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» Pour moi, je ne puis friser cette guillotine-là, même au jugement des républicains éclairés. Sans doute j'ai pu me tromper :

Eh! quel auteur, grand Dieu! ne va jamais trop loin!

Il y a plus; dès que le comité de salut public a improuvé mon numéro III, je ne seraí point un ambitieux hérésiarque, et je me soumets à sa décision, comme Fénelon à celle de l'Église. Mais l'avouerai-je, mes chers collègues? je relis le chapitre IX de Sénèque, les paroles mémorables d'Auguste, et cette réflexion du philosophe que je ne veux pas traduire, pour n'être pas encore une fois une pierre d'achopement aux faibles et à ce fait sans réplique: post hæc nullis insidiis ab ullo petitus; » à ce fait, malgré le rapport de Barrère, je sens m'échapper toute ma persuasion que mon idée d'un comité de clémence fût mauvaise. Car remarquez bien que je n'ai jamais parlé de la clémence du modérantisme, de la clémence pour les chefs, mais de cette clémence politique, de cette clémence révolutionnaire qui distingue ceux qui n'ont été qu'égarés. A ce fait, disais-je, sans réplique, j'ai toutes les peines du monde à souscrire à la censure de Barrère, et à ne pas m'écrier comme Galilée damné par le sacré-collége: « Je sens pourtant qu'elle tourne! >>

. Certes, le procureur-général de La Lanterne, en 1789, est aussi révolutionnaire qu'Hébert, qui, à cette époque, ouvrait des loges aux ci-devant, avec des salutations jusqu'à terre. Mais dès-lors, quand j'ai vu l'assassinat ultra-révolutionnaire du boulanger François, fidèle à mon caractère, ne me suis-je pas écrié que c'était la cour elle-même, La Fayette, et les Hébert de ce temps-là, les patriotiquement aristocrates, qui avaient fait ce meurtre pour rendre la Lanterne odieuse? Celui-là encore aujourd'hui est révolutionnaire qui a dit avant Barrère qu'il fallait arrêter comme suspects tous ceux qui ne se réjouissaient pas de la prise de Toulon. Celui-là est un révolutionnaire qui a dit, comme Robespierre, et en termes non moins forts : « S'il fallait choisir entre l'exagération du patriotisme et le marasme du

Celui-là est un

› modérantisme, il n'y aurait pas à balancer. révolutionnaire qui a avancé comme une des premières maximes de la politique, que, « dans le maniement des grandes affaires, il était triste, mais inévitable, de s'écarter des règles austères de la morale. » N° I. Celui-là est révolutionnaire qui est allé aussi loin que Marat en révolution, mais qui a dit : « qu'au delà de ses » motions et des bornes qu'il a posées, il fallait écrire, comme les géographes de l'antiquité à l'extrémité de leurs cartes: Au.

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» delà, il n'y a plus de cités, plus d'habitation; il n'y a que des › déserts ou des sauvages, des glaces ou des volcans. » No II. Celui-là est révolutionnaire qui a dit que « le comité de salut » public avait eu besoin de se servir, pour un moment, de la jurisprudence des despotes, et de jeter sur la Déclaration des » droits un voile de gaze, il est vrai, et transparent. » Celui-là est révolutionnaire, enfin, qui a écrit les premières et les dernières pages du numéro III; mais il est fâcheux que les journalistes, parmi lesquels j'ai reconnu pourtant de la bienveillance dans quelques-uns, n'aient cité aucun de ces passages. Quand la plupart auraient pris le mot d'ordre du Père Duchesne de n'extraire de mes numéros que ce qui prêtait aux commentaires, à la malignité et à la sottise; ils ne se seraient pas interdit plus scrupuleusement toute citation qui tendit à me justifier dans l'esprit des patriotes; et c'est vraiment un miracle que, sur le rapport d'Hébert, et sur des citations si infidèles et si malignes de plusieurs de mes chers confrères en journaux, les Jacobins restés à la société à dix heures du soir ne se soient pas écriés, comme le vice-président Brochet: « Quel besoin avons-nous d'autres témoins? » et que le juré d'opinion n'ait pas déclaré qu'il était suffisamment instruit, et que, dans son ame et conscience, j'étais convaincu de modérantisme, de feuillantisme et de brissotisme.

» Et cependant quel tort avais-je, sinon d'être las d'en avoir eu, d'être las d'avoir été poltron, et d'avoir manqué du courage de dire mon opinion, fût-elle fausse? Je ne crains pas que la société me blâme d'avoir fait mon devoir. Mais si la cabale était plus

