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que, si j'étois pourvu ou canonisé étant encore revêtu du doyenné de votre église, les prétentions de la cour de Rome pourroient causer quelque embarras dans votre élection, dont j'ai dessein, avant toutes choses, de vous conserver la liberté toute entière, je me suis résolu de prévenir cet inconvénient par ma démission pure et simple entre vos mains. Ce sera, maintenant, à vous, messieurs, de faire, d'abord, quelque acte qui empêche les préventions; et, ensuite, de célébrer une élection canonique, dans toutes les formes ordinaires, en laquelle je ne doute pas que, laissant à part toutes les pensées et tous les intérêts particuliers, dans une affaire d'où dépend tout le bien de votre compagnie, vous ne regardiez, uniquement, l'honneur et l'utilité du chapitre, qui n'a jamais eu plus de besoin d'un digne chef que dans les conjonctures délicates où il se trouve.

« Au reste, si la nécessité de mes affaires ne me permet pas de faire ma démission en personne, comme je me l'étois proposé, je ne perds pas, pour cela, le dessein de vous aller faire mes remercîments très-humbles des continuelles bontés que vous avez eues pour moi; et de laisser à une église à laquelle je me sens si redevable quelque marque publique de ma reconnoissance.

«< Recevez, en attendant, les assurances d'une affection qui vous sera toujours très-acquise; et croyez que je serai, toute ma vie, avec le même attachement que si j'étois encore parmi vous, messieurs, votre très-humble et très-obligé serviteur.

L'ABBÉ BOSSUET,

Nommé à l'évêché de Condom.

« Je vous prie d'accuser la réception'. »

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Copié sur l'autographe, qui est aux archives de la préfecture de

de Metz élit un nouveau doyen.

de Bossuet

fut donné à

Claude de

Maridat.

Cette lettre et les actes venus de Paris, avec elle, de- Le chapitre vaient avoir les suites que Bossuet s'en était promises. Diligent à se mettre en garde contre la prévention, appréhendée du côté de Rome, le chapitre, après les délais et formalités accoutumés, avait procédé à la solennelle élection d'un nouveau doyen. De vingt-neuf chanoines présents, quinze seulement ayant donné leurs Le canonicat voix à leur confrère Colombet', c'en fut assez pour lui assurer la dignité vacante. Nul, pour cette haute dignité, ne devait, après Bossuet, réunir l'unanimité des suffrages. Le canonicat, dont il s'était aussi démis, purement et simplement, comme on a vu, allait échoir à son parent Claude de Maridat, fils de ce savant conseiller au grand conseil, dont nous avons parlé au tome Ier de cet ouvrage; le chanoine tournaire ayant voulu, au nom du chapitre, honorer l'illustre démissionnaire en donnant à ce parent, digne d'ailleurs, une prébende que Bossuet avait possédée si longtemps 2.

de regret et d'attachement donnés

Disons maintenant les regrets qu'avait laissés Bossuet Témoignages dans Metz, et le durable souvenir que toujours on y conserva de lui. A la cour, où il séjourna pendant douze années; à Meaux, où il alla résider dans la suite, des

Metz. Cette lettre fut transcrite, le 19 octobre 1669, sur les registres du chapitre de Metz.

1

Registres du chapitre de Metz, 19 octobre, 12 novembre 1669.

2 Procuration donnée, le 10 octobre 1669, par J.-B. Bossuet, au chanoine Gabriel Bailly, aux fins de résigner, en son nom, entre les mains du chanoine tournaire, son canonicat et sa prébende. Résignation, à Metz, par ledit Gabriel Bailly, entre les mains d'Alexandre Crespin, chanoine tournaire, desdits canonicats et prébende ayant appartenu à J.-B. Bossuet, 19 octobre 1669.- Provisions desdits canonicat et prébende, données, le même jour 19 octobre, par le chanoine Crespin, tournaire, à Claude-Nicolas Maridat, clerc du diocèse de Paris. (Ces actes étaient, en 1844, dans l'étude de M. Rollin, notaire à Metz (rue aux Ours), qui me permit de les transcrire. )

à Bossuet, pitre de

par le cha

Metz.

Les chanoines de

députations du chapitre de Metz devaient, plus d'une fois, le venir assurer des sentiments d'attachement et de respect d'une compagnie qui tenait à grand honneur de l'avoir vu dans ses rangs'. Sept années encore après sa mort, au service solennel qui se fit dans l'église cathédrale de Metz, pour le dauphin, fils de Louis XIV, aurait-on pu, dans l'Oraison funèbre de Louis de France, honorer le royal disciple sans célébrer aussi le maître; aurait-on pu ne point donner gloire à celui dont la voix, naguère, avait retenti tant de fois sous les voûtes de cette basilique, et laissé dans tant de cœurs de profondes impressions qui y vivaient encore? Tout ce qu'avait fait le sublime instituteur à Saint-Germain, à Versailles, pour donner à la France un roi digne d'elle, était exposé dans ce discours, avec une manifeste complaisance; après quoi, s'adressant aux chanoines, présents tous là, aux anciens surtout du chapitre, attentifs et émus, « Vous l'avez vu, messieurs, ajouta l'orateur, vous l'avez vu dans votre église; vous l'avez connu; vous le regrettez, avec toute la France, avec toute l'Église ». Puis, sont décernées mille louanges à l'illustre prélat qui «< donna le coup mortel à l'hérésie, et en qui la ville de Metz, autrefois, admira une éloquence solide, une politesse sans affectation, un travail infatigable ».

