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18695 Eec. 24. Gift of James Walker, D. 2. of Cambridge. (76.6.1814.)]

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Pour cette fois, monsieur le sénateur, j'espère que vous dégagerez votre parole, et que vous nous direz quelque chose sur la guerre.

LE SÉNATEUR.

Je suis tout prêt, car c'est un sujet que j'ai beaucoup médité. Depuis que je pense, je pense à la

guerre; ce terrible sujet s'empare de toute mon attention, et jamais je ne l'ai assez approfondi.

Le premier mal que je vous en dirai vous étonnera sans doute; mais pour moi c'est une vérité incontestable: « L'homme étant donné avec sa raison, ses sentiments et ses affections, il n'y a pas moyen d'expliquer comment la guerre est possible humainement. » C'est mon avis très-réfléchi. La Bruyère décrit quelque part cette grande extravagance humaine avec l'énergie que vous lui connaissez. Il y a bien des années que j'ai lu ce morceau ; cependant je me le rappelle parfaitement: il insiste beaucoup sur la folie de la guerre ; mais, plus elle est folle, moins elle est explicable.

LE CHEVALIER.

Il me semble cependant qu'on pourrait dire, avant d'aller plus loin: que les rois vous commandent, et qu'il faut marcher.

LE SÉNATEUR.

Oh! pas du tout, mon cher chevalier, je vous en assure. Toutes les fois qu'un homme, qui n'est pas absolument un sot, vous présente une question comme très-problématique après y avoir suffisamment songé, défiez-vous de ces solutions subites qui s'offrent à l'esprit de celui qui s'en est ou, légèrement, ou point du tout occupé ce sont ordinairement de simples aperçus sans consistance, qui n'expliquent rien et ne tiennent pas devant la réflexion. Les souverains ne

que

commandent efficacement et d'une manière durable< dans le cercle des choses avouées par l'opinion; et ce cercle, ce n'est pas eux qui le tracent. Il y a dans tous les pays des choses bien moins révoltantes que la guerre, et qu'un souverain ne se permettrait jamais d'ordonner. Souvenez-vous d'une plaisanterie que vous me dîtes un jour sur une nation qui a une académie des sciences, un observatoire astronomique et un calendrier faux. Vous m'ajoutiez, en prenant votre sérieux, ce que vous aviez entendu dire à un homme d'État de ce pays: Qu'il ne serait pas sûr du tout de vouloir innover sur ce point; et que sous le dernier gouvernement, si distingué par ses idées libérales (comme on dit aujourd'hui), on n'avait jamais osé entreprendre ce changement. Vous me demandâtes même ce que j'en pensais. Quoi qu'il en soit, vous voyez qu'il y a des sujets bien moins essentiels que la guerre, sur lesquels l'autorité sent qu'elle ne doit point se compromettre; et prenez garde, je vous prie, qu'il ne s'agit pas d'expliquer la possibilité, mais la facilité de la guerre. Pour couper des barbes, pour raccourcir des habits, Pierre Ier eut besoin de toute la force de son invincible caractère: pour amener d'innombrables légions sur le champ de bataille, même à l'époque où il était battu pour apprendre à battre, il n'eut besoin, comme tous les autres souverains, que de parler. Il y a cependant dans l'homme, malgré son immense dégradation, un élément d'amour qui le porte vers ses semblables: la compassion lui est aussi naturelle que la respiration. Par quelle magie inconcevable est-il toujours prêt, au premier coup de tambour, à se dépouiller de ce caractère

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sacré pour s'en aller sans résistance, souvent même avec une certaine allégresse, qui a aussi son caractère particulier, mettre en pièces, sur le champ de bataille, son frère qui ne l'a jamais offensé, et qui s'avance de son côté pour lui faire subir le même sort, s'il le peut? Je concevrais encore une guerre nationale: mais combien y a-t-il de guerres de ce genre? une en mille ans, peut-être pour les autres, surtout entre nations civilisées, qui raisonnent et qui savent ce qu'elles font, je déclare n'y rien comprendre. On pourra dire: La gloire explique tout; mais, d'abord, la gloire n'est que pour les chefs; en second lieu, c'est reculer la difficulté : car je demande précisément d'où vient cette gloire extraordinaire attachée à la guerre. J'ai souvent eu une vision dont je veux vous faire part. J'imagine qu'une intelligence, étrangère à notre globe, y vient pour quelque raison suffisante et s'entretient avec quelqu'un de nous sur l'ordre qui règne dans ce monde. Parmi les choses curieuses qu'on lui raconte, on lui dit que la corruption et les vices dont on l'a parfaitement instruite, exigent que l'homme, dans de certaines circonstances, meure par la main de l'homme; que ce droit de tuer sans crime n'est confié, parmi nous, qu'au bourreau et au soldat. « L'un, ajoutera-t-on, donne la mort aux >> coupables, convaincus et condamnés ; et ses exécu>>tions sont heureusement si rares, qu'un de ces >> ministres de mort suffit dans une province. Quant >> aux soldats, il n'y en a jamais assez : car ils doivent >> tuer sans mesure, et toujours d'honnêtes gens. De » ces deux tueurs de profession, le soldat et l'exécu»teur, l'un est fort honoré, et l'a toujours été parmi

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