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Chaussée, ainsi que plus amplement il appert par sa lettre missive qu'il envoya à M. de La Noue, en cette ville, dont la teneur s'ensuit :

« M. de La Noue, Dieu nous a bénis. Cejourd'hui, 14° de ce présent mois, la bataille s'est donnée. Il a été bien combattu. Dieu a montré qu'il aimait mieux le droit que la force. La victoire nous a été absolue; l'ennemi tout rompu; les Reîtres en partie défaits; l'infanterie rendue; les Bourguignons mal menés ; la cornette blanche et le canon pris ; la poursuite jusqu'aux portes de Mantes. On a varié si on recevrait M. de Mayenne: au moins n'y ont-ils point reçu ses Reîtres. Les particularités s'en sauront mieux demain, sur lesquelles je vous dépêcherai. Cependant il faut user de la victoire, et, pour ce, je vous prie avancer en diligence vers Pontoise et Meulan avec mon cousin de Longueville et nos Reîtres; et me mandez les nouvelles de votre acheminement, afin que nous puissions cueillir les fruits de la guerre, que le bon Dieu nous a faits. Du camp de Rosny, à une lieue près de la ville de Mantes, à dix heures du soir, ce 14 jour de mars 1590; ainsi signé HENRI. »

Pour les habitans de ladite ville de Mantes qui tenaient le parti des princes et ligués, voyant la défaite et fuite de leur armée, et que le roi etait proche d'eux avec son armée, se rendirent à lui; dans laquelle il entra avec son conseil d'état, où il fit dresser un

beau magasin de toutes sortes de munitions de guerre, ', pour s'en

aider en cas de nécessité, au grand regret de l'ennemi qui se retira vers la ville de Paris, où, et en autres villes et forteresses, il mit forte garnison, tant de compagnies françaises que étrangères. De laquelle victoire on en fit chanter Te Deum avec le carillon des cloches et feu de joie en cette ville de Senlis. De laquelle ville de Mantes, après que sa majesté y eut séjourné, tant pour rafraîchir son armée que pour y donner ordre et tenir conseil de ce qu'il avait à faire, partit d'icelle et battant la campagne cà et là, plusieurs de ses villes se rendirent encore à son obéissance, comme celles d'Alençon, Falaise, Vernon, Le Mans, Melun et autres, tant par force qu'autrement

En ce même voyage, le sieur Le Blanc, gouverneur et capitaine pour la ligue dans la ville de Sens, fit amas de grand nombre de gens de guerre de son parti avec sa garnison, pensant que le roi qui était là ès environs les dût aller assiéger; et, se voulant saisir de sa personne, lui dressèrent un piége, et lui mandèrent qu'ils lui étaient fidèles serviteurs et qu'ils se voulaient rendre à lui, afin qu'il y allât, lequel de bonne foi s'y approcha, et, étant près d'icelle, l'entreprise fut découverte, de laquelle il se tint sur ses gardes et se retira ailleurs.

Tôt après que sa majesté eut remis en son obéissance les villes ci-dessus nommées, desquelles il retirait de grandes commodités, tant de vivres que autres munitions de guerre, pour l'entretenement de son armée, il s'achemina avec icelle vers sa capitale ville de Paris, laquelle il assiégea sans les battre de canon, seulement pour tâcher à les avoir par famine ou autres moyens, ne les voulant ruiner ni avoir par force ni violence, ains ne voulant user envers eux que de douceur, clémence et bonté accoutumée: duquel siége il arriva en cette ville le 20 juin audit an 1590, et y passa le jour et fête de Dieu, et retourna audit siége.

