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force du fang feroit par rapport à celle des arteres, comme 1. à 1000. 4 (en quoy certainement on luy feroit beaucoup de grace ;) celle du levain de l'eftomac ne pourroit eftre au plus que comme 1. à 4000. inégalité fi étrange qu'elle fe trouveroit prefqu'au niveau du rien.

Il est bien plus naturel de penfer que cette liqueur eft dans l'eftomac, ce que la falive eft dans da bouche, qu'elle conferve la fouplesse de ses fibres, & que fe meflant avec les alimens, elle en attendrit les parties, les amollit & les affujettit à l'action de l'eftomac, qui fans cela auroit pû eftre bleffé par leur dureté, ou arrefté par leur réfiftance. C'eft par un artifice femblable qu'à l'aide d'un peu d'eau, & par un frottement de quelques jours, on voit fcier les pierres les plus dures & le marbre même. Il faut donc conclure que la digeftion eft l'effet du broyement de l'eftomac, & il fera vray de dire que les alimens les plus fains & les plus naturels font ceux qui fe broyent le plus aifément.

a V. Cockburn. œconomia. by. Pitearn. differt, ***********************************************

CHAPITRE VI.

Que les fruits, les grains, les legumes, font les alimens les plus naturels à l'homme,

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Ces alimens ne peuvent entre que les fruits, les

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grains & les legumes, comme eftant les plus propres à la trituration. Ce n'est même qu'à leur occafion qu'on a inventé l'art de moudre; invention d'ailleurs fi ancienne, qu'on n'en peut prefque démêler l'époque. Car quand bien même fuivant la tradition que les Poetes nous ont confer, vée des temps fabuleux, les premiers hommes fe feroient fervi des grains où des glans fans les

moudre qu'imparfaitement, les temps où l'on fait qu'on s'eft fervi de moulins ou de ce qui leur reffemble font fi reculez, que leur invention pourra paffer pour fort ancienne. Peut-eftre le monde a-t-il efté long-temps fans voir réduite en art la maniere dont on broyoit les grains dans les premiers fiecles; mais puifque le premier des hommes a mérité de fe voir condamné à manger fon pain à la fueur de fon corps, puifque les livres faints les plus anciens des livres nous font fi fouvent mention du pain, qu'il y en avoit dès il y a longtemps de différente forte, d'azyme, de cuit fous la cendre, & d'autre préparé avec le levain; l'invention de moudre les grains, foit que cela fe fit avec des meules ou des mortiers, foit à force de bras, ou en y employant des animaux, doit paffer pour aufi ancienne que le monde; & par confequent l'usage des grains pour la nourriture des hommes fera d'une pareille date.

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L'ufage des fruits pour la nourriture des hommes n'eft pas moins ancien. Le lieu de délices où Dieu plaça l'homme après fa création, n'eftoit planté que d'arbres dont il devoit tirer fa nourriture, & ce fut un fruit qui fut l'occafion de fa prévarication.

Toute l'antiquité favorife ce fentiment, & elle fournit mille preuves qui font voir que les plus anciens peuples vivoient de fruits, de grains & de légumes. Mais rien ne prouve mieux l'utilité de cette nourriture, que cette préférence que le créateur luy-même luy a donnée par deffus toutes les autres. Dans ces temps d'innocence, où l'homme encore dans fon naturel, n'ayant point eu le temps de fe corrompre avec les créatures, ne s'eftoit point appris à vivre pour manger, mais à manger pour vivre, il n'ufoit fans doute que d'alimens les plus convenables & les plus nécef

faires;

Faires; & puifque l'auteur de fon eftre fi éclairé & fi attentif fur fes befoins, l'avoit appris à vivre de fruits & de légumes, c'eftoit fans doute ce qui luy convenoit le mieux. Rien en effet n'eft fi bon à la fanté car outre que les fruits & les légumes fourniffent des fucs innocens, aucune autre nourriture n'en fournit une fi grande quantité: ils font donc fains & tres-nourriffans, préférables par conféquent à tout le refte.

