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et les gens à la mode; elle se mêlait de procurer des places, de discréditer des ministres, de louer ou de blâmer telle ou telle opération du gouvernement; elle voulait même aspirer à une plus grande importance par une présentation à la cour, et elle sollicitait avec beaucoup de suite cette faveur, lorsque Louis XV, qui avait pour les femmes beaucoup de politesse, d'égards et de faiblesse, décida en ces termes l'affaire de sa présentation: Il n'y a ici que trop d'intrigantes; madame de Cassini ne sera pas présentée.

Pendant le reste du règne du feu roi, madame de Cassini trouva dans sa conduite libre et galante beaucoup de supplémens à sa médiocre fortune. Elle eut pour amans M.... M.... M.... M.... M.... M.... et de Maillebois, C'est dans leur société distinguée que le marquis de Pezai apprit les élémens de l'intrigue qu'il sut déguiser et ennoblir en s'occupant de littérature, de travaux administratifs et de beaux-arts. Dorat, son intime ami, qui avait composé les poésies agréables du tems donnait de la grace à ses vers et les corrigeait. Des épîtres, des héroïdes, des madrigaux écrits d'un style aimable et léger étaient ses productions les plus connues. Il composa. les Soirées helvé

tiennes. Quant à son ami Dorat, il n'était ni ambitieux, ni intrigant comme lui; mais Pezai joignait à l'art poétique une telle ambition, qu'on l'entendait dire à cet ami et à une femme célèbre qui les recevait tous les deux : Je parie que si nous le voulons, nous gouvernerons et la France et l'Europe tout en faisant des vers ; mais il faudrait que madame de B.... voulût s'unir à M. Dorat et à moi......

Le marquis de Pezai, tourmenté par son ambition, écrivait dans cette circonstance à presque tous les rois de l'Europe sur la constitution, l'administration, l'industrie et le commerce de leurs états. Il fit plus: il offrit à chaque roi ses talens et ses services, tant il s'était promis de jouir de la confiance d'un roi. Il sied bien, lui répondit Frédéric, il sied bien à une jeune barbe comme vous de donner des leçons à un vieux roi. Les autres rois ne répondirent pas au marquis de Pezai.

La fureur de la célébrité et le désir de devenir ministre, dominant le marquis de Pezai, il ne cessa de s'occuper des recherches sur l'administration et le gouvernement français. M. de Maillebois, l'amant de madame de Cassini, sa sœur, lui ouvrit ses porte-feuilles. Il y trouva les

mémoires de la guerre de 1741 en Italie, les plans et les dessins des siéges, des campemens et des marches et des siéges de l'armée française, dont il composa un manuscrit intitulé: Les Campagnes de Maillebois, que le roi fit imprimer dans la suite, avec un superbe atlas, comme nous le dirons ci-après. Madame de Montbarrey, qui aimait Pezai, fournissait, en attendant son élévation et la sienne, à ses dépenses, et l'introduisait dans la société la plus distinguée.

C'est dans cette circonstance que Louis XV mourut. Dès ce moment le marquis de Pezai et sa société intime trouvèrent dans l'inexpérience du jeune roi un moyen de tenter une grande fortune.... Ils conçurent le projet d'une correspondance secrète avec Louis XVI, et obținrent d'un garçon des petits appartemens, qu'il en placerait les premières dépêches dans une chambre où le roi s'occupait journellement de ces lectures.

Pour mériter l'attention de Louis XVI, le marquis de Pezai s'annonçait au roi (sans signer sa lettre) comme étant lié aux gens de lettres les plus distingués de la capitale et aux financiers les plus opulens. Il disait qu'il voyait les anglais du plus grand ton; se vantait d'être

agréable aux femmes les plus à la mode, et faisait entendre qu'il était occupé sur-tout des lettres et des arts. Après ce préambule il témoignait au roi le désir de lui rendre des services que sa position favorisait, et lui demandait la permission de lui transmettre périodiquement le résultat de ses observations hebdomadaires sur les affaires de l'Europe, sur les affaires générales de la France, et sur les affaires particulières susceptibles d'attirer l'attention du monarque. Il renonçait à toute récompense et à tout emploi. Servir son maître avec probité et avec franchise, était toute sa récompense. Pour lui en donner des preuves, M. de Pezai joignait à cette missive le premier numéro de sa correspondance qu'il déposait aux pieds du roi, le priant d'avoir à la messe, le premier dimanche du mois suivant, son mouchoir à la main pendant l'élévation de l'hostie, et de le quitter après l'élévation du calice pour témoigner que son travail serait agréable à sa majesté.

Dans la première, M. de Pezai donnait au roi des éloges ingénieux et adroits, capables d'être goûtés d'un prince modeste qui les évitait. Il louait le roi d'être modeste, timide et naïf, lui disait qu'il était très - intéressant aux yeux de la nation sous ce rapport; il critiquait

toutefois l'abandon du roi à ses ministres, et disait que les français voulaient être gouvernés par leurs rois, et avec le ton de l'autorité. Il ajoutait que Louis XVI ne gouvernait pas assez par lui-même ; qu'on voudrait trouver en lui le ton du bon Henri ; qu'il avait des talens naturels pour réussir et qu'il tenait de la maison de Bourbon et de madame la dauphine, sa mère, des qualités qui l'appelaient à de grandes choses. Il ajoutait que le roi avait beaucoup de connaissances acquises par des études ignorées et secrètes, et que la France serait bien fière si elle pouvait croire qu'elle était gouvernée par des actes directs de la volonté du roi. M. de Pezai ajoutait que le français bénirait même les erreurs du roi: il citait ses mœurs conjugales compatibles avec le ton français et l'aimable galanterie ; il louait le bon ton de la reine et annonçait aux époux une grande récompense prochaine de leurs vèrtus.

Après avoir parlé de la sorte du chef de l'état, M. de Pezai annonçait des correspondances périodiques sur les princes contemporains du roi, sur les grands de l'état, sur les ministres, les parlemens, les prélats, les généraux, les intendans, et les gens de lettre, promettant au roi de le faire assister, sans sortir de

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