Le jeudi 28 dudit mois de juin, octave de la fête de Dieu, ainsi que l'on faisait la procession de la paroisse de M. saint Aignan, s'apparurent si grand nombre de corbeaux volans et rouans par escadrons sur cettedite ville, qu'on ne pouvait estimer la quantité; et n'était sans donner occasion d'en juger par diverses opinions, et ne pouvait être référé qu'à l'indice de ces guerres, pestes, famines, que de bêtes farouches et autres choses qui depuis sont avenues et qu'avons souffertes en ce royaume, durant ces troubles, qui ont infecté tant de pays; de quoi ces corbeaux sont amis, et suivent volontiers l'infection de l'air corrompu, comme étant assurés que leurs pâtures s'apprêtent pour leur glout ravissement, ainsi que témoigne Cardan en ses œuvres. Partant, tels seings nous portent enseigne de l'indignation et ire de Dieu, par lesquels il nous semond à pénitence.

Pour ce que plusieurs passages, lieux et forteresses détenues de la part de l'ennemi empêchaient grandement les vivres de l'ar

mée du roi audit siége de Paris, fut assiégé le bourg et châtean de Beaumont-sur-Oise, lieu fortifié durant ces troubles, lequel fut battu et miné, et trouvé si fort qu'on n'y sut que faire: dans lequel commandait le seigneur de Pontrincourt qui enfin fut gagné de ses parens et amis qui étaient en l'armée du roi qui le persuadèrent si bien qu'il se rendit à composition; et sortirent tous bagues sauves; et a toujours depuis, ledit seigneur de Pontrincourt, fait service à sa majesté : laquelle place rendue fut mise à la garde du seigneur de Marcilly avec forte garnison, qui en a fort bien fait son devoir durant lesdits troubles. Et de là le roi et ses troupes retournèrent en ladite armée et siége de Paris. Les troubles cessés, ledit Beaumont fut à M. de Liancourt.

Étant, sa majesté, de retour en son siége et armée de ladite ville de Paris, il envoya aussi assiéger le château du bourg de Dammartin, par MM. de Longueville, le comte de La Marche, le régiment de Granville, gascons, les Suisses du colonel Soleure, les Lansquenets et autres, pour empêcher leurs incursions et sorties, par le moyen desquelles ils faisaient grands dommages en ladite armée et, pour la nourriture d'iceux, il fut ordonné au conseil tenu à Aubervilliers le 11 juillet audit an, que de cette ville de Senlis, leur serait envoyé audit siége de Dammartin dix mille pains de munitions par chacun jour. Et ne se voulaient rendre, pour ce qu'ils étaient toujours secourus de ceux de la ville de Meaux, La Ferté-Milon et d'autres lieux, de sorte que, pour les dépêcher, y fut encore derechef envoyé M. le comte de SaintPaul avec ses troupes, le régiment de Valiraut et autres gascons: et, comme l'ennemi y voulut retourner pour les renvitailler de vivres et autres choses à eux nécessaires, firent leurs efforts avec grands faits d'armes, mais enfin ils furent défaits, et le chevalier de Thury tué qui était gouverneur de ladite ville de Meaux et conducteur dudit secours. Enfin, les assiégés voyant la défaite d'iceux et l'extrême faim qu'ils enduraient, furent contraints de se rendre par composition, sortirent bagues et armes sauves, et furent conduits en assurance jusques en la ville de Meaux et autres lieux de leurs forteresses. Lequel château de Dammartin fut

baillé en garde au seigneur de Vineuil pour y commander pour sa majesté, lequel, avec sa garnison tant de cuirassiers que autres, en a fait son devoir durant lesdits troubles; et d'illec toutes lesdites compagnies retournèrent audit siége de Paris.

De même, la ville de Saint-Denis qui était aussi assiégée de sadite majesté, ne pouvant plus être secourue de ceux de la ville de Paris, par faute de vivres comme ils avaient toujours été, endurèrent si grande famine, qu'ils furent contraints se rendre à composition, de laquelle ils sortirent bagues et armes sauves; et y entra sa majesté, avec les plus grands seigneurs de son armée et son conseil d'état, où ils prirent logis: et y fit dresser un beau magasin de tout ce qui était besoin en une armée royale. Laquelle fut baillée en garde à M. de Vic, pour y commander contre la rigueur des Parisiens assiégés, auxquels, durant lesdits troubles, il leur a fait de cruelles guerres; mais, pour ce que sa majesté ne jouissait de son royaume, ses finances étaient courtes et n'avait moyen de soudoyer sa gendarmerie; partant, il permit audit seigneur de Vic laisser passer vivres et marchandises audit Paris, moyennant certains tributs, pour payer sa garnison et faire faire une citadelle, éperons, boulevards, plates-formes et autres fortifications, pour la défense de ladite ville de Saint-Denis.

