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elles prirent le voile, sous les auspices de l'abbesse Marie, leur tante, que l'une d'elles (Barbe-Françoise) devait, en 1680, remplacer dans la chaire abbatiale, après avoir été longtemps sa coadjutrice'.

Mais la deuxième (Marie-Henriette-Thérèse), âgée de dix-neuf ans en 16692, devra seule nous préoccuper ici, étant celle dont nous allons voir le doyen de Metz inaugurer l'entrée en religion par un de ces discours auxquels en tous lieux on mettait tant de prix. La mort de la duchesse de La Vieuville, mère de la postulante, arrivée le 7 juillet de cette année (1669), deux mois précisément avant la cérémonie3, ne put qu'accroître encore l'intérêt de cette solennité, où, sans compter les soixante religieuses de la communauté, s'étaient rendus, avec tous les de Vienne, tous les La Vieuville, nombre de seigneurs, de prélats, d'ecclésiastiques, de religieux du diocèse. L'évêque de Meaux (Dominique de Ligny) y devait officier pontificalement. Plein d'estime et d'amitié pour Bossuet, qu'il avait demandé au roi pour coadjuteur, le prélat, heureux de le posséder dans sa ville épiscopale, se dut réjouir qu'il lui fût ainsi donné de l'entendre *!

'Histoire généalogique des grands officiers de la couronne, par les PP. Anselme et Simplicien, t. VIII, 759. — Mémoires du duc de SaintSimon; 1829, in-8°, t. VIII, 359, 60. Gallia christiana, t. VIII, col. 1724. Histoire de l'Église de Meaux, par Dom Toussaints du

Plessis; 1731, in-4o, I, 442 et suiv.

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2 Moréri dit qu'elle devint, plus tard, abbesse de l'Amour-Dieu (Bernardines), dans le diocèse de Soissons. A en croire Le Dicu, elle mourut dans le monastère de N.-D. de Meaux, le 17 mai 1705. (Mémoires mss.)

3 Histoire généalogique des grands officiers de la couronne, par les PP. Anselme et Simplicien, t. VIII, 759.

4 Recueil historique des archevêchés, etc., par dom Beaunier, bénédictin; Paris, 1726, in-4o, t. I,

5 Mémoires mss. de Le Dieu.

61.

Bossuet

cette céré

inonie.

Son sermon, venu jusqu'à nous, servira à fixer le jour Quel sermon véritable où eut lieu sa promotion à l'épiscopat, et où lui en fut aussitôt portée la nouvelle. C'est, sans contredit, celui qui, prêché un huit septembre, à une vêture', eut pour texte ces paroles: Martha, Martha, sollicita es. Composé pour la fête de la Nativité; prononcé dans un monastère dédié à Marie; et l'orateur faisant allusion à ces deux circonstances, dans son discours, la date, par là seulement, en serait déterminée déjà, à ne pouvoir s'y méprendre. Mais Le Dieu, de plus, indique le huit septembre comme le jour où le doyen de Metz prêcha la vêture de Marie-Henriette Thérèse de La Vieuville 3. Lors donc que le cardinal de Bausset, parlant de cette cérémonie, affirma qu'elle avait eu lieu le treize*, c'est que, trop préoccupé de la date du brevet de nomination du doyen de Metz à l'évêché de Condom (brevet signé le 13, sans contredit), à tort supposa-t-il que, ce jour-là seulement, le roi avait déclaré son choix; plusieurs jours, chaque fois presque, s'écoulant entre les nominations faites par le monarque et la signature du brevet royals. Bossuet, en un mot, nommé au siége de Condom le 8 septembre 1669, en reçut le jour même, à Meaux, la nouvelle. Le courrier arrivant à Meaux, à l'évêché, comme y rentraient, après la vêture, tant de parents et d'amis qui avaient as

1 Bossuet, Sermon pour une véture, prêché le jour de la Nativité de la sainte Vierge, t. XVII, 92 et suiv.

2

« Mais achèverons-nous ce discours sans parler de la divine Marie, dont nous célébrons aujourd'hui la Nativité bienheureuse ? Ibid. p. 111. 3 Mémoires mss. de Le Dieu.

--

4 Histoire de Bossuet, par le cardinal de Bausset, liv. II, no XXVIII. 5 Ainsi le duc de Montausier avait, dès le 18 septembre 1668, été nommé gouverneur du dauphin; et le brevet de sa nomination ne fut toutefois signé que le 21 du même mois. ( Gazette de France, 22 septembre 1668.)

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recoit, à

Bossuet sisté à la cérémonie, la joie de Dominique de Ligny, celle Meaux, ce de toute cette famille, émue encore de l'éloquence de

même jour,

la nouvelle

nation à

Condom.

de sa nomni- Bossuet, pourra être imaginée aisément, ainsi que leur Pévéché de empressement chaleureux à lui en prodiguer les témoi8 sept. 1669. gnages. Son union avec les La Vieuville étant, de ce jour-là, devenue plus étroite, dans Meaux, lorsque, treize années plus tard, il y revint comme évêque du diocèse, sa première pensée, après qu'il eut été reçu en grande pompe dans la ville, puis dans son église, devait être pour le monastère de Notre-Dame, où il voulut, le jour même de sa solennelle entrée, aller voir les trois nièces de feu Marie de La Vieuville, qui, toutes, avaient, comme il semble, ou reçu le voile, ou fait profession sous ses auspices'.

