dont la première était royale, et les subséquentes étrangères au souverain. M. Necker n'a point caché ses intentions dans l'établissement des assemblées provinciales; elles sont évidemment les mêmes que celles de M. Turgot. Il dit dans ses ouvrages qu'il avait voulu appeler la nation à la gestion de ses affaires, donner des protecteurs et des guides aux provinces; attacher les citoyens au bien public; y attirer leurs pensées. Il dit qu'il se proposait d'exciter l'esprit public, et qu'il ne conviendrait plus aux affaires dès le moment qu'il faudrait agir comme Richelieu. C'est ainsi que M. Necker changea nos provinces paisibles en provinces délibérantes, et qu'il commença la révolution relativement à l'ancienne politique. Une assemblée centrale de délibérations à côté du roi manquait à ce systême pour consommer le projet de dénaturer l'ancienne France: M. Necker avait tout fait pour préparer l'état à cette subversion. Les adminis trateurs envoyés par le roi avaient été jusqu'à lui les bras de l'état. M. Necker en avait donné au peuple. Et que devenait la puissance établie, qui ne pouvait ni exister sans impôt, ni en établir que par des assemblées de propriétaires intéressés à l'opposition? La monarchie était déjà un état mixte. CHAPITRE X V I. Renvoi de M. de Sarlines. Son parti publie à Paris, comment M. Neckery avait réussi. EN N détruisant les administrations dépendantes de la volonté du roi, et en élevant des autorités composées de propriétaires, M. Necker d'un autre côté opérait dans le ministère une révolution; il renversait les ministres dont le dévouement à l'autorité absolue du roi était le premier principe. Le chevalier de Clonard présenta à M. de Saint-James une lettre -de-change de cent mille francs, tirée sur lui par son trésorier résident aux colonies. Le paiement en fut refusé par ordre de M. Necker, et depuis, effectué par ordre du roi dans son conseil d'état. M. Necker opposa à cette mesure des plaintes éclatantes contre M. de Sartines: il dit au roi que ce ministre ayant obtenu cent dix millions pour l'ordinaire de la marine, et seize pour les dépenses extraordinaires et secrèteș, il avait augmenté sa dépense de dix-sept millions. M. Necker ajoutait que le royaume de France ne suffirait pas à M. de Sartines qui aflectait lui-même de peindre les dépenses de son ministère comme incalculables ; mais que le ministère des finances étant obligé de les calculer, il ne pouvait plus tenir à cette dépense. M. Necker offrait en conséquence, et pour la dernière fois, sa démission, si M. de Sartines n'était renvoyé dans la journée, indiquant M. de Castries comme un homme probe et capable de le remplacer. L M. de Maurepas était malade à Paris, de la goutte, et M. de Castries était à Limours, où il avait donné rendez-vous à M. de Choiseul, qui intriguait obscurément dans les affaires du ministère. (1) Le roi, au seul mot de dilapidation, prononcé par M. Necker, n'hésita pas. Il conserva son ministre des finances et renvoya M. de Sartines, que toute la capitale accusait de prévarication. Le rôle secret de M. de Sartines contre M. Necker, se développa dans la défense qu'il publia contre les accusations du ministre des finances. « Mon désespoir, disait-il, n'est pas (1) M. de Castries était du parti de la reine; mais ennemi secret du systême autrichien. De » tant d'avoir perdu ma place, que des motifs >> affreux qu'on suppose à ma disgrace. » D'après les propos du contrôle général, tout » Paris prétend que j'ai huit cent mille francs de » rente, et que de mon autorité privée, j'ai » été assez criminel pour excéder de dix-sept » millions dans mes dépenses, les ordres de » S. M. Je déclare que je n'ai pas vingt mille >> francs de rentes. Si on peut m'en trouver » davantage, je l'abandonne aux hôpitaux. Quant au second crime, je ne demande pour » mémoire justificatif que la présentation des » ordres signés du roi dans des conseils ou dans » des comités tenus en présence des principaux > ministres. Le résultat était le secret de l'état. » Si j'en eusse laissé entrevoir un mot à M. Nec» ker, étranger et lié depuis long-tems avec » milord Stormont, nulle part assermenté, ni >> reconnu dans aucune cour, soit du parlement » soit des aîdes; un château fort était le prix » de mon indiscrétion. J'ai dépensé, je le dé> clare et l'avoue, cent quarante-trois millions, >> savoir: cent-dix pour les dépenses ordinaires, » et seize pour les secrètes. Celles-ci ont excédé » de dix-sept millions l'état dont M. Necker a » le double. Mais les dix-sept millions ont été » arrêtés par le roi lui-même, et je suis porteur » des feuilles du roi. M. Necker me fait un ingrat envers M. de Maurepas pour avoir >> proposé au roi de faire et de défaire un mi»nistre sans lui en avoir parlé? et s'il lui en » a parlé, M. de Maurepas, toujours présent » aux ordres du roi, relativement aux décisions » sur les dépenses secrètes, ne m'aurait-il pas justifié ». M. de Sartines publia en même - tems que la dépense de dix-sept millions avait été résolue en présence du roi par M. de Maurepas et M. de Vergennes, et il en publia les motifs. « M. de Vergennes, disait-il, avait appris le » mois d'avril précédent la détresse des améri» cains. Ils manquaient de vivres, de muni tions, de draps et même d'artillerie ; et dans » le comité secret précité, il fut résolu de les >> secourir. La détresse et les secours étaient le » secret dé l'état, et il avait été résolu d'en faire |