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CHAPITRE X II I.

Considérations sur le systéme des emprunts, et sur les principes du gouvernement français sur cette partie de la recette.Des rapports du systéme des emprunts introduits par M. Necker, avec le mécanis'me de l'ancien gouvernement. Emprunter pour ne pas imposer, c'est t grever les générations futures du capital, et les générations présentes de l'intérêt. Emprunter quand on ne peut imposer, c'est abuser de la confiance des peuples et perdre un gouvernement. Résultats

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de la doctrine de M. Necker.

O

N avait été persuadé en France dans tous les tems que dans la nécessité de choisir entre le fléau de l'emprunt et le fléau de l'impôt, celui de l'emprunt était le plus dangereux par ses suites nécessaires et toutes funestes. L'impôt était jugé préférable de sa nature, parce que l'impôt a ses limites naturelles au-delà desquelles le souverain, malgré sa puissance militaire, ne pouvait outre-passer. Nos rois avaient dans la

nature même de l'impôt, une barrière à leur autorité; au lieu que l'emprunt n'avait aucune borne que celle où pouvaient l'arrêter les soupçons d'un peuple confiant et la chûte du crédit. L'avènement de M. Necker, au ministère, qui ne voulait rien devoir aux richesses naturelles de la France, par la voie des impôts, mais bien par celle des emprunts et des viremens des parties, pour soutenir l'extraordinaire de la guerre, fut le fléau de son département et de la monarchie. M. Necker trouvait l'état déjà obéré de dépenses, et il le grevait de nouveaux intérêts, rejetant sur la génération future le soin de la dette capitale provenant de ses emprunts. Il la grevait, d'ailleurs, et des frais d'administration, et de la somme des intérêts; ensorte que, se refusant à la mesure des impôts, l'état, en dernière analyse, était obligé de payer tôt ou tard la même somme; plus les impôts annuels, plus enfin, les faux frais d'administration; ainsi, pour alléger la génération présente, M. Necker chargeait la génération future.

payer

Ce n'est pas tout ou l'état pouvait encore imposer les peuples ou il ne le pouvait plus, à cause de la surcharge à laquelle on était arrivé en 1777. Dans le premier cas, M. Necker, par

le systême des emprunts, grevait la France des intérêts et des frais d'exploitation perdus en pure perte. Dans le second cas, il empruntait dans l'impossibilité de rendre. L'emprunt, dès 1778, était donc devenu en France un instrument destructeur à deux pointes. C'était un moyen assuré de ruiner une nation déjà endettée: et le crédit éphémère et de circonstance d'un directeur - général, n'était qu'un moyen de pallier, d'éloigner, d'augmenter la ruine définitive; puisque emprunter pour ne pas imposer, en pouvant imposer, était perdre les intérêts en pure perte; ou tromper les prêteurs de confiance, si l'état ne pouvait plus rien imposer. Dans le premier cas, le gouvernement qui gaspillait les intérêts et les frais de l'exploitation; et dans le second, l'état anéantissait sa dette constituée par une banqueroute.

M. Necker se juge lui-même dans un de ses ouvrages. Il montre bien évidemment les bornes naturelles de l'impôt et les excès des emprunts. Qu'on le consulte dans son traité sur l'administration des finances de France, tom. 2. p. 380, sur la nature relative de l'emprunt et de l'impôt.

» La faculté d'emprunter, dit-il, ne tarda pas à devenir un instrument de plus au service

de

de l'ambition politique et des passions guerrières. C'est avec le secours des emprunts qu'on a pu dépenser deux et trois cents millions au lieu de quarante ou cinquante qu'on eût levé peut-être avec effort par la voie des impôts extraordinaires; ainsi, comme tous les moyens de force aveuglément dirigés, la faculté d'emprunter est devenue funeste aux nations..... Le bien n'arrivera-t-il pas de l'excès du mal? Les nations qui sont chargées d'une dette immense et 'd'impôts proportionnés ne seront-elles pas ar

rêtées dans leurs efforts? Sans doute. C'est à de pareilles circonstances qu'on doit le plus souvent le retour de la tranquillité; et dans les momens où la flatterie célèbre les princes, l'auguste vérité peut-être ne trouverait à parler que de leur impuissance. »

On voit que M. Necker connaissait les dangers de l'emprunt. Quant à la possibilité de l'impôt encore possible en France à l'époque même de sa retraite en 1781, son successeur prouva que l'impôt était possible. Il imposa.

Ainsi M. Necker, soit pour alléger la génération actuelle, soit pour faire l'expérience cruelle qu'on pouvait faire en France la guerre sans impôt, soit pour maintenir son existence atta

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quée de toutes parts par les corps et les grands la voie des emprunts qu'il molestait, fournit par la voie des des sommes supérieures à celles que l'état aurait dépensé. Il fut donc le fléau de la France sous ce point de vue, puisque emprunter sans moyens assurés de rendre, est un vol et un abus de la confiance des peuples, qui retirent leur foi: tandis qu'emprunter en rendant est le moyen d'agraver la charge de l'emprunt par les intérêts, les déchets et les dépenses de l'exploitation sans aucun profit essentiel.

M. Necker n'ignorait pas ces alternatives; mais il avançait, comme preuve de la bonté de son plan, que l'Angleterre avait soutenu son systême d'emprunts en publiant les rapports entre les recettes et les dépenses, ses moyens et les opérations générales de l'administration, comme la preuve des ressources établies à côté des difficultés; mais ces emprunts, ressource naturelle des états libres, étaient le maximum des efforts de la France très-étranger à ses moralités. La publicité des comptes rendus exigeait une publicité périodique et non interrompue, et une sagesse toujours soutenue. Et quelle ressource restait à la France lorsqu'une cour inconsidérée, composée de jeunes gens, élèverait la dépense

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