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Notre ville suit rapidement le cours de ses transformations et de ses embellissements; partout les travaux se continuent malgré le froid, partout de nouvelles voies de communication sont ouvertes, d'élégantes constructions s'élèvent, de brillants magasins se créent dans les nouveaux quartiers et il n'est pas de faubourg si reculé qui n'ait sa part dans ces vastes projets d'amélioration. La rue Impériale presque terminée à vu s'ouvrir les bureaux de la Banque de France, la café Maderni et le riche magasin de librairie de MM. Ballay Conchon; la place Bellecour et la place de la Charité reçoivent leurs belles et utiles plantations, le passage des Terreaux est livré au public, le prolongement de la rue Grenette est fréquenté par de hardis passants qui bravent les poutres et les moellons, le nouveau marché couvert de Vaise devient un but de promenade, la rapide montée entre le Cours et la place des Chartreux est adoucie, les travaux de raccordement entre la rue du Commerce et la rue de l'Annonciade se poursuivent à travers des débris antiques, soigneusement explorés par nos savants, et les amateurs peuvent se donner des émotions en s'appuyant sur la frèle balustrade en bois qui sépare à peine du précipice effrayant formé par la nouvelle terrasse jetée entre la rue de l'Annonciade et le Cours des Chartreux; enfin la Croix-Rousse voit s'élever son vaste hôpital et le parc de la Tête d'or occupe de nombreux ouvriers, qui là du moins trouvent du pain. Le tirage de la loterie de N. D. de Fourvières a eu lieu le 8 décembre, à l'archevêché. Le soir l'illumination annuelle de la ville entière avait lieu avec un redoublement de zèle qui rappelait l'illumination magique et spontanée de 1852.

Le 12, au foyer du Grand-Théâtre, et devant un nombreux auditoire d'amateurs, un jeune artiste plein d'avenir, donnait un concert où l'élite de nos artistes se faisait entendre ; devant de si bons juges M. Aimé Gros déployait toutes les richesses de son organisation et de son talent; les applaudissements lui ont prouvé combien dans sa ville natale on aimait les arts quand ils étaient compris et interprêté dignement. MM. Kapry et Lysberg ont aussi fait ample moisson de bravos; grâce à M. Pontet nous serons désormais en mesure d'organiser des réceptions aux artistes étrangers.

La galerie des Peintres-Lyonnais vient de s'enrichir, par les soins de M. le Sénateur, d'un très-beau paysage de notre peintre regretté Guindrand. L'archéologie lyonnaise a perdu, au commencement du mois passé, M. Comarmond, décédé dans sa soixante et dixième année; il a été remplacé, comme conservateur du Musée d'antiques, par M. Martin-Daussigny dont tout le monde à Lyon connaît le savoir, le zèle et l'activité.

Le discours de M. Bouillier sur l'Institut et les Académies de province, que nous avons publié dans la Revue de novembre, a eu un grand retentissement dans la presse, dans l'Institut et dans les Académies de province. Parmi les nombreux journaux de Paris qui en ont rendu compte, nous devons citer les Débats et l'article de M. Saint-Marc Girardin qui en est la plus vive et la plus complète approbation. Mais, ce qui importe plus, l'Institut lui-même s'en est ému et l'a renvoyé à l'examen de sa commission administrative. Enfin, le plan de M. Bouillier n'a pas reçu un moins bon accueil dans les Académies de province. Nous ne savons ce qu'il en résultera pour le moment, mais nous ne doutons pas que cette idée, si vraie et si féconde, d'une fédération des Sociétés savantes autour de l'Institut, ne doive tôt ou tard se réaliser.

- M. Bonnet a lu, dans une des dernières séances de l'Académie, un travail sur l'oisiveté des classes riches qui a été fort applaudi. A une grande élévation morale, ce travail joint une vive critique de certains travers de notre temps.

Après un brillant examen M. Duparay, professeur de rhétorique au college de Châlon, a été reçu docteur à la Faculté des Lettres de Lyon, ces jours derniers; nous rendrons compte de sa thèse française: Des principes de Corneille sur l'art dramatique, travail intéressant qui révèle un investigateur patient et habile, et de la thèse latine: De Petri venerabili vita et operibus, qui dévoile des qualités non moins précieuses et non moins solides. Cette dernière fait honneur aux presses châlonnaises, nous en félicitons notre confrère, M. Montalan.

- Nos théâtres ont l'heureuse chance de traverser triomphalement le rude moment où nous nous trouvons. Sémiramis, les Amours du Diable et surtout le talent hors ligne de Mme BESSIN-POUILLEY, ont le privilége d'attirer le public. Aux Célestins, les Chevaliers du Brouillard poursuivent, sans inquiétude, le cours de leurs succès.

Un nouveau journal vient de paraître à Béziers. Sous la direction habile de M. Fernand Lagarrigue la Revue Bibliographique du midi se dispose à rendre compte des ouvrages qui paraîtront en Province, de la Loire aux Pyrénées; c'est une bonne pensée à laquelle nous nous empressons d'applaudir.

