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en matière criminelle et reconnus innocens. Une telle loi était pratiquée à Genève.

Mais ces sentimens d'humanité, ce zèle de madame Necker, ces écrits justificatifs au lieu de tempérer ces ennemis, semblaient aviver leur ressentiment contre lui. Les partis les plus opposés se réunissaient pour opérer sa ruine plus efficacement.

CHAPITRE X X I.

De l'Angleterre à l'époque des signes avantcoureurs de la chute de M. Necker Opinions dans la chambre des communes sur son administration. - Ses ennemis en France lui opposent des discours qu'ils font imprimer à Londres dans les papiers publics.

Il est curieux d'entendre les anglais sur l'administration de M. Necker, dans ces circons-. tances. L'opinion de M. Burcke, l'un des plus notables orateurs de la minorité fit en France une impression d'autant plus remarquable, que nous étions en guerre contre les anglais, et que M. Burcke n'était pas l'ami de la France.

« C'est dans l'économie, disait M. Burcke, que Louis XVI a trouvé des ressources suffisantes pour soutenir la guerre. Dans les deux premières années de cette guerre, il n'a imposé aucune charge sur son peuple. La troisième année est arrivée; il n'a été encore question d'aucun impôt, et je crois même que ceux qui sont ordinaires en tems de guerre, ne sont pas

encore mis. Je conçois, qu'à la fin il faudra bien que la France ait recours aux impôts ; mais ces trois années sauvées porteront leur bénigne influence sur tout un siècle. Le peuple français sent le bonheur d'avoir un maître et des ministres économes : l'économie a porté ce monarque à retrancher plutôt sur sa propre splendeur que sur la subsistance de son peuple. Il a trouvé dans la suppression d'un grand nombre de places, une ressource pour continuer la guerre sans rien ajouter à ses charges. Il s'est dépouillé du faste et de la pourpre de la royauté, mais il a monté une marine; il a réduit le nombre des personnes de son service; mais il a augmenté celui de ses vaisseaux; mais il a donné à la France une marine, comme jamais ce royaume n'en a eu qui immortalisera son règne; et il l'a établie sans mettre un sol d'impôt. Son peuple est grand, glorieux, et formidable sous son règne; il ne gémit point sous le fardeau des dépenses âuxquelles il faut que notre nation se soumette pour acquérir de la grandeur et inspirer de la crainte. Voilà la vraie gloire, voilà un règne qui peut élever le nom de Louis XVI beaucoup au-dessus du règne si vanté de Henri IV. Louis XVI, en roi patriote, a montré assez

de fermeté pour protéger M. Necker, un étranger, sans appui et sans liaison à la cour, qui ne doit son élévation qu'à son mérite et au discernement de son souverain qui a su le découvrir, et à sa sagesse qui sait l'apprécier. C'est un bel exemple à suivre; et si l'on veut conquérir la France, c'est avec ses propres armes qu'il faut la combattre ici; c'est avec de l'économie et des réformes. >>

Les ennemis de M. Necker, voyant l'effet que produisait en France les opinions de M. Burcke, leur opposèrent dans les plus fameux journaux du parti de la cour de Londres, des discours

contraires.

« Je ne suis pas surpris, disaient - ils, que l'opposition se permette de faire à grands cris et avec absurdité l'éloge de M. Necker. Ces éloges ne sont que des insultes indirectes qui n'ont pour but que d'offenser les ministres de leur propre pays. Il ne s'agit ici que d'une comparaison d'envie. L'opposition ne dit pas un mot des violations multipliées de la bonne foi et de l'honneur, qui signalent l'administration de M. Necker. Ils ne nous disent pas que l'honnête ministre français, après avoir obtenu du roi son maître la suppression d'un grand nombre d'offices sur promesse, le remboursement

immédiat en argent comptant, a bien effectué les suppressions, mais sans aucun remboursement, malgré la foi d'un édit solennel publié par lui-même. »

«Ils ne nous disent pas, que l'humain M. Necker a forcé différens officiers de finances, sous peine de destitution, de prêter vingt - sept millions à l'état, à cinq pour cent d'intérêt ; qu'il a forcé les hôpitaux de vendre leurs immeubles, et d'en prêter le produit au public; qu'il a mis une imposition annuelle et vexatoire sur tous les tenanciers de domaines et bois; qu'il a augmenté la taille et la taxe des terres sans la sanction de la loi ; que le sage et habile M. Necker a vendu toutes les branches du revenu pendant huit ans pour celui de six ans ; qu'il a, avec la même sagesse et prévoyance anticipé le revenu libre de l'état, au moins pour plus de dix mois avec le secours des banquiers et des financiers de différentes dénominations. Ils ne nous disent pas qu'il a amélioré la plus infâme des loteries, dans laquelle le roi paie cent livres avec deux livres dix sols; ni qu'on la tire actuellement tous les quinze jours à Paris, pour la ruine plus prompte des mœurs et de la substance du peuple. Toutes ces choses et plusieurs autres

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