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Le demandeur n'y représente que l'intérêt de celui-ci. D'ailleurs, le crimen suspecti n'est point, à proprement parler, une action, mais un cas très ancien de cognitio extraordinaria (1). Le magistrat n'y délivre pas de formule et statue lui-même sur le fond. De cette nature spéciale, résultent certaines règles particulières, telles que celle qui permet aux femmes, généralement incapables de postuler pour autrui, d'intenter le crimen suspecti, pourvu qu'elles soient mues par un sentiment d'affection pour le pupille.

20 L'assertio in libertatem (2). L'assertor n'est que le représentant de celui qu'il s'agit de déclarer libre. Cela est si vrai que, primitivement, il ne pouvait agir que du consentement de celui-ci. Plus tard, par faveur pour la liberté, on accorda la proclamatio in libertatem aux parents du prétendu esclave, même malgré lui, et Gaïus déclare (3) que lorsqu'il s'agit d'un esclave furiosus ou infans, toute personne doit être autorisée à agir. L'action n'avait du reste aucun caractère pénal.

3o L'interdit de homine libero exhibendo (4), donné in favorem libertatis, à tout citoyen contre celui qui, frauduleusement, retient prisonnier un homme libre. Il se rapproche beaucoup des interdits populaires; mais l'intérêt protégé est, ici encore, moins l'intérêt du peuple que celui de l'homme détenu. L'intérêt public paraît, dans ce cas, plus particulièrement sauvegardé par la peine établie dans la loi Fabia de plagio.

1. Voy. Pernice. Volksrechtliches und amtsrechtliches Verfahren in der römischen Kaiserzeit (Festgabe für G. Beseler, p. 54).

2. XL. 12. D. de lib. causa.

3. Eod. tit. 6. « non solum necessaris personis sed etiam extraneis permittatur ».

4. XLIII. 29, D. de hom. lib. exhib.

4o Le judicium legis Plætoriæ (1). Cette action était donnée contre celui qui avait profité de l'inexpérience d'un mineur de 25 ans pour lui faire consentir un contrat désavantageux. Elle entraînait l'infamie, l'incapacité de figurer dans l'ordo decurionum (2), et, en outre, une condamnation pécuniaire dont le taux est inconnu. Elle avait ainsi un caractère pénal prépondérant. Bien qu'ouverte à tous, elle n'avait d'autre but que de protéger l'intérêt du mineur lésé (3): c'est ce double caractère qu'indique Cicéron quand il appelle cette action judicium publicum rei privatæ.

5o L'action furti de la loi Hostilia. Lorsqu'un vol était commis contre un citoyen absent reipublicæ causâ ou captif, ou contre un impubère dont le tuteur se trouvait dans l'une de ces deux situations, une loi Hostilia, de date inconnue, et dont la disposition est rapportée par les Institutes, permettait à toute personne d'intenter contre le voleur l'action furți. Cette faculté, déclare Justinien, était une exception à l'ancienne règle Nemo alieno nomine lege agere potest le demandeur agissait comme représentant de la victime, et nullement au nom du peuple.

6o Les actions pénales nées des délits commis contre les biens de l'Etat, par exemple du vol (furtum publicum),

1. Cicer. de offic. III. 15. De natura deor. III, 30.

2. Loi Jul. Munic. 1. 108 et suiv.

3. Le mineur lésé est encore protégé par une exception tirée de la loi Plætoria,qui lui permet de se soustraire à l'exécution de son engagement; et probablement aussi par une action civile au moyen de laquelle il peut en invoquer directement la nullité. Voy. Girard. Le fragmentum de Formula Fabiana (Nouv. Rev. hist. de dr. franç. et étr., 1890, t. XIV, p. 697). — Karlowa, Römische Civilprozess zur Zeit der Legis actionen, 1872, p. 352.

du dommage injustement causé à l'un de ces biens (damnum injuria datum). Ces actions, dont le résultat était la condamnation à une amende fixe, pouvaient probablement être intentées par tout citoyen (1). Mais le demandeur représentait ici l'Etat considéré comme personne morale, comme propriétaire des biens composant son domaine privé, et non l'Etat ou le peuple considéré dans son unité. C'est pourquoi ces délits, par exemple le vol commis au préjudice du trésor public, pouvaient, le cas échéant, être poursuivis cumulativement de deux manières distinctes: 1° par une action criminelle devant les juridictions répressives; 2° comme lésant les intérêts pécuniaires de l'Etat, par l'action pénale privée dont il est question ici, et qui, pour cette raison, bien qu'ouverte à tous, n'a rien de commun avec une action populaire proprement dite.

