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que ce tuyau carré de tôle, maintenant qu'il était placé, ne faisait pas un aussi mauvais effet qu'on le présumait, et l'on a proposé de le peindre avec des raies bleues et blanches. Nous tous, poètes, artistes, rétrogrades, etc., nous avons presque été convertis par cette idée originale, et nous avons singulièrement regretté sa non réalisation. Un pont de coutil nous paraîtrait le sublime du genre, et du projet à l'exécution, il n'y a qu'un pas, car nous savons qu'il n'est plus rien d'impossible.

Quant au pittoresque château de Choulans, il sera renversé comme tout le reste. Le sol, sur lequel il est construit, et celui des clos environnants, prendront certainement une grande valeur utilitaire, et les constructeurs s'en empareront. Le propriétaire, séduit par le prix, vendra son terrain, son castel et ses beaux ombrages: il fera d'autant mieux de se créer ainsi des revenus, que ce séjour, autrefois si agréable, sera dominé par des maisons de cinq étages, et n'offrira plus aucun charme à la paix et à la retraite.

Nous ne sommes pas si ridicules que nous ne sachions parfaitement tout ce qu'il faut accorder au progrès matériel moderne ; mais nous voudrions simplement voir poser en principe, qu'outre les intérêts utilitaires, il en existe réellement d'autres fondés sur les jouissances intellectuelles, et que, lorsqu'il est possible de poser de légères entraves au vandalisme, souvent inutile, du progrès, il y aurait convenance à le faire. Si nous demandons la reconnaissance du principe, nous ne voulons pas qu'il dégénère en tyrannie. Il ne faut pas que le culte des souvenirs pittoresques devienne une manie incommode; mais tous les hommes qui ont une certaine portée dans l'esprit, comprendront que ce culte entretient un courant d'idées saines et conservatrices, et qu'il n'est pas entièrement à dédaigner. Au reste, ce qui prouve nos assertions, ce sont les réflexions suivantes que nous rencontrons dans le Courrier lui-même, du 3 avril 1858, à l'occasion des œufs de Pâques : «< Ainsi s'en vont toutes les joies naïves, toutes les pieuses et poétiques coutumes de nos pères. L'enfance elle<< même ne connaît plus ces voluptés pures: pour elle, l'œuf de <«< Pâques est une simple boîte renfermant un beau louis d'or. >> P. S.-OLIVE.

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Notre ville a perdu un de ses médecins les plus distingués. Le 10 avril, le docteur Brachet succombait à l'âge de 69 ans, après une maladie dont ses amis et ses clients ne soupçonnaient pas la gravité. Ses obsèques ont eu lieu le 12 au milieu d'un nombreux concours de confrères et d'amis.

M. le docteur Fraisse, secrétaire-général de l'Académie, au nom de la Compagnie, s'est exprimé en ces termes sur la tombe de l'éminent praticien: MESSIEURS,

Avec quelle rapidité les deuils se succèdent dans notre Compagnie! A peine une tombe s'est-elle refermée que la mort nous convie à de nouvelles funérailles.

Viricel, Polinière, Comarmond ont suivi de bien près le vénérable Menoux et tant d'autres dont le souvenir nous est cher; et, comme si ces pertes cruelles ne suffisaient pas au tribut que toute famille doit à la douleur, nous voici encore appelés à rendre les derniers devoirs à un confrère digne, entre les plus dignes, de notre estime et de notre affection. Voué par goût à l'art de guérir, Jean-Louis Brachet fut le parfait modèle du médecin. Sa vie peut être proposée en exemple à ceux qui débutent dans la même carrière. Ils y trouveront de précieux enseignements; ils apprendront de lui le prix du temps et ce que le travail offre de puissantes ressources à l'homme qui veut parvenir par des voies honorables.

Le docteur Brachet ne fut pas seulement un des médecins les plus occupés de notre ville, il est encore un de ceux qui ont le plus écrit sur l'art qu'il professait; et, sans avoir négligé jamais sa nombreuse clientèle, il publia successivement plusieurs ouvrages qui lui ont fait un nom honoré dans le monde de la science.

Une appréciation de ces ouvrages ne saurait trouver place ici; je me bornerai donc à indiquer les principaux :

De l'emploi de l'opium. — Traité pratique des convulsions dans l'enfance. Traité de l'hypochondrie. Mémoire sur l'asthénie. — Traité de l'hystérie. Ces travaux, dont la plupart ont été couronnés par des Sociétés savantes, placent leur auteur au premier rang parmi les observateurs et les praticiens; ceux qui suivent lui assignent une place distinguée entre les physiologistes de notre époque ce sont ses Recherches expérimentales sur les fonctions du système nerveux ganglionaire (ouvrage qui a obtenu, à l'Institut, le prix de physiologie fondé par Monthyon), et sa Physiologie élémentaire de l'homme, l'un des traités de ce genre les plus complets.

Professeur à l'Ecole secondaire de médecine, successivement président de l'Académie et de la Société de médecine, le docteur Brachet porta dignement le fardeau de ces fonctions et de ces honneurs, accordés à son mérite que rchaussait encore une rare modestie.

Aimé et estimé de tous, jouissant de la position la plus désirable, celle de l'homme qui a su conquérir, tout à la fois, fortune et considération, notre confrère eut cependant ses jours d'affliction ; il eut à pleurer un fils unique. Mais son courage s'étant relevé sous la toute-puissante consolation du travail, tout lui présageait une longue et heureuse vieillesse, lorsque, tout à coup, sa santé subit une atteinte profonde, préparée sans doute par les fatigues incessantes de sa vie médicale. Comprenant, dès lors, que l'heure du repos avait sonné pour lui, il partit pour l'Italie. Mais il était trop tard! Quelques semaines s'étaient à peine écoulées qu'il revenait au milieu de nous, pour s'aliter et pour mourir.