On applaudit

a la promotion de Bossuet.

D'unanimes applaudissements accueillant une rémunération si tardive; et « l'approbation de tout le royaume se joignant à celle du roi, » Bossuet se devait entendre féliciter, du haut de la chaire, « d'avoir eu cet avantage, que les canons ont souhaité aux évêques, d'être promu à l'épiscopat par la voix de tous. » Gui Patin, un homme si peu engoué, si clairvoyant, et, disons-le, si défiant quelquefois, annonçant à son ami Falconet, dans une lettre intime, cette nomination, dont il se réjouit,

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-

Mercure galant, mars 1682, p. 8, 63. C'étaient Barbe-Françoise de La Vieuville, devenue abbesse en décembre 1680, à la place de Marie, sa tante, décédée le 10 octobre précédent; et ses deux sœurs : 1o Marie-Henriette-Thérèse (celle dont Bossuet avait, le 8 septembre 1669, prêché la véture). 2o Charlotte-Françoise. ( Histoire chronologique et généalogique de la maison de France, par les PP. Anselme et Simplicien, t. VIII, 759.) Gallia christiana, t. VIII, col. 598, 99. Histoire de l'église de Meaux, par dom Toussaints du Plessis; 1731, in-4o, t. I, 598, 599.

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2 Sermon prononcé par l'abbé de Fromentières, au sacre de Bossuet, le 21 septembre 1670.

Ce qu'en Gui Patin,

que con

naissait bien.

Monnoye, de

Dijon.

« M. l'abbé Bossuet (lui mandait-il) est fait évêque de Condit Condom; c'est un digne personnage et très-savant'» Témoignage d'un juge très-compétent, et bien informé; Bossuet, qui était, avec Guiet Charles Patin, avec Blondel, Rapin, l'abbé Fleury, de cette Académie fondée vers 1656, par l'illustre premier président Lamoignon, y faisant quelquefois des lectures, comme on le verra dans la suite3. En possession de célébrer tous les faits notables, les vers de La poëtes, dans une telle conjoncture, n'avaient garde de demeurer muets. Laissant là les médiocres productions de quelques versificateurs subalternes, Pellisson, Maury, La Monnoye seront seuls mentionnés ici. Pour tous, si l'on y prend garde, pour tous, grands et petits, les merveilleuses prédications de Bossuet, à la cour et dans les églises de Paris, depuis douze années, étant le fait dominant de sa vie, et ce qui, en lui, a frappé le plus, jusqu'à cette heure, ces poëtes se plairont à célébrer dans leurs vers une rare éloquence à laquelle le grand roi vient de rendre hommage. Dans une pièce de vers français, composée à propos de cette promotion, et qui dut être un de ses premiers essais, Bernard de La Monnoye, né à Dijon, triomphant de cette justice rendue enfin à un grand homme, qui honore leur commune patrie, devait exprimer une heureuse pensée, empruntée à saint Augustin. Entendre l'apôtre saint Paul; l'entendre prê

Gui Patin, lettre du 13 septembre 1670.

2 Dans l'hôtel Lamoignon (ancien hôtel d'Angoulême), rue PavéeSaint-Antoine. Il existe encore. (Description historique de la ville de Paris, par Piganiol; 1765, t. IV, p. 406. )

3 Gui Patin, lettre du 15 décembre 1670.

4 Bernard de La Monnoye, né le 15 juin 1641, n'avait, en 1669, que vingt-huit ans. Sa pièce de vers : Le duel aboli, couronnée en 1671, par l'Académie française, fut le commencement de sa réputation. (Dictionnaire de Chauffepié, article: Monnoye ( Bernard de La ), remarque B.

Vers latins de Jean

chant, ou à Athènes, ou à Thessalonique, eût été un inef-
fable bonheur pour l'évêque d'Hippone, qui, n'ayant
pu jouir de cette douceur, s'épancha plus d'une fois sur
cela en touchants regrets. Au jeune poëte de Dijon, plus
heureux, Dieu ayant donné d'entendre son illustre com-
patriote; d'entendre en lui saint Paul, saint Augustin,
tout ensemble, il s'en applaudit avec transport dans les
vers qu'on va lire :

Mais ce que ne put voir ce miracle d'Afrique,
Grâces à Bossuet, aujourd'hui je le vois.
Sa bouche, qui ravit le plus grand de nos rois,
Est celle par où Paul à la France s'explique.
Oui, Paul, en Bossuet, nous est venu des cieux;
Je le connois au feu qui brille dans ses yeux,

A cet éclat de zèle, à cette voix qui tonne.

Mais le comble, après tout, de mon heureux destin,
C'est de voir, tout ensemble, en la même personne
L'éloquence de Paul et le rang d'Augustin '.

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Dans des vers latins, tels qu'il les sut si bien faire, Maury. Jean Maury, admirateur affectionné de Bossuet, dès le temps de ses études à Navarre, et qui, depuis, s'est montré toujours des plus empressés à ses sermons, parle, en homme pénétré, des succès inouïs, qui au Louvre, qui en tous lieux signalèrent la présence du renommé prédicateur 2.

OEuvres choisies de feu M. de La Monnoye; 1770, trois volumes in-8°, t. II, p. 228:

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