7° L'action de la loi Furia testamentaria (2), en vertu de laquelle nul ne pouvait accepter un legs supérieur à 1000 as; la sanction de cette prohibition était une peine du quadruple de la valeur du legs accepté. M. de Ihering affirme (3) que l'action était populaire. Cela est fort possible en effet, car c'était le meilleur moyen d'obtenir l'application de la loi; mais cela est douteux. D'ailleurs, le demandeur ne représentait que l'intérêt posthume du défunt, consistant à faire accepter l'hérédité testamentaire pour que la succession légitime ne s'ouvrît pas.

8° L'action de la loi Marcia de usuris reddendis (4). Cette

1. Voy. Mommsen. Le Dr. publ. rom., trad. Girard, t. I, 2e édit., p. 210.

2. Ulp. Reg. pr., § 2. G. IV, 23.

3. Op. cit., p. 113.

4. Gaius. IV, 23. Pseudo Ascon., édit. Orelli, p. 110.

loi défendait au préteur d'argent d'accepter ou de réclamer des intérêts. Comme la précédente, elle était une lex minus quam perfecta; en cas de contravention, la demande du créancier n'était pas nulle; mais il s'exposait à une peine du quadruple, que tout citoyen pouvait peutêtre poursuivre, bien que cela soit encore assez douteux. Cette action était intentée, en réalité, dans l'intérêt du débiteur.

Pour une deuxième catégorie d'actions populaires impropres, le principal motif de les exclure est qu'elles n'ont pas le caractère pénal. Telles sont :

1o L'action de collusione detegenda (1). Elle était ouverte dans le cas où un maître avait, de mauvaise foi, laissé déclarer ingénu un de ses esclaves. Elle avait pour but de faire rescinder le jugement d'ingénuité, et aboutissait à l'attribution de l'esclave au demandeur. Elle se rapprochait donc beaucoup des actions populaires; mais il est facile de voir qu'elle n'était pas pénale: l'attribution de l'esclave au demandeur n'était pas, en effet, une peine pour le maître, puisqu'il avait déjà lui-même l'intention de perdre sa propriété ;

2o L'exception de la loi Cincia (2). D'après le système de la loi Cincia, celui qui n'étant pas persona excepta, venait réclamer l'exécution d'une donation à lui faite et supérieure au modus legitimus, pouvait être repoussé par une exceptio. Cette exception, disaient les Proculiens, en désaccord sur ce point avec les Sabiniens, appartient à toute personne. Mais elle ne protégeait que l'intérêt du donateur.

1. XL. 16, D. de Coll, deteg.

2. Fr. Valic.. § 266.

CHAPITRE III

ORIGINE DES ACTIONS POPULAIRES.

L'origine des actions populaires est extrêmement obscure, et si l'on voulait leur assigner une date d'apparition précise, on se heurterait à des difficultés invincibles. Ceux qui ont écrit sur ce sujet ont néanmoins essayé d'éclaircir le problème; il est à peine besoin, étant données la pénurie des documents et l'incertitude relative à beaucoup de ceux qui nous sont restés, de dire que ces efforts n'ont pu aboutir à la constitution d'un système unique et incontesté. Nous nous bornerons donc à exposer brièvement les points qui paraissent définitivement acquis.

Les difficultés sont bien plus grandes relativement aux interdits populaires et actions prétoriennes qu'en ce qui concerne les actions légales. Cela tient surtout à la manière différente dont nous ont été transmises ces diverses actions. Nous connaissons les dernières directement par les lois qui les créaient, dont le texte a pu être retrouvé, et la date déterminée avec une approximation suffisante; ces lois sont, en quelque sorte, des repères qui indiquent le chemin parcouru, et forment des bases solides pour l'histoire de notre institution. Les actions prétoriennes et les interdits populaires nous sont, au contraire, con

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