Un aliment eft d'autant meilleur à la fanté, qu'il eft plus propre à entretenir ou à augmenter le volume naturel des parties. Pour cela il fe doit trouver analogue aux fucs qui entretiennent la vie, c'est-à-dire qu'il doit avoir les mêmes qualitez, & pouvoir prendre les mêmes arrangemens. S'il eft donc prouvé que le fang doit eftre doux & fans faveur manifefte, fi la lymphe nourriciere qui en part continuellement pour engraiffer les parties & en entretenir la foupleffe, doit eftre laiteufe & prefque infipide, rien ne conviendra mieux à l'entretien de ces fucs que les alimens qu'on propofe icy, ou qui font tous laiteux par eux-mêmes, ou qui répandent volontiers une liqueur finon lymphatique, du moins qui eft dans une difpofition prochaine à devenir lymphe. Or tels font la plupart des grains, des femences, des fruits & même des racines, qui fourniffent les uns des fucs farineux, les autres ou des pulpes, ou des liqueurs mucilagineufes; tous font d'ailleurs ou friables ou aifez à broyer, appropriez par conféquent à la mécanique de notre corps, & à la conftitution de fes liqueurs. Si leurs faveurs font peu rehauffées, cela même en releve le mérite; car. rien ne nourrit tant que ce qui eft prefque infipide. Mais un ancien préjugé s'oppofe à cette vérité; les idées qu'on s'eft fait d'huileux, de volatile, de fpiritueux, ayant prévenu les efprits de la plûpart du monde, on est

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parvenu à croire que c'eft de ces qualitez que dépend la force des homnes, & la vigueur de la fanté; de là eft venu l'amour du vin, des liqueurs fpiritueufes & des viahdes fucculentes. L'équivoque vient de ce qu'on confond l'idée d'un remède avec celle d'un aliment; on a éprouvé que tout ce qui eft actif & fpiritueux ranime le fang, & augmente la force des efprits, & on s'eft accoûtumé à croire que cela même confervoit la fanté. Cependant cela n'est conforme ni à l'inftitution du créateur, ni aux principes de notre vie. Tout ce qu'il a donné à l'hommepour le nourrir n'a rien de ces qualitez ; & la nature, comme on l'a déja fait voir, en employe tous les jours de bien différentes pour nous mettre au monde, & pour nous y conferver. C'eft une gelée tres-douce que le fuc dont l'enfant fe nourrit dans le fein de fa mere, le lait prend enfuite fa place, puis le pain & tout ce qui s'en prépare; & on fait que ce n'eft que par une longue abftinence de viande & de vin que les enfans fe font de bons corps & de fortes conftitutions. Sur ce modele qui eft d'après nature, aux grains & aux légumes qu'on doit donner la préférence, puifqu'ils fourniffent des fucs qui font fi femblables à ceux de nos corps, comme on vient de le faire remarquer.

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Icy la frayeur prend à la plûpart du monde. Comment, dit-on, fe foûtenir avec des grains qui ne fourniffent qu'une farine féche & aride, plus propre à raffafier qu'à nourrir; avec des fruits qui ne font qu'une eau ramaffée, avec des légumes qui ne font qu'un fumier? Mais cette farine bien apprétée fait le pain le plus fort de tous les alimens, cette eau ramaffée eft la même qui a fait groffir les arbres, & ce fumier ne devient tel que parce qu'on appréte mal les légu mes, ou qu'on en mange avec excés. D'ailleurs

comment des hommes peuvent-ils craindre de manquer de force, en mangeant ce qui engraiffe même les animaux les plus robuftes, & qui nous deviendroient formidables, s'ils connoiffoient leurs forces.

Il faut pourtant l'avouer, cette crainte ne feroit pas fans fondement, fi, comme on le croit vulgairement, tout fe paffoit dans nos corps à la maniere des chymiftes, fi tout s'y faifoit par fermentation, par précipitation, par fublimation, par diftillation, & fi les fucs qui fe féparent en nous tenoient de la nature des extraits, des élixirs, des quinteffences. Car enfin quelle prodigieufe quantité de legumes ne faudroit-il pas avaler pour fe nourrir, puifqu'à l'exception d'une eau affez peu efficace, on tire par la diftillation fi peu d'efprit, de fel & de foufre d'une groffe quantité de plantes même aromatiques? Auffi la nature a-t-elle pourvû à cet inconvenient; le moyen qu'elle employe pour faire en nous fes préparations, tout fimple & tout unique qu'il eft, met tout à profit, & ne laiffe échaper que ce qui ne peut abfolument fe broyer; on veut dire la trituration par elle tout le broye, fe brife & s'affine jufqu'au point que de trois ou quatre livres de nourriture qu'un homme fain prendra par jour, rien prefque ne s'en perd, tout paffe en fang, & même dans une liqueur encore plus fine, puifque toute la même quantité fe diffipe à peu de chofes près par la tranfpiration. C'eft donc avec raifon que, de ce que les legumes, les grains & les fruits fe broyent fi facilement, & que tout fe paffe en nous par voye de trituration, on conclud que cette nourriture eft naturellement deftinée à l'homme.

2 Les chevaux & les bœufs.

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