En la présente histoire, l'on pourra ajouter foi en plusieurs miracles avenus durant les dix années de ces présens troubles, qui, à juste cause, pourront être appelées le règne des merveilles, et, comme cettui présent, qui est pour la deuxième fois que les ennemis ont voulu entreprendre et exécuter leur fureur et rage sur cette pauvre ville de Senlis, que le bon Dieu a toujours gardée, ainsi qu'il a encore fait cejourd'hui 4 jour de juillet 1590; pendant que sa majesté était empêchée audit siége de Paris et autreș lieux, qui s'étaient assemblés, tant à Pierrefonds, La Ferté-Milon que autres endroits.

Arrivèrent devant cettedite ville où était leur rendez-vous, entre une et deux heures après minuit, à l'endroit du corps-de-garde de Saint-Santin où ceux qui y étaient en garde étaient pour eux, et, à cet endroit, dévalèrent dans les fossés et dressèrent leurs

échelles contre la muraille, sur lesquelles y monta le premier le seigneur de Rosne suivi de plusieurs autres, qui jà étaient sur le haut du mur, disant à ceux dudit corps-de-garde de SaintSantin: Compagnons, la main! Lors, ils furent découverts de M. Jaulnay qui faisait la ronde; de main en main en avertit les chefs et autres gardes de ladite ville qui y furent promptement, et pensant, l'ennemi, être jà dedans et avoir tout gagné, crièrent trop tôt : Dedans, dedans! ville gagnée! tant par voix d'hommes que des trompettes et tambours, escopeteries de mousquetaires, arquebuses, que autres bâtons à feu : au bruit desquels, les tocsins de Notre-Dame, beffroi et autres, sonnèrent l'alarme; où grand nombre de peuple se trouva en armes sur les remparts, sur lesquels, en y allant avec aucuns de notre cinquantaine, je fus arrêté des ennemis du corps-de-garde de Guillot, chanoine, me criant: Qui vive! (mot non accoutumé), à qui je fis réponse: Dieu et le roi! Que faites-vous ici? Que n'étes-vous dans vos quartiers? M. le gouverneur de Bouteville qui, avec environ quatrevingts soldats, était derrière les murs et parapets de Saint-Santin, m'interrogea qui étaient ceux qui m'avaient arrêté.

Et lors même qu'ils faisaient ladite escalade, ils donnèrent d'autres alarmes à l'endroit de la Fontaine-des-Raines et Fosse-auxAnes pour amuser ceux de ce quartier-là, et afin d'y faire aller les habitans. Découverts qu'ils furent, repoussés et renversés dans les fossés et ayant failli leur entreprise, devant que le jour apparut, ils retirèrent à tâtons les morts et blessés qu'ils chargèrent dans leurs chariots et charrettes, où ils avaient amené leurs échelles qu'ils laissèrent dressées avec plusieurs autres choses, et prirent la fuite vers Balagny et Raray. Le jour venu, en fut encore vu un dans les fossés, tout moulu et froissé des parpains de la muraille qu'on avait renversés sur lui, lequel se nommait Monthiebert, et, revenu à soi, et ainsi qu'on le voulait tirer, cria tout haut: Messieurs, sauvez-moi la vie pour me faire panser, et je déclarerai à M. le gouverneur toute l'entreprise! ce qui fut fait. Et dit que, les jours précédens, il était entré dans ladite ville plusieurs capitaines et soldats choisis, et des plus hardis des compagnies, dé

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