups-garous,
Perfécuteurs de l'art des Euripides,
Qui vont heurlant en phrafes infipides
Contre la fcène & même contre vous.
Quand vos talens entraînent au théâtre
Un peuple entier de votre art idolâtre,
(d) Un poffédé dans le fond d'un tonneau,
Qu'on coupe en deux & qu'un vieux dais furmonte,
Crie au fcandale, à l'horreur, à la honte,
Et vous dépeint au public abufé

Comme un démon en fille déguifé.

Ainfi toûjours uniffant les contraires,

(e) Nos chers Français dans leurs têtes légères,
Que tous les vents font tourner à leur gré,
Vont diffamant ce qu'ils ont admiré.

O mes amis, raisonnez, je vous prie;
Un mot fuffit. Si cet art eft impie,
Sans répugnance il le faut abjurer;
S'il ne l'eft pas, il le faut honorer.

(d) L'auteur Anglais a fans doute en vue les chaires des presbytériens.

(e) Le traducteur transporte toûjours la fcène à Paris.

VARIANTE.

Après ce vers, Est dangereuse, &c. on lifait ceux-ci.
Mais s'il compose un ouvrage nouveau,
Qui puiffe plaire à Boufflers, à Beauveau,
A ce vainqueur des Anglais & des belles,
Qui ne trouva ni rivaux, ni cruelles :
Si le bon goût du généreux Choiseuil,
A fes travaux fait un honnête accueil,
S'il trouve grace aux yeux de la marquife,
Du feul mérite en plus d'un genre éprise;
S'il fatisfait la Vallière d'Ayen,
Malbeur à lui: la cohorte empeftée
Damne mon homme, & le Journal Chrétien
Secrettement vous le déclare athée.
S'il répond peu, c'est qu'il eft accable;
Si méprisant l'envie fes trompettes,
Il vit en paix dans fes belles retraites,
S'il y fert DIEU, c'est qu'il eft exilé.
Ainfi toûjours ou Zoile ou Therfite,
Pourfuit le fage & noircit le mérite.

Mais, grace au ciel, il est un roi puissant,
Qui d'un coup d'œil protège l'innocent,
Et d'un coup d'eil démafque l'hypocrite
Il bait la fraude, il bait les impofteurs,
Des factions il connaît les auteurs.
Tremblez, méchans, qui trompez fa juftice,

Craignez l'hiftoire, elle est votre fupplice;

VARIANTE.

Craignez fa main : cette main, qui des rois
A fur l'airain confacré les exploits,

T gravera vos infames cabales,

Vos fourds complots, vos tenébreux fcandales;
L'hypocrifie au perfide fouris,

Le fanatisme étincelant de rage,
Le fade orgueil peignant son plat visage
Du fard brillant de l'amour du pays,
Tout paraîtra dans fon jour véritable;
On vous verra l'horreur & le mépris
D'un peuple entier par vos fourbes furpris.
Le Dieu des vers ce Dieu de la lumière,
Dont votre oreille ignore les accens,
Et dont votre œil fuit les rayons perçans;
Ce même Dieu, finissant fa carrière,
Daigne écrafer & plonger dans la nuit
L'affreux Python que la fange a produit.

,

421

Mais aujourd'hui, dans leurs grottes obfcures, Laiffons fiffler ces couleuvres impures ; Ne fouillons pas de leurs hideux portraits Les doux rayons qui definent vos traits. Belle CLAIRON, toutes ces barbaries Sont des objets à vos yeux inconnus ; Et quand on parle à Minerve, à Vénus, Faut-il nommer Cerbère les Furies?

A MADEMOISELLE CLAIRON.

LE fublime en tout genre eft le don le plus rare;

C'est là le vrai phénix; & fagement avare

La nature a prévu qu'en nos faibles efprits

Le beau, s'il eft commun, doit perdre de fon prix.
La médiocrité couvre la terre entière;
Les mortels ont à peine une faible lumière,
Quelques vertus fans force, & des talens bornés.
S'il eft quelques efprits par le ciel destinés
A s'ouvrir des chemins inconnus au vulgaire,
A franchir des beaux arts la limite ordinaire,
La nature eft alors prodigue en fes préfens;
Elle égale dans eux les vertus aux talens.
Le fouffle du génie, & fes fécondes flammes,
N'ont jamais defcendu que dans de nobles ames;
Il faut qu'on en foit digne; & le cœur épuré
Eft le feul aliment de ce flambeau facré.

Un efprit corrompu ne fut jamais fublime.

Toi, que forma Vénus, & que Minerve anime, Toi, qui reffufcitas fous mes ruftiques toits, L'Electre de Sophocle aux accens de ta voix,

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A MLLE.

CLAIR O N.

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(Non l'Electre Française à la mode foumise,
Pour le galant Itys fi galamment éprise ; )
Toi, qui peins la nature en ofant l'embellir,
Souveraine d'un art que tu fus annoblir,

Toi, dont un gefte, un mot, m'attendrit & m'enflamme;
Si j'aime tes talens, je refpecte ton ame.
L'amitié, la grandeur, la fermeté, la foi, (a)
Les vertus que tu peins je les retrouve en toi;
Elles font dans ton cœur ; la vertu que j'encense
N'eft pas des voluptés la févère abftinence.
L'amour, ce don du ciel, digne de fon auteur,
Des malheureux humains eft le confolateur.
Lui-même il fut un Dieu dans les fiécles antiques,
On en fait un démon chez nos vils fanatiques :
Très défintéreffé fur ce péché charmant,
J'en parle en philosophe, & non pas en amant.
Une femme fenfible, & que l'amour engage,
Quand elle eft honnête-homme, à mes yeux eft un fage.
Que ce conteur heureux qui plaisamment chanta (b)
Le démon Belphegor, & madame Honesta,
L'Efope des Français, le maître de la fable,
Ait de la Champmêlé vanté la voix aimable,
Ses accens amoureux & fes fons affétés,
Echo des fades airs que Lambert a notés: (c)

beaucoup plus grand, c'est un familier exceffif & ridicule, qui donne à un héros le ton d'un bourgeois. Le naturel dans la tragédie doit toûjours fe reffentir de la grandeur du fujet, & ne s'avilir jamais par

la familiarité. Baron, qui avait un jeu fi naturel & fi vrai, ne tomba jamais dans cette baffeffe.

(c) Lambert, auteur de quelques airs, infipides, très célèbres avant Lulli. Dd iiij

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