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les dieux, durant le sommeil, parlent à l'âme et à l'esprit.

Enfin Marc-Aurèle (je ne vous cite pas ici un esprit faible) non-seulement a regardé ces communications nocturnes comme un fait incontestable, mais il déclare de plus, en propres termes, en avoir été l'objet. Que dites-vous sur cela, messieurs? Auriez-vous par hasard quelque envie de soutenir que toute l'antiquité sacrée et profane a radoté? que l'homme n'a jamais pu voir que ce qu'il voit, éprouver que ce qu'il éprouve ? que les grands hommes que je vous cite étaient des esprits faibles?

que....

LE CHEVALIER.

Pour moi, je ne crois point encore avoir acquis le droit d'être impertinent.

LE SÉNATEUR.

Et moi, je crois de plus que personne ne peut acquérir ce droit, qui, Dieu merci! n'existe pas.

LE COMTE.

Dites-moi, mon cher ami, pourquoi vous ne rassembleriez pas une foule de pensées, d'un genre trèsélevé et très-peu commun, qui vous arrivent constamment lorsque nous parlons métaphysique ou religion? Vous pourriez intituler ce recueil : Elans philosophiques. Il existe bien un ouvrage écrit en latin sous le même titre; mais ce sont des élans à se casser

:

le cou les vôtres, ce me semble, pourraient soulever l'homme sans danger.

LE CHEVALIER.

Je vous y exhorte aussi, mon cher sénateur; en attendant, messieurs, il va m'arriver, par votre grâce, une chose qui certainement ne m'est arrivée de ma vie : c'est de m'endormir en pensant au Prophète-Roi. A vous l'honneur!

FIN DU SEPTIÈME ENTRETIEN.

NOTES DU SEPTIÈME ENTRETIEN.

I.

(Page 2. Cette grande extravagance humaine avec l'énergie que vous lui connaissez.)

« Si l'on vous disait que tous les chats d'un grand pays se sont assemblés par milliers dans une plaine, et qu'après avoir miaulé tout leur saoul, ils se sont jetés avec fureur les uns sur les autres, et ont joué ensemble de la dent et de la griffe; que de cette mêlée il est demeuré de part et d'autre neuf à dix mille chats sur la place, qui ont infecté l'air à dix lieues de là par leur puanteur, ne diriez-vous pas : « Voilà le plus abominable sabbat dont on ait jamais entendu parler?» et si les loups en faisaient de même, quels hurlements! quelle boucherie! et si les uns et les autres vous disaient qu'ils aiment la gloire, ne ririez-vous pas de tout votre cœur de l'ingénuité de ces pauvres bêtes? » (La Bruyère.)

II.

(Page 10. C'est un de ces points où les hommes ont été constamment d'accord et le seront toujours.)

Lycurgue prit des Égyptiens son idée de séparer les gens de guerre du reste des citoyens, et de mettre à part les marchands, artisans et gens de métier; au moyen de quoi il établit une chose publique véritablement noble, nette et gentille. (Plut. in Lyc., cap. VI de la traduction d'Amyot.)

Et parmi nous encore, une famille qui n'a jamais porté les armes,

quelque mérite qu'elle ait acquis d'ailleurs dans toutes les fonctions civiles les plus honorables, ne sera jamais véritablement noble, nette et gentille. Toujours il lui manquera quelque chose.

III.

(Page 12. Je ne vois rien d'aussi clair pour le bon sens qui ne veut pas sophistiquer.)

L'erreur, pendant tout le dernier siècle, fut une espèce de religion que les philosophes professèrent et prêchèrent hautement comme les apôtres avaient professé et prêché la vérité. Ce n'est pas que ces philosophes aient jamais été de bonne foi c'est au contraire ce qui leur a toujours et visiblement manqué. Cependant ils étaient convenus, comme les anciens augures, de ne jamais rire en se regardant, et ils mettaient, aussi bien que la chose est possible, l'audace à la place de la persuasion. Voici un passage de Montesquieu bien propre à faire sentir la force de cet esprit général qui commandait à tous les écrivains.

Les lois de la nature, dit-il, sont celles qui dérivent uniquement de la constitution de notre être; pour les connaître bien, il faut considérer un homme avant l'établissement des sociétés : les lois de la nature seraient celles qu'il recevrait dans un état pareil. (Espr. des lois, liv. II.)

Ainsi les lois naturelles, pour l'animal politique et religieux (comme a dit Aristote), dérivent d'un état antérieur à toute association civile et religieuse! Je suis, toutes les fois qu'il ne s'agit pas de style, admirateur assez tranquille de Montesquieu; cependant, jamais je ne me persuaderai qu'il ait écrit sérieusement ce qu'on vient de lire. Je crois tout simplement qu'il récitait son Credo, comme tant d'autres, du bout des lèvres, pour être fêté par les frères, et peut-être aussi pour ne pas se brouiller avec les inquisiteurs, car ceux de l'erreur ne badinaient pas de son temps.

IV.

(Page 15. Jamais il n'assistait à la messe dans le camp, sans y voir quelque mousquetaire communier avec la plus grande édification.)

« Je vous ai parlé du lieutenant de la compagnie des grenadiers

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qui fut tué. Vous ne serez peut-être pas fâché de savoir qu'on lui >> trouva un cilice sur le corps. Il était d'une piété singulière, et avait même fait ses dévotions le jour d'auparavant. On dit que, dans cette » compagnie, il y a des gens fort réglés. Pour moi je n'entends guère » de messes dans le camp qui ne soit servie par quelque mousquetaire, » et où il n'y en ait quelqu'un qui communie de la manière du monde » la plus édifiante. » (Racine à Boileau, au camp devant Namur, 1692. OEuvres, édit. de Geoffroi, Paris, 1808, tom. VII, pag. 275, lettre XXII.)

V.

(Page 16. Une croix amère, toute propre à le détacher du monde.)

« J'ai été affligé de ce que vous ne serviez pas ; mais c'est un dessein » de pure miséricorde pour vous détacher du monde et pour vous ra» mener à une vie de pure foi, qui est une mort sans relâche. » (OEuvres spirit. de Fénélon, in-12, tom. IV, lettre CLXIX, pag. 171, 172.)

VI.

(Page 16. Et que dirons-nous de cet officier à qui madame Guyon, etc.)

« Il ne faut pas vous rendre singulier; ainsi ne vous faites pas une » affaire de perdre quelquefois la messe les jours ouvriers, surtout à » l'armée. Tout ce qui est de votre état est ordre de Dieu pour vous. » (OEuvres de madame Guyon, tom. XXXIV; tom. XI des Lettres chrétiennes et spirit., lettre XVI, pag. 54, Londres, 1768, in-12.)

VII.

(Page 20. Le titre de DIEU DES ARMÉES brille à toutes les pages de l'Écriture sainte.)

Mascaron a dit dans l'oraison funèbre de Turenne, au commencement de la première partie : « Presque tous les peuples de la terre, quelque différents d'humeur et d'inclination qu'ils aient pu être, » sont convenus en ce point d'attacher le premier degré de la gloire à » la profession des armes. Cependant si ce sentiment n'était appuyé

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