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lieues de Mayence, et qu'il ignorait si cette ville était approvisionnée, oui ou non; qu'il a toujours resté avec l'avant-garde, qui s'est constamment battue, et toujours avec avantage pour l'honneur des armes de la nation française ; qu'à son arrivée à l'armée de la Moselle, il l'a trouvée dénuée de tout, principalement de fusils, attendu alors l'arrivée des troupes du contingent; ë Si > l'on avait suspecté ma conduite, ajoute-t-il, après la reddition › de Mayence, m'aurait-on nommé à l'armée du Nord? Lorsque › j'y arrivai, vingt-deux officiers venaient d'être destitués, et ⚫ un officier général; je ne connaissais personne. L'armée était ⚫ toute étonnée d'avoir été repoussée du Camp-de-César. J'ai tou› jours été attaché aux succès de la révolution française; étant » devenu, de simple lieutenant général, en chef, quel espoir aurais-je eu en trahissant la nation, en passant chez l'ennemi? › Il m'aurait haché par morceaux, pour tout le mal que je lui ai › fait. J'ai pu faire des fautes; quel est le général qui n'en fait » point? mais je n'ai jamais été un traître : les jurés me jugeront dans leur ame et conscience; quant à moi, je peux dire que ⚫ la mienne est pure et tranquille. >

GIREY-DUPRÉ (Jean-Marie), né à Paris, âgé de vingt-quatré aus, sous-garde de manuscrits à la Bibliothèque nationale, rédacteur du journal le Patriote français, et BOISGUYON (Gabriel-NicolasFrançois), né à Châteaudun, âgé de trente-cinq ans, adjudantgénéral aux armées des côtes de Brest, arrêtés tous deux à Bordeaux, et conduits à Paris, comparurent ensemble devant le tribunal révolutionnaire, le 21 novembre (1er frimaire) ; ils furent jugés et exécutés le même jour.- La rédaction du Patriote français pour l'un, et pour tous deux leur présence à Caen pendant que les députés rebelles l'occupaient, furent les griefs dont l'accusation se servit pour les convaincre de complicité dans la conJuration fédéraliste. Nous ne trouvons dans les débats rien qui ressemble à la réponse que Riouffe prête à Giréy-Dupré, lorsqu'on l'interrogea sur Brissot: Brissot, aurait-il dit, a vécu comme Socrate; il est mort comme Sidney. Non-seulement il n'y a pas une trace d'une pareille réponse dans le Bulletin du

tribunal révolutionnaire, mais encore le système de défense adopté par les deux accusés la rend improbable. Tous deux désavouent le fédéralisme, et une participation quelconque à la révolte girondine.

COLLIER-LAMARLIÈRE ( Antoine-Nicolas ), âgé de quarante-sept ans, né à Crecy, département de Seine-et-Marne, ci-devant noble, général de division à l'armée du Nord, fut condamné le 26 novembre (8 frimaire), et exécuté le lendemain. - Les charges furent accablantes. Il fut prouvé que, contrairement à toutes les règles militaires et aux ordres exprès du conseil exécutif, la garnison d'une place aussi importante que Lille, garnison commandée par le général Favart, avait été mise par Custine à l'entière disposition de Lamarlière, commandant les troupes campées sous cette place; qu'abusant du commandement qui lui était irrégulièrement confié, Lamarlière faisait ouvrir les portes à toutes les heures de la nuit, et ce, malgré les représentations instantes du général Favart; qu'il avait accumulé une grande quantité de prisonniers dans la citadelle de Lille, dans des circonstances où la faiblesse de la garnison et le manque de vivres rendaient leur présence doublement fâcheuse; qu'il avait permis à diverses reprises que des parlementaires ennemis fussent introduits dans la place sans avoir les yeux bandes; qu'il avait logé dans la citadelle, avec liberté de la parcourir, un aide-de-camp et un trompette ennemis que tout indiquait être des espions; qu'il avait négligé de transmettre au général Favart la série des mots d'ordre, et refusé de faire droit aux observations dudit général sur les inconvéniens qui pouvaient résulter de la similitude du mot d'ordre entre les troupes de l'extérieur et celles de la ville et de la citadelle, chose contraire aux usages militaires ; qu'il avait voulu fortifier les trois faubourgs de Lille, ce qui rendait la défense impossible, vu l'exiguité de la garnison qui, distribuée sur trois points, eût été par le fait livrée à l'ennemi; que néanmoins, et au moment même où il proposait cette augmentation d'ouvrages, il avait voulu, de concert avec Custine, extraire une portion considérable de l'ar