L'importance que prend chaque jour la Gazette Médicale de Lyon et l'impulsion que va lui donner son nouveau directeur, obligent la Revue du Lyonnais à une concession; en sœur bien apprise elle cède son jour à la Gazette et désormais elle ne paraîtra que le cinq au lieu du premier.

A. V.

Aimé VINGTRINIER, directeur-gérant.

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NOVEMBRE.

Voici venir l'hiver, et les champs attristés
Ont rendu les oisifs aux plaisirs des cités.
Déjà, devant le feu qui flamboie et pétille,
Novembre, chaque soir, rassemble la famille.
Adieu les jours sereins et les jeux dans les bois !
Il pleut. L'ouragan hurle et fait craquer les toits.
Aux vieux manoirs du Rhin, dans les Alpes hautaines,
Sur les flots bleus des lacs, plus de courses lointaines!
Les neiges et la brume aux hardis pélerins,

Des riches horizons dérobent les chemins.

Chauffons-nous... quand la bise, au déclin de l'automne,
Derrière mes rideaux tout le jour m'emprisonne,
C'est alors que la Muse, amie au doux parler,
Redevient ma compagne et me sait consoler.
Elle est là qui sourit... et mon luth se réveille,
Bonne féc, elle est là qui chante et me conseille,
Et moi, dès mon printemps nourri de ses leçons,
Pour m'en faire l'écho je retiens ses chansons.
Tantôt, prenant son vol vers de riants rivages,

Elle étale à mes yeux de splendides images ;
Ou bien, tendre et rêveuse, elle peint des amants
Et les bonheurs déçus et les secrets tourments.
Tantôt, enflant sa voix au ton de l'épopée,
Elle dit les hauts faits d'une vaillante épée,
Ou sa baguette d'or, fouillant les temps passés
Évoque du tombeau d'illustres trépassés.

O sœur des mauvais jours, ô Musc, sois bénie.
Par toi tout est beauté, splendeur, grâce, harmonie
A mes regards jaloux tes saints trésors ouverts,
Me font, d'un cœur moins triste, attendre les hivers

Eux aussi, du passé, sublimes héritages,
Phares échelonnés sur l'océan des âges,

Ils sont là près de moi, ces flambeaux où l'esprit,
A d'immortels rayons s'éclaire et se mûrit.
C'est Homère, Virgile ou Milton qui des anges,
Dans les cieux enflammés, fait heurter les phalanges;
C'est Shakspearc, le barde aux drames effrénés;
C'est Catulle et Lesbie, ou Dante et ses damnés,
Horace et le bon sens, le génie et Molière...

Oh! j'oublie avec eux la Musc familière !

Je les compare et vois comment un siècle est fort,
Comment grandit soudain un peuple qu'on croit mort,
Comment les nations, par les arts fécondées,
S'avivent sous le choc des puissantes idées,
Comment l'Humanité, s'élevant par degrés,
A force de génie a conquis le Progrès.
Voyageurs merveilleux, philosophes, poètes,
Des récits de l'histoire émouvants interprètes,
Amis toujours nouveaux, je vous aime, et par vous
L'heure vole et les mois coulent remplis et doux.
Oh! quand mai sourira; quand le parfum des roses
Rapportera l'oubli des jours noirs et moroses;

Du soleil printanier quand les tièdes rayons

Feront battre les cœurs et verdir les sillons,

Plus de livres alors et plus de chansons vaines !

Mais des courses au loin, sur les monts, dans les plaines;

Mais les vastes tableaux, l'air pur, la liberté ;
Mais des soirs étoilés la sainte majesté,

Et les ruisseaux jasant sur les pentes fleuries,
Et les bois où s'en vont errer les rêveries!

Ah! devant tes trésors infinis et divers,
Nature! qu'ils sont vains, nos livres et nos vers!

Les vers, ce n'est qu'un jeu vaniteux et frivole,

Un son qui, d'un cœur plein s'échappe, et qui s'envole
Sans frapper nul écho, dispersé par le vent;

Puis les livres, hélas, les livres bien souvent

Nous font l'âme mauvaise en nous parlant des hommes,

Mais vous, oiseaux chanteurs, vous, fleurs aux doux aromes,
Étoiles au front d'or, astre aux rayons de feu,

Vous nous rendez meilleurs en nous parlant de Dieu.

LES ROQUETS.

Pierre BARBIER.

Un Terre-Neuve, un noble chien,

A l'œil intelligent, à la démarche fière,

Marchait..... et des Roquets, aboyant par derrière,
Le poursuivant de loin. . . . . César n'entendait rien ! . . .

Quand je vois un grand citoyen,

Un illustre orateur, un homme de génie,
Mieux encore, un homme de bien

Poursuivi par la calomnie,

Je songe à mes Roquets, et je pense tout bas :
Laissons-les s'enrouer, il ne les entend pas ! . . . . .

Vicomte de CHARNY.

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