Votre fin a été digne d'envie, respectable confrère; elle a été adoucic par les soins de votre famille, par les secours de la religion et aussi par le

témoignage que vous avez pu vous rendre du bon cmploi des jours que vous avez passés sur la terre.

Mais si cette pensée doit alléger, un jour, la douleur de vos amis, elle ne saurait diminuer les regrets dont, au nom de l'Académie, je dépose l'expression sur votre cercucil.

CHRONIQUE LOCALE.

La Ville poursuit avec ardeur le cours de ses réformes et de ses embellissements; les architectes dominent, les maçons triomphent, les charpentiers sont au haut de l'échelle, et les promeneurs ébahis ne reconnaissent plus le lendemain le quartier qu'ils ont parcouru la veille. Les jardiniers ont aussi leur part dans ces honneurs ; d'élégants jardins sont créés dans des endroits où nous étions habitués à ne voir que du sable et des cailloux. — La ligne d'arbres au nord de Bellecour vient d'être doublée; on a fait une allée sur l'ancien emplacement des fiacres, installés aujourd'hui aux deux extrémités de la place.

Les travaux de l'hôtel-de-ville s'avancent, sous l'habile impulsion de l'architecte en chef; les sombres bureaux que nous connaissions sont transformés les uns en brillants appartements, les autres en bureaux commodes et aérés. Les appartements de l'Empereur et ceux de M. le Sénateur sont dignes de leur destination. Nous reviendrons dans un prochain numéro sur cette grandiose transformation.

-Un de nos compatriotes, M. Mocker, vient d'obtenir un brillant succès en mettant en musique plusieurs pièces des Symphonies de M. de Laprade. Le poète a heureusement inspiré le compositeur.

On se souvient de la belle statue de M. Fabisch, La fille de Jephté, achetée, il y a quelques mois, par le gouvernement; M. Fabisch travaille, dans ce moment, à un autre sujet biblique, le jeune David, qui, nous l'espérons, sera un digne pendant de son aînée.

Un congé d'un an vient d'être accordé à M. de Laprade. Pendant la durée de ce congé il sera suppléé par M. Philibert Soupé, qui est connu par divers travaux sur la littérature indienne.

L'Académie de Lyon doit être fière du succès de ses membres. Les derniers travaux de Messieurs Bouillier, sur les Académies de province, Bonnet, sur l'Oisiveté des classes riches, Valentin-Smith, sur l'Accroissement des villes par la dépopulation des campagnes ont eu un profond retentissement. Le Courrier de l'Ain, un des organes les plus intelligents de la province, a, le premier, reproduit en grande partic le travail de M. Smith, puis sont venus l'Univers religieux, l'Union et le Siècle qui, chose rare, comme le faisait remarquer le Courrier de Lyon, se sont rencontrés pour louer à l'égal le Mémoire de notre savant collaborateur. Le Constitutionnel seul, dans deux longs articles, a combattu la pensée de M. Smith et déclaré que le mouvement de l'émigration rurale s'est arrêté. Tant mieux si cela est ainsi, c'est ce que la statistique pourra bientôt nous apprendre.

A propos de la représentation tragi-comique donnée au commencement d'avril par le fameux Jérôme Coton, le journal le Nord s'amuse aux dépens des Lyonnais. Cela nous rappelle une facétie de 1848 prise au sérieux par l'Illustration qui attribuait à nos Académiciens une inscription dictée par les Voraces, et qui ne pouvait comprendre qu'une Société savante eût pu faire graver sur le piedestal de la statue de Louis XIV: Ceci est le chef-d'œuvre du citoyen Lemot, ouvrier lyonnais !!! A. V.

Aimé VINGTRINIER, directeur-gérant.

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Le chant du vendangeur qu'on entend sur la route
Et le pas du cheval sur les cailloux roulants,
L'eau qui sur le rocher retombe goutte à goutte,
La cloche des agneaux et la voix des enfants....

Le fouet du muletier et les champs de bruyères,
Les châtaigniers verts et touffus,
Dans la plaine, le soir, l'église de Gravières (1)
Dont la cloche s'ébranle et sonne l'angelus ;

Devant notre demeure, aux tourelles noircics,
La pelouse qui suit la pente du coteau;
Quand revient le printemps aux brises radoucies
Quand la mousse verdit sur les toits du hameau;

(1) Beau village de l'Ardèche sur la petite rivière de Chassezac.

Le pâtre aussi reprend sa vieille cornemuse,

La chèvre court sur le chemin

Et joue avec l'enfant qui rit et qui s'amuse
A voir bouillonner l'eau dans le fond du ravin.

Et ma mère va voir si sur sa plate-bande
Une fleur est éclose, un bouton s'est montré,
Ou si le chèvre-feuille allonge sa guirlande,
Ou si la vache est bien à l'ombre dans le pré...

Puis reprenant le livre interrompu la veille,
Elle lit son poète aimé,

Regarde ses tableaux de maîtres, puis surveille........
Et mon père va voir dans le champ parfumé

Si l'arbre, sous ses fleurs, cache un fruit pour l'automne,
Si le chat sous le mur guette un lézard caché,

Ou l'oiseau près du nid. Et puis il fait l'aumône
Au vieillard indigent dont le front est penché....

Et lorsque vers le soir, de la salle commune,
Nous découvrons un coin des cieux;
Si sous les arbres verts passe un rayon de lune,
Si le village au loin éteint ses derniers feux;

Nous écoutons les bruits, les voix, chaque murmure

Des branches sur le mur où chante le grillon,

Et nous pensons tout bas, regardant la nature,

Que le bonheur existe, et n'est pas un vain nom!

Maric FLANDIN.

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