tillerie de la place, et la priver par là de son plus grand moyen de défense, pour transporter ladite artillerie dans le camp de la Madeleine, mal situé selon les gens de l'art, et dans lequel, en cas d'un revers ou d'une trahison, elle ne pouvait manquer de tomber aux mains des ennemis. Ces différens griefs furent établis surabondamment par le témoignage écrit du général Favart, et par sa volumineuse correspondance avec Lamarlière; par le témoignage écrit du général Dufrêne et celui de l'adjudant-général Merlin-Lejeune; par le témoignage oral de Lesage-Sénault, et par celui de Duchêne, représentans, qui avaient été tous deux en mission auprès de Lamarlière. D'autres témoins déposèrent sur des faits reprochés également à ce général dans l'acte d'accusation, sur ses habitudes aristocratiques, sur la menace qu'il avait faite à l'officier Calandiny de le faire expirer sous le bâton, parce qu'il l'avait dénoncé aux Jacobins, etc., etc.-Les témoins à décharge ne touchèrent à aucun fait de la cause. Ils se bornèrent à attester, les uns pour l'avoir entendu dire, les autres pour le savoir par eux-mêmes, que Lamarlière avait toujours professé les bons principes. Parmi ces témoins, au nombre de quatre, figuraient trois conventionnels, Sallengros, Taillefer, Dubois-Dubay; le quatrième témoin fut Chevalier, gendarme.

BARNAVE (Antoine-Pierre-Joseph-Marie), âgé de trente-deux ans, homme de loi, ex-constituant, né dans la commune de Saint-Égrède, district de Grenoble, et DUPORT-DUTERTRE (Marguerite-Louis-François), âgé de trente-neuf ans, ex-ministre de la justice, né à Paris, furent condamnés à mort et exécutés le 29 novembre (9 frimaire). Ils furent jugés d'après l'acte d'accusation dressé contre eux par l'assemblée législative le 29 août 1792, et contre Duportail, Tarbé, Bertrand, Al. Lameth, etc., pour avoir conspiré contre la liberté française de concert avec la ci-devant cour.

KERSAINT (Armand-Guy-Simon), âgé de cinquante-deux ans, né à Paris, ex-député, ci-devant gentilhomme breton, ancien officier de marine, « convaincu d'avoir sciemment et mécham

ment.avili la représentation nationale, et provoqué le rétablissement de la royauté en France; d'avoir participé à la conspiration contre l'unité et l'indivisibilité de la République, contre la liberté et contre le peuple français, fut condamné à la peine de mort le 4 décembre (14 frimaire), et exécuté le lendemain.

RABAUD (Jean-Paul) dit SAINT-ÉTIENNE (1), âgé de cinquante ans, né à Nîmes, ministre protestant, député, déclaré traître à la patrie, et mis hors la loi par un décret du 28 juillet précédent, comparut devant le tribunal révolutionnaire le 5 décembre (15 frimaire), et fut immédiatement envoyé à l'échafaud.

La DUBARRY. La fameuse courtisane Dubarry a été exécutée hier 17 décembre (17 frimaire), entre trois et quatre heures. Elle avait vécu dans la débauche et le crime; elle est morte sans courage. (Le Républicain français, n. CCCLXXXVII.)

