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Ainsi vous voyez qu'en dix jours il a été pourvu à des formalités qui souvent exigent des mois entiers. On a imprimé l'ouvrage avant l'expédition du privilége; nous avons su qu'on l'avait imprimé en le coupant ėt en le divisant, pour employer la moitié moins de tems, tant on était intéressé de placer la publication du livre à Paris avant la sédition déjà commencée à Dijon. C'est M. Necker qui a dirigé les émeutes des blés; mais prènez garde, et soyez prudent: mon frère refusa de signer sa détention à la Bastille. M. Necker, moins généreux, expédie des lettres-de-cachet contre ses ennemis, méme contre M. de Lauraguais, qui défend dans ses écrits ses propriétés contre les attentats de M. Necker.

En parlant de la sorte, M. Turgot avait des yeux enflammés, et M. de Condorcet le sourire du calme et de la réflexion. Le discours de M. Turgot mérite toutefois des réflexions sérieuses. M. Necker y est attaqué par un ennemi très-connu pour tel.

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M. Turgot l'ex-ministre et son frère, brigadier des armées du roi, avaient autant de pas sion que M. Necker, pour contribuer à une réformation de la monarchie française. Les deux

frères portaient au même degré le ton sentimental qu'exprime à cet égard M. Necker dans ses mémoires. M. Turgot (le militaire) était spirituel, administrateur, incrédule en fait d'opinions religieuses, ennemi déclaré des dissipations et des folies de la cour qui suivirent immédiatement la retraite de son frère. Ligué avec Condorcet, ils ne cessèrent tous les deux de contre-carrer les écrits et les principes de M. Necker, et ils contribuèrent à la publication d'une foule de pamphlets qui n'ont pas peu servi à accélérer les mécontentemens des parties contre son administration.

Elle était bien singulière cette émulation respective de deux partis philosophiques dans la réforme de la monarchie! Je la compare à l'émulation des partis révolutionnaires de l'assemblée constituante dans laquelle toutes les factions et toutes les familles révolutionnaires, réunies sous une même voûte, la faisaient retentir de motions avec lesquelles ils travaillaient à l'envi à la destruction de la plus antique et la plus inébranlable monarchie européenne. Le concours de Necker et Turgot, leur émulation, la haine qui en résulta, leur activité dans la même opération, l'envie d'en faire le plus et le mieux, animaient ces deux personnages, qui,

dans leur réformation, se détestaient véritablement. M. Necker toutefois s'est contenu dans la plus grande réserve dans tous ses écrits sur M. Turgot. Les deux Turgot au contraire exhalaient contre M. Necker les sentimens de la

haine et du mépris. Lisez leurs ouvrages. Condorcet en publiait deux ou trois tous les ans.

CHAPITRE

CHAPITRE IV.

Opérations de M. Necker pendant la première année de son administration.

M. Necker, dès la première année de son

ministère, ne manqua pas de donner des preuves de son esprit réformateur.

L'administration subalterne essuya les premiers coups qu'il avait résolu de porter aux institutions établies par ses prédécesseurs.

La ferme des postes fut mise en régie, et le bail cassé.

Les receveurs des domaines furent supprimés. Les intendans des finances furent anéantis. Les administrateurs de la loterie réduits à six. Et Pélisseri, auteur critique de ces opérations, embastillé.

La retraite de M. Trudaine, intendant des finances, suscitait à M. Necker des ennemis redoutables dans la haute magistrature, qui ne lui ont jamais pardonné. M. Trudaine avait une réputation de droiture et de délicatesse dans l'administration, qu'il n'était pas facile d'attaquer, et M. Necker n'avait qu'un nom, encore que Tom. IV.

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la haute magistrature travaillait à rendre ridicule. M. Necker avait beau conserver à M. Trudaine les ponts et chaussées du royaume, en réformant les intendans; M. Necker l'avait privé de travailler avec Louis XVI, ayant à redouter un homme de cette sorte contre ses réformations. D'un autre côté le comité des le confinances établi par M. Necker tentieux déplaisait.

pour

Quelques jours après, M Necker attaquat l'administration de la loterie. Pour exécuter les plans qu'il avait conçus contre elle, M. Necker la demanda et lui dit: le roi a trouvé des abus dans votre administration; il n'accuse personne, mais il trouve que vous êtes trop nombreux de la moitié. Le roi vous laisse les maîtres de vous réformer vous même; il s'agit de nommer six d'entre vous pour continuer l'ouvrage de l'administration; les administrateurs se réduisirent.

L'opération relative à l'extension des vingtièmes sur une simple lettre ministérielle, souleva contre M. Necker les grands propriétaires. Les anciens ministres, qui avaient tenté cette opération, avaient perdu leur place, et M. Necker essuya sans péril, les ressentimens des parlemens intéressés à empêcher une mesure

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