forte, je le dis avec un sentiment de fierté qui me convient, si j'étais ayé, ce serait tant pis pour les Jacobins ! Quoi! vous m'avez commandé de dire à la tribune ce que je crois de plus utile pour le salut de la République! ce que je n'ai pas les moyens physiques de dire à la tribune, je l'ai dit dans mes numéros, ét vous m'en feriez un crime? Pourquoi m'avez-vous arraché à mes livres, à la nature, aux frontières, où je serais allé me faire tuer comme mes deux frères qui sont morts pour la liberté? pourquoi m'avez-vous nommé votre représentant? pourquoi ne m'avezvous pas donné des cahiers? Y aurait-il une perfidie, une barbarie semblable à celle de m'envoyer à la Convention, de me demander ainsi ce que je pense de la République, de me forcer de le dire, et de me condamner ensuite, parce que je n'aurais pas pu vous dire des choses aussi agréables que je l'eusse souhaité? Si l'on veut que je dise la vérité, c'est-à-dire la vérité relative, et ce que je pense, quel reproche a-t-on pu me faire, quand même je serais dans l'erreur? Est-ce ma faute si mes yeux sont malades, et si j'ai vu tout en noir à travers le crêpe que les feuilles du Père Duchesne avaient mis devant mon imagination.

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› Suis-je si coupable, de n'avoir pas cru que Tacite, qui avait passé jusqu'alors pour le plus patriote des écrivains, le plus sage et le plus grand politique des historiens, fut un aristocrate et un radoteur? Que dis-je, Tacite? ce Brutus même dont vous avez l'image, il faut qu'Hebert le fasse chasser comme moi de la société, car si j'ai été un songe-creux, un vieux rẽveur, je l'ai été non-seulement avec Tacite et Machiavel, mais avec Loustalot et Marat, avec Thrasybule et Brutus.

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Est-ce ma faute s'il m'a seniblé que, lorsque le département de Seine-et-Marne, si tranquille jusqu'à ce jour, était si dangereusement agité depuis qu'on n'y messait plus ; lorsque des pères et mères, dans la simplicité de l'ignorance, versaient des larmes, parce qu'il venait de leur naître un enfant qu'ils ne pouvaient pas faire baptiser, bientôt les catholiques allaient, comme les calvinistes du temps de Henri II, se renfermer pour dire des

psaumes, et s'allumer le cerveau par la prière ; qu'on dirait la messe dans des caves quand on ne pourrait plus la dire sur les toits; de là des attroupemens et des Saint-Barthélemi; et que nous allions avoir l'obligation, principalement aux feuilles b... patriotiques du Père Duchesne, colportées par Georges Bouchotte, d'avoir jeté sur toute la France ces semences si fécondes de séditions et de meurtres?

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>> Est-ce ma faute, enfin, s'il m'a semblé que des pouvoirs subalternes sortaient de leurs limites et se débordaient; qu'une Commune, au lieu de se renfermer dans l'exécution des lois, usurpait la puissance législative en rendant de véritables décrets sur la fermeture des églises, sur les certificats de civisme, etc.? Les aristocrates, les Feuillans, les modérés, les Brissotins ont déshonoré un mot de la langue française, par l'usage contrerévolutionnaire qu'ils en ont fait. Il est malaisé aujourd'hui de se servir de ce mot. Cependant, frères et amis, croyez-vous avoir plus de bon sens que tous les historiens et tous les politiques, être plus républicains que Caton et Brutus, qui tous se sont servis de ce mot? Tous ont répété cette maxime: L'anarchie, en rendant tous les hommes maîtres, les réduit bientôt à n'avoir qu'un seul maître. C'est ce seul maître que j'ai craint ; c'est cet anéantissement de la République, ou du moins ce démembrement. Le comité de salut public, ce comité SAUVEUR, y a porté remède, mais je n'ai pas moins le mérite d'avoir le premier appelé ses regards sur ceux de nos ennemis les plus dangereux, et assez habiles pour avoir pris la seule route possible de la contrerévolution. Ferez-vous un crime, frères et amis, à un écrivain, à un député de s'être effrayé de ce désordre, de cette confusion, de cette décomposition du corps politique, où nous allions avec la rapidité d'un torrent qui nous entraînait, nous et les principés déracinés; si dans son dernier discours sur le gouvernement révolutionnaire, Robespierre, tout en me remettant au pas, n'eût jeté l'ancre lui-même aux maximes fondamentales de notre révolution, et sur lesquelles seules la liberté peut être affermie et braver les efforts des tyrans et du temps?

Extrait des registres de la trésorerie nationale, du 2 juin.

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135,000 liv.

» Donné au Père Duchesne.
Les 2 juin! tandis que tout Paris avait la
main à l'épée pour défendre la Convention
nationale, à la même heure, Hébert va mettre
la main dans le sac.

Plus, du mois d'août, au Père Duchesne. . .
Plus, du 4 octobre, au Père Duchesne.

10,000 liv.

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60,000 liv.

Calculons ce dernier coup de filet.

Calcul de la valeur des 600 mille exemplaires de la feuille du Père Duchesne, payés par Bouchotte 60 mille livres.

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Total du vrai prix des 600 mille exempl., ci. 16,816 liv.

Qui de .

comptées par Bouchotte à Hébert, le 4 oc

tobre 1793, et que celui-ci, avec une impu-
dence cynique, dans son dernier numéro
appelle la braise nécessaire pour chauffer son

fourneau, ôte

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60,000 liv.

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Reste volé à la nation, le 4 octobre 1793.. 43,184 liv.

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