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les dispositions générales, que d'après les vues. de M. de Vergennes.

C'est dans cette position des affaires que M. de Castries, qui seul pouvait à la cour parler au roi avec fruit de M. Necker, proposa à ce prince de le rétablir dans le ministère. Son mémoire est du 1er. novembre 1783.

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Portrait de M. Necker par le maréchal de Castries. Sentimens de Louis XVI sur M. Necker au mois de novembre 1783.

JE supplie votre majesté de daigner lire

avec bonté ce que mon devoir me sollicite de mettre sous ses yeux, et d'avoir celle de croire que quand je parle à mon maître sur l'objet le plus important qui ait jamais fixé son attention, je me regarderais comine le plus coupable des hommes, si j'avais une autre vue que le bien de son service.

» J'estime la probité de M. d'Ormesson, je n'ai qu'à me louer de lui, depuis qu'il est en place. Mon vœu serait qu'il put la conserver, car tout changement en finance est un mal.

» Si les affaires de la finance parviennent à un tel discrédit, que les opérations de confiance ne fussent plus possibles; si enfin V. M. se trouvait forcée à changer, j'ose la supplier de considérer l'homme précieux qui reste dans l'oisiveté ; je la prie de penser que Louis XIV sans Colbert, n'eut peut-être jamais été nommé

Louis-le-Grand, que le vœu de la nation qui doit être compté par un bon roi, demande en secret, sire, que l'homme éclairé, économe et incorruptible que la providence avait donné à V. M., ŝoit rappelé à ses anciennes fonctions.

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» La voix de quelques personnes intéressées, peut empêcher cette détermination: mais je jure à V. M. que ce vœu est celui de tous ceux de ses sujets qui lui sont dévoués. Dans les momens violens d'une guerre où les circonstances commandent, tous les moyens paraissent justes pour la soutenir; mais lorsqu'elle est terminée, et qu'il reste des engagemens sacrés à tenir, qu'il faut pourvoir à un état de paix respectable et au but plus respectable encore, le bonheur de vos peuples, V. M. pourrait-elle se résoudre à chercher encore dans l'inexpérience d'un homme nouveau, une source de malheurs et de longs regrets.

>> Les fautes de vos autres ministres, sire, sont presque toujours réparables, et leur remplacement est aisé. Mais le choix de celui qui est chargé du bonheur de vingt-quatre millions d'ames, et de faire chérir votre autorité, est d'une importance effrayante.

» Avec M. Necker, sire, même dans la paix,

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les impôts tels qu'ils fussent,

seraient reçus

sans murmures. On serait convaincu qu'une nécessité indispensable en fait une loi, et qu'un sage emploi les justifie.

>> Dans le choix d'où dépendent tant de destinées, en prenant l'homme de l'opinion, l'homme éprouvé, la conscience de V. M. sera tranquille. Elle peut jouir de ce repos précieux qui naît du sentiment d'avoir bien fait; au lieu que si elle met au hasard une administration dont toutes les autres dépendent, il est peutêtre à craindre que les embarras ne se multiplient avec les choix auxquels elle sera obligée d'avoir recours; elle verra détruire un jour ce que l'autre aura crée, et enfin il en arrivera un qui ne connaîtra plus d'autres moyens pour servir l'état, que à tous les engagemens de V. M., et d'enlever par-là toute la confiance que le commencement de votre règne avait inspiré (1).

de

manquer

» Ce n'est ni l'ambition ni l'orgueil qui a fait que M. Necker, sire, a demandé des conditions; c'est parce qu'étant abreuvé de dégoûts, parce

(1) La reine effectivement fit nommer M. de Calonne, et l'on sait ce qui en arriva.

qu'en souffrant depuis long-tems tout ce que l'amour-propre peut faire souffrir, il sentait l'impossibilité de soutenir son crédit, si quelque marque ostensible des bontés de V. M. ne l'appuyait.

>> J'ose me flatter, sire, que V. M. ne croira pas que l'amitié ni l'intrigue aient dicté cette lettre; je suis seul, je ne parle qu'à V. M., et qui que ce soit au monde ne sait que je prends la liberté de lui remettre cet intérêt sous les yeux (1).

» C'est la tranquillité de votre vie, sire, et la gloire de votre règne qui a dicté ma démarche. Je serais honteux de moi-même, si en servant le meilleur et le plus indulgent des maîtres, je restais dans le silence par la crainte que V. M. peut me soupçonner d'un intérêt personnel, en parlant d'un homme dont je revère la probité et le mérite. J'espère qu'elle ne verra jamais dans mes sentimens comme dans mes démarches, que le mouvement du zèlę

(1) La lettre de M. de Castries était toute écrite de sa main ; mais ce n'était pas M. de Castries qui l'avait composée, il n'en était que le copiste, quoiqu'il pensât ce qu'il copiait.

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