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vent pareillement dans l'interdit populaire. Il n'y a plus ici de loi générale, c'est vrai; mais on sait que l'interdit n'est au fond autre chose qu'un véritable édit particulier, rendu seulement entre les deux parties, et d'ailleurs, à tous autres égards, parfaitement semblable à l'Edit général par application duquel il est rendu ; quand il contient des défenses faites dans l'intérêt public, il paraît bien constituer, ainsi que le dit Brinz (1), un premier degré de loi pénale. Quant à la condamnation, est-il bien exact de dire que les interdits populaires sont réipersécutoires? On sait comment se développe cette procédure. Quand l'interdit est rendu, les parties concluent une sorte de pari sous forme de sponsiones réciproques. Le préteur les renvoie ensuite devant un juge ou devant des récupérateurs, par une formule d'instance judicium secutorium) qui donnera pour mission à ceux-ci de décider laquelle des deux sponsiones devra être payée, et, si l'affirmation du demandeur est vérifiée, de condamner le défendeur à exécuter les prescriptions de l'interdit, ou à payer à son adversaire une somme qui est ordinairement fixée au quanti ea res est. Le caractère pénal ne résulte pas de la sponsio que le défendeur doit payer, puisqu'elle est réciproque et constitue plutôt la peine du plaideur téméraire. Il résulte de la condamnation prononcée dans le judicium secutorium pour le cas où le défendeur n'exécute pas les prescriptions de l'interdit: car s'il les exécute, le résultat pratique est le même que si l'interdit n'avait pas été désobéi, et la perte de la sponsio est une

que peut faire naître la division des actions en reipersécutoires et pénales. Voy. sur ce point: Pauly's Realencyclopädie der class. Allerth. 2 édit., vo Actiones pœnales, p. 316-318, et les auteurs cités.

1. Lehrbuch der Pandekten, t. I, p. 284.

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sanction suffisante. La vraie violation de l'ordre du préteur se produit quand, de mauvaise foi, le défendeur condamné n'exécute pas; il paye alors le quanti ea res est. Or cette condamnation comprend deux éléments, l'un accidentel, l'autre substantiel : le premier est la réparation du dommage privé, dans le cas où il y a un particulier lésé; le deuxième est le paiement d'une somme sanctionnant la violation de l'interdit, et représentant dans tous les cas l'intérêt purement moral qu'avait l'Etat à ce que l'acte illicite sur la res sacra ou publica ne fût pas commis. Il y a donc toujours une partie de la condamnation qui n'est pas une indemnité, mais qui constitue une perte infligée au défendeur dans l'intérêt d'une autre personne, c'est-à-dire qui a le caractère d'une peine.

Il est vrai que les interdits ne sont pas des actions, au sens technique et strict de l'expression, mais dans le terme actio popularis, ce mot actio est pris dans son sens large, et signifie simplement le droit de réclamer quelque chose en justice. A ce point de vue, nul doute que les interdits ne soient des actions; cela est dit expressément par Ulpien (1): « Interdicta quoque actionis verbo continen

tur. »

Non seulement les interdits populaires sont désignés sous le nom d'actions, mais, ce qui doit dissiper toute hésitation, ils sont expressément cités sous le nom et comme exemples d'actions populaires. On lit, en effet, dans le fragment 42, pr. D. de Procuratoribus (2): «Licet in popularibus actionibus procurator dari non possit, tamen dictum est merito eum qui de via publica agit et privato

1. XLIV. 7, D. de Oblig. et Act., 37, pr.

2. D. III, 3.

damno ex prohibitione adficitur, quasi privatæ actionis dare posse procuratorem (1). »

Après cela, on objecterait en vain que les actions populaires sont annales et que les interdits populaires sont perpétuels. Etant donné ce passage si clair, il faut, non pas séparer les interdits des actions populaires sur le fondement des deux textes cités plus haut (2), mais chercher à résoudre l'antinomie apparente existant entre ces textes et le fragment 42 ci-dessus. Or, on concevra très bien que le principe de l'annalité des actions populaires reste intact, et que les interdits populaires soient malgré cela déclarés perpétuels, si l'on remarque en quoi consistent les délits visés par eux. Ce sont des violations du droit public qui ne se consomment pas par un acte instantané, mais se prolongent pendant un temps plus ou moins long, quelquefois même indéfini, c'est-à-dire tant que l'œuvre illicite s'accomplit ou subsiste. Quand donc les textes disent que l'interdit est perpétuel, ils veulent indiquer simplement cette particularité, à savoir que l'interdit prohibitoire est possible indéfiniment tant que l'ouvrage illicite se fait et n'est pas achevé, et l'interdit restitutoire indéfiniment aussi, tant que cet ouvrage, achevé, subsiste (3). Il n'y a pas, en effet, d'autre manière de comprendre la perpétuité de l'interdit car