LE TONDU, dit LEBRUN (Pierre-Marie-Henri), âgé de trente ans, né à Noyon, homme de lettres, imprimeur, et ex-ministre des affaires étrangères, réfugié rue de l'Égalité, maison d'Harcourt, sous le nom de Lebrasseur, Liégeois; accusé d'avoir participé aux complots des Girondins, fut condamné à la peine de mort le 27 décembre (7 nivôse).

DIETRICH (Frédéric), âgé de quarante-cinq ans, né à Strasbourg, ex-maire de cette ville, fut condamné à mort le 28 décembre (8 nivôse), sur la déclaration du jury portant « qu'il était constant qu'il avait entretenu des manœuvres et intelligences avec les ennemis intérieurs et extérieurs de la République, et que Diétrich était auteur de ces manœuvres. ›

GONTAUT-BIRON (le duc Armand-Louis de), ex-constituant, ex-commandant des armées de la République, fut condamné et exécuté le 31 décembre (11 nivôse au matin). Il fut accusé d'avoir conspiré contre l'unité et l'indivisibilité de la République, la tranquillité et la sûreté intérieure du peuple français, et d'avoir

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(1) La plupart des ministres protestants avaient suivi, jusqu'à la révolution, l'usage, né dans les persécutions, de se cacher sous un nom d'emprunt. Ainsi Rabaud se faisait appeler Saint-Etienne; Jeanbon, avait pris le nom de SaintAndré, etc. (Note des auteurs.) ́

trahi les intérêts de la République, en abusant de sa qualité pour favoriser, soit par l'inaction dans laquelle il avait tenu les forces qui lui étaient confiées, soit en occasionnant la défaite des troupes de la République par le défaut de secours de celles à sa disposition, les succès des brigands de la Vendée sur le territoire français. (Le Républicain français, n. CDXI.)

Nous devons ajouter à cette liste le nom de CLAVIÈRE (1) et celui de ROLAND; le premier se suicida à la Conciergerie; le second, réfugié dans les environs de Rouen, vint se tuer sur la grande route de Paris lorsqu'il apprit la mort de sa femme (2).

ANNÉE 1794.

A mesure que nous approchons du moment où la querelle entre les dantonistes et les hébertistes, et l'opposition que ces deux partis font au comité de salut public, chacun de son point de vue particulier, touchent à leurs conséquences extrêmes, les faits vérifient de plus en plus notre introduction à la période dont nous poursuivons l'histoire. Échappant à la tutelle des dic

(1) Voici la lettre écrite le 19 frimaire (9 décembre), par Fouquier-Tinville au président de la Convention, pour lui annoncer le suicide de Clavière :

« Citoyen président, j'ai l'honneur d'informer la Convention qu'Etienne Clavière, ex-ministre des contributions publiques, dont le jugement aurait eu lieu aujourd'hui, s'est jugé lui-même, sur la notification de l'acte d'accusation et de la liste de témoins, aux termes de la loi. Ce conspirateur et ministre infidèle s'est donné hier, vers neuf heures du soir, un coup de couteau dans la chambre où il était détenu, et sur son lit. Il a été dressé procès-verbal qui constate ces faits. Lecture en a été donnée publiquement à l'audience, ensemble de l'acte d'accusation, le tout en présence du citoyen Cambon et autres députés qui avaient été cités pour être entendus dans cette affaire.

» D'après le décret de la Convention qui met les suicidés décrétés d'accusation, et contre lesquels il y a acte d'accusation, au rang des condamnés par le tribunal par jugement, les biens du suicidé Clavière ont été déclarés acquis à la République.

» Pour éviter à l'avenir que ces conspirateurs ne se suicident, lorsque je leur ferai signifier l'acte d'accusation, je les ferai garder par des gendarmes et fouiller. FOUQUIER. »

(2) Le 15 novembre ( 25 brumaire ) la Convention reçut la lettre suivante sur le suicide de Roland:

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