2

A Bossuet, inscrit en son rang, parmi les grands doyens, Metz louent, dans les annales de l'église de Metz, sont prodiguées ces

en 1767, les

procédés louanges toutes d'exception, qui marquent partout son

dont avait

1 Des mémoires, imprimés, sur un procès intéressant le chapitre de Metz, et qui attestent ces faits, ont été sous mes yeux. Ils sont dans la bibliothèque de la ville de Metz.

2 Oraison funèbre du grand dauphin, prononcée à Metz, le 16 juin 1711, dans la cathédrale, en présence de monseigneur l'évêque de Metz, par M. l'abbé Braier, chanoine et vicaire général de l'Église de Metz; Metz, chez Brice Antoine, 1711, in-4o de 24 p.

en 1669.

passage'. En 1767, un siècle après qu'il a cessé d'ap- usé Bossuet partenir à cette église, son nom, une fois encore, y retentit, prononcé avec vénération et regret. De Chaumont de Mareil, grand doyen, ayant, depuis peu, résigné le décanat à l'abbé de Montholon, au lieu de s'en référer aux suffrages du chapitre, et de là étant nés des dissentiments, des scènes fàcheuses, et enfin un désordre inimaginable, on se souvint alors de Bossuet, grand doyen autrefois; de son procédé si différent de celui-là. « Pourquoi ( s'écriaient, en cette occasion, tous les chanoines), pourquoi M. de Mareil n'a-t-il pas imité M. Bossuet? Pourquoi n'a-t-il pas donné, à son exemple, une démission pure et simple2? »

Louis XVI, lorsqu'à dix années de là, érigeant en chapitre noble le chapitre de Metz, il accorda, par privilége, aux chanoines de cette église une décoration d'honneur, entre plusieurs motifs, exposés dans les lettres patentés, comme l'ayant excité à gratifier cette compagnie, relève « la célébrité des sujets qui y ont rempli les dignités et les canonicats. » Bossuet (pourrait-on en douter), Bossuet, présent en cette conjoncture à la pensée du monarque, plus qu'aucun autre dont les fastes de l'église de Metz aient conservé la mémoire, méritait aujourd'hui ces distinctions à une compagnie dont, vivant, il avait été la gloire 3!

Louis XVI, érigea le

en 1777,

chapitre de Metz en chapitre noble. Ses motifs.

La mort de la reine mère d'Angleterre, arrivée à Co- Bossuet ap

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'Anciens genuit de l'église de Metz. Series dignitatum et canonicorum ecclesiæ Metensis, ab anno 1467 ad annum... ( Mss. appartenant a M. l'abbé Masson, à Metz.)

› Mémoire imprimé en 1767. (Bibliothèque de Metz. Recueils. )

3 Brevet et lettres patentes de Louis XVI, du 10 mai 1777, enregistrés au parlement de Metz le 18 juillet suivant. A Metz, chez Joseph Antoine, Imprime, in-4o, 8 pages.

pelé à pro

raison fu

nèbre de la

(Sept. 1669.)

noncer l'o lombes', le 10 septembre 16692, devait être, pour le reine d'an doyen de Metz, l'occasion de se produire dans la chaire gleterre chrétienne sous un aspect tout nouveau, et de créer, on le peut dire, un art, dont il a, tout d'abord, porté les bornes si loin que nul n'a pu jusqu'ici, que nul jamais. ne prétendra les atteindre. Après son Oraison funèbre de Marie-Henriette de France, qu'étaient tous les discours prononcés avant elle à des funérailles; qu'étaient-ils autre chose que des essais et des ébauches; tous, ai-je dit, et ceux-là aussi par lesquels Bossuet lui-même avait préludé naguère à cette action, qui fit oublier les précédentes? Tant il sera vrai toujours de dire avec lui : <«< Ni l'art, ni la nature, ni Dieu même ne produisent pas tout à coup leurs grands ouvrages; ils ne s'avancent que pas à pas; l'on crayonne avant de peindre; l'on

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Et non point à Coulommiers, comme l'a dit le P. Hyacinthe d'4vrigny, dans ses Mémoires pour servir à l'histoire universelle de l'Europe, depuis 1600 jusqu'en 1716; 1757, in-12, 5 vol., t. III, 342. La maison qu'elle avoit à Colombes est située dans une agréable plaine, peu éloignée de la rivière. » ( La Vie de Henriette-Marie de France, déjà citée [par Cotolendi]; Paris, 1690, in-8o, p. 116.) A Colombes, « elle menoit une vie douce; elle y cherchoit la paix. » (Mémoires Motteville, collect. Petitot, 2 série, XL, 134.) - Le désert de Colombes, » dit le P. Senault, Oraison funèbre de la reine d'Angleterre, 25 novembre 1669;1670, in-4o, P. 42. Le château de Colombes, après elle, appartint à la duchesse de Berwick (1697 ); en 1757, il appartenait à MM. d'Asfeld. ( Le Beuf, Histoire du diocèse de Paris; 1757, in-12, t. VII, 107.) Au même endroit, le P. d'Avrigny (copié, en cela, par Sismondi, Histoire des Français, t. XXV,'186 ) dit, bien à tort, que Henriette-Marie de France, après la restauration d'Angleterre, ne retourna jamais dans ce royaume, Cette reine, au contraire, y alla deux fois, 1o en 1660. Partie de Paris le 30 octobre, elle n'y revint que le 20 février 1661. 2o En 1662. Partie de France en août, elle n'y revint que trois ans après, le 25 juillet 1665. Gazette de France, 6, 27 novembre 1660; 26 février 1661; août 1662; 18, 25 juillet 1665. )

Gazette de France, 14 septembre 1669.

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