1. Il s'agit ici de l'interdit prohibitoire ne quid in loco publico fiat quo damnum privato detur. Ce passage prouve en même temps que cet interdit est populaire.

2. P. 48, notes 1 et 2.

3. C'est une face particulière de ce principe que les biens de l'Etat ne sont pas susceptibles de prescription. Bien qu'un particulier établisse un ouvrage sur un chemin public, l'État a toujours le droit de le supprimer ainsi que le dit le fragment 2. D. de via publ. XLIII. 11: viam publicam populus non utendo amittere non potest.

lorsque l'ouvrage licite est achevé, l'interdit prohibitoire cède la place au restitutoire, et dès que l'ouvrage est enlevé et les choses remises dans leur précédent état, il n'y a plus lieu à aucun interdit; il n'y a plus de place que pour une action privée au profit du particulier qui peut avoir été lésé. Les interdits populaires devaient donc être déclarés perpétuels (1) dans le sens expliqué ci-dessus, et constituer une exception très logique à la règle d'annalité (2).

Tels sont les motifs qui doivent, selon nous, faire considérer nos interdits comme de véritables actions populaires, conclusion dont l'exactitude apparaîtra plus évidemment encore quand nous aurons vu qu'ils ont la même nature procuratoire, et sont soumis aux mêmes règles générales que les actions populaires proprement dites.

SECTION IV

Des actions improprement appelées populaires

Outre les actions étudiées précédemment, qui constituent le domaine des vraies actions populaires, les Romains en connaissaient un certain nombre d'autres qui

1. Ce n'est pas,du reste,le seul exemple d'actions à la fois pénales et perpétuelles: l'action furti manifesti est, en effet, à la fois prétorienne, pénale et perpétuelle. G. IV, 111.

2. D'ailleurs, cette règle comportait une exception dans la matière des actions prétoriennes : l'action de tabulis apertis pouvait être intentée pendant cinq ans (XXIX. 5, D. de S. C. Silan. 13). Nous serions

étaient également ouvertes à tout citoyen. A ce titre, elles peuvent être appelées actions populaires, si l'on prend cette expression dans un sens très large. Mais comme il leur manque un ou plusieurs des caractères essentiels des actions populaires telles que nous les avons définies, on doit les exclure de cette catégorie (1).

Parmi ces actions, la plupart sont fondées sur une idée de haute justice et d'équité. On pourrait donc dire à la rigueur qu'elles sont créées dans un intérêt général, mais on ne peut y voir un moyen de protection pour le droit du peuple considéré dans son unité; on ne peut leur appliquer la définition de Paul : quæ suum jus populi tuetur. Ce sont les actions que M. de Ihering (2) appelle actions en faveur des personnes placées sous la protection publique. Le demandeur ne peut y être considéré comme le représentant de l'Etat. Telles sont:

1o Le crimen suspecti tutoris (3), par lequel le tuteur coupable d'une fraude ou d'une négligence grave est destitué de ses fonctions, et peut, en outre, encourir l'infamie et une peine corporelle. Cette instance peut être engagée par toute personne (4), excepté par le pupille lui-même.

même assez disposé à admettre que l'action de positis et suspensis, donnée, comme les interdits populaires, à l'occasion d'un fait continu, devait être, comme eux et dans le même sens, perpétuelle. Ce serait une nouvelle exception à la règle d'annalité.

1. Certains auteurs les y font cependant figurer: Ihering, Espr. du Dr. Rom., trad. Meul. t. IV, p. 107 et suiv. Keller. Civilprocess. § 92. - Codacci Pisanelli. Archiv. Giur., t. XXXIII, p. 344 et

suiv.

2. Op. cit., p. 111-118.

3. XXVI. 10, D. de suspect. tut. Instit. I, 26.

4. « Quasi publicam esse hanc actionem, hoc est omnibus patere». D. de susp. tut. 1, 6.

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