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AU CAMP DEVANT PHILIPSBOURG.

le

3 Juillet 1734.

C'Eft ici que l'on dort fans lit,

Et qu'on prend fes repas par terre.
Je vois & j'entends l'atmosphère,
Qui s'embrafe & qui retentit
De cene décharges de tonnerre;
Et dans ces horreurs de la guerre,
Le Français chante, boit & rit.
Bellone va réduire en cendres
Les courtines de Philipsbourg,
Par cinquante mille Alexandres
Payés à quatre fous par jour.
Je les vois prodiguant leur vie,
Chercher ces combats meurtriers,
Couverts de fange & de lauriers,
Et pleins d'honneur & de folie.
Je vois briller au milieu d'eux
Ce fantôme, nommé la gloire,
A l'œil fuperbe, au front poudreux,
Portant au cou cravate noire,
Ayant fa trompette en fa main,
Sonnant la charge & la victoire,
Et chantant quelques airs à boire,
Dont ils répètent le refrain.

O nation brillante & vaine !
Illuftres fous, peuple charmant,

AU CAMP DEVANT PHILIPSBOURG, &c. 93

Que la gloire à fon char enchaine;
Il eft beau d'affronter gaîment
Le trépas & le prince Eugène.
Mais hélas ! quel fera le prix
De vos héroïques proueffes ?
Vous ferez cocus dans Paris

Par vos femmes & par vos maîtreffes.

EPITRE DÉDICATOIRE

A U

ROI DE PRUSSE, SUR LE PRÉCIS DE L'ECCLÉSIASTE.

SIRE,

ON

N impute au troifiéme roi de la Judée le petit livre de l'Eccléfiafte. Je dédie le précis de cet ouvrage au troifiéme roi de la Pruffe qui penfe comme Salomon parait penfer, & qui a souvent exprimé les mêmes fentimens avec plus de méthode & plus d'énergie.

Quel que foit l'auteur de l'Eccléfiafte, il eft certain qu'il était philofophe; & il n'eft pas fi certain qu'il fût roi. Vous êtes l'un & l'autre ; ainfi vous réuniffez tout ce qu'il y a, dit-on, de mieux fur

la terres

Des cuiftres ignorans qui déteftaient les philofophes & qui n'aimaient pas les rois, ont condamné ce petit précis de l'Eccléfiafte, apparemment, parce qu'il eft en vers; car ces Meffieurs ne font pas plus touchés de la poësie que de la philofophie. C'eft une nouvelle raifon pour dédier cet ouvrage à Votre

EPITRE AU ROI DE PRUSSE. 95

Majefté. Elle a fur Salomon l'avantage de faire des vers, & de n'être point tiraillé par trois cent époufes dites légitimes, & par fept cent drôlesses dites concubines ou femmes du fecond rang, ce qui ne convient pas trop à un fage.

L'Eccléfiafle a été infpiré par le St. Efprit, la traduction libre que je mets à vos pieds n'a éte inf pirée que par la raifon ; ainfi le traducteur peut être tombé dans des erreurs groffières. Il a pu, fans le favoir, hazarder des paroles mal-fonnantes & fentant l'héréfie. Mais comme Votre Majefté eft hérétielle ne s'en offenfera pas. Elle continuera à me donner fa protection contre les fots dont elle eft accoutumée à triompher comme de fes ennemis.

que,

AVERTISSEMENT.

Soit

Oit que l'Eccléfiafte ait été effectivement compofe par Salomon , foit qu'un autre auteur inspiré ait fait parler ce fage; ce livre a toûjours été regardé comme un monument précieux, & l'eft d'autant plus qu'on y trouve plus de philofophie. Il montre le néant des chofes bumaines, il confeille en même tems l'usage raifonnable des biens que DIEU a donnés aux hommes. Il ne fait pas de la fageffe un fantôme bideux révoltant, c'est un cours de morale fait pour les gens du monde. C'est pourquoi on a cru ce livre de l'Ecriture préférable à tout autre, pour en donner un précis en vers, & pour le présenter à la perfonne respectable à qui on a eu l'honneur de l'adreffer.

Il n'aurait pas été poffible de le traduire d'un bout à Pautre avec fuccès. Le ftile oriental eft trop différent du nôtre. L'efprit divin qui s'élève au-deffus de nos idées, néglige la méthode : il ne fait point difficulté de répéter fouvent les mêmes pensées les mêmes expreffions. Il palle rapidement d'un objet à un autre ; il revient fur Jes pas il ne craint, ni les contradictions apparentes que notre efprit borné eft obligé de concilier, ni les grandes bardieffes que notre faibleffe eft dans la néceffité d'adoucir.

Le fentiment de fa propre infuffifance a forcé le traducteur à raffembler en un corps les idées qui font répandues dans ce livre avec une fublime profufion; à y mettre une liaison néceffaire pour nous, & un ordre qui était inutile à l'Esprit faint; & enfin, à prendre un vol moins bardi, convenable à un laique, qui donne l'abrégé d'un livre divin.

NB. On a attribué ce précis à Mr. de.

mais il

n'eft pas de lui; il eft de Mr.

Eratou confeiller de S. A. S.
M. le Landgrave.

PRÉCIS

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