Images de page
PDF
ePub

V

A.

A laquelle ne restoit,

Que la mort qu'elle attendoit,
963 Est maintenant bien-heurée.
Mafsiniffe elle a donté,
Par fes piteufes œillades:
966 Maffiniffe furmonté,

969

Se rend ferf de fa beauté,
Surpris dans fes embufcades.

Mais non pourtant la fraicur,
Ne déloge de notre ame.
Nous aurons encores peur
972 D'vne feconde douleur,

Qui ià déja nous entame?

Rien ne nous peut affeurer,
975 Encor le coeur nous prefage,
L'vn mal nous vient martirer,
Ou nous fait il retirer,

978 Pour estre affeur de l'orage.

Le foudre n'est pas bien loin,
Les éclairs ià fe paroiffent:
981 Helas! craignons qu'au befoin,
Les pleurs, les fanglos, le foin,
Et les larmes ne nous laiffent.
p. 33] »Car c'est vn tref-grand foulas
»De pouuoir pleurer la peine,
>Puis apres quand on eft las,
987 »De ietter dés larmes bas

>> Renforcer dés vens l'haleine.
Par dés langoureux fanglos

990 Fils d'vn foin qui le coeur ronge,
Par foupirs qui fans repos
Sollicitent Atropos,

993 A ce qu'en Léthe ell' nous plonge.

Acte III.

LELIE. MASSINISSE. SOPHONISBE. NOURICE.

Furie.

ous vous repofés trop ministres de Pluton.

Que fais-tu? que dis-tu furibonde Alecton?

996 Tu n'as pas oublié ta nature méchante:

Toy de qui les tifons, de qui la torche ardante,
Auoient accoutumé de géner les dammés,

909 Nouuellement d'Eaque aux tormens ordonnés.
C'est trop, c'est trop lon-tens exercé ta colere, (750

[blocks in formation]

744

C.

>A la nuict cede le iour
p. 157] » Mefme la haine & l'amour,
»D'vn extréme à l'autre passent.

N'aguere on voyait ces coeurs
735 Ennemis à toute outrance,
Ne promettre que rigueurs;
Et perdans toutes rancoeurs,
738 Ils entrent en alliance.

Quelle grace rit aux yeux
De cette Reine admirable,

741 Qu'vn courage furieux
Deuenu fi gratieux,

Luy foit fait doux & traitable.

Acte III.

LELIE. MASSINISSE. SOPHONISBE. NOURRICE.

[Fur.]

Tranfportez-vous ici Ministres de Pluton,

Hofteffes du Cocyte & du chaud Phlegeton: Refueillez, tristes foeurs, vos malices damnables, 747 Vous dont les rouges fers, les torches execrables Percent bruflent les coeurs des pauures criminels Adiugez par Minos aux tourmens eternels.

750

C'eft ià trop exercé vos fanglantes coleres [1000

831

TRA

Qui font femés fur fa bouche,
Et par les traits de les yeux,

819 Vn Prince victorieux,

Jusques en l'ame elle touche.

Mais qui nous peut affeurer? [A 974 p. 85] Vn fi beau ferain préfage [A 975 Que le temps veut empirer:

Où nous faut-il retirer, [A 977
825 Pour en éuiter l'orage? [A 978

Le foudre n'eft pas bien loin, LA 979
Lors que les efclairs paroiffent. [A 980
828 Quand nous en auons befoin, [A 981
Les pleurs, les fanglots, le foin, [A 982
Et les mal-heurs ne nous laiffent. [A 983

Acte III.

Fvrie.

Ranfportez vous icy, Miniftres de Pluton, [C 744
Que fais-tu maintenant inhumaine Alecton? [A 995
Crains-tu point d'oublier ta nature mefchante? [A 996

834 Toy dont les rouges fers, toy dont la torche ardante, [A 997
Souloient perçer, brûler les Ames des damnés, [A 998
Du iufte arreft d'Eaque au fuplice donnés [A 999
837 C'eft monftré trop long temps ta fanglante colére, [A 1000
Ausg. u. Abh. (L. Fries.)

7

A.

Sur le dos criminel de quelque ombre ordinaire: [751 1002 Il la faut décocher fur vn nouueau venu,

Qui ne foit point encor' a tes ferpens conu. Acourés Alecton, acourés Tiziphone, [754 1005 Sus que vótre flambeau vótre rage éperonne.

Et toy méchante Erynne, est-ce donc a ce coup, Que tu veux allenter de tes fouéts le coup. p. 34] Non non redouble le, fai branler tes crinieres, Et r'allume le feu de tes torches meurtrieres, Faifons enfemble vn bloc, & demeurons vn peu: 1011 Nous aurons bien fur quoy elancer notre feu. Nos rages, nos fureurs, nos torches enfumées, Nos charbons enfoufres, nos braifes allumées, 1014 Nos tortueux ferpens, nos terribles fureurs,

Nos furieux regars, nos fanglantes horreurs. Nous auons trop puni les forfaits execrables, 1017 Que firent dans leurs corps les ames miferables: Les Enfers font defers, l'Acherontique port

A dueil de ne voir plus de manes a fon bord. 1020 Vous ennuies vous point d'vne méme viande,

Vous qu'vne gloute faim inceffamment commande? Faim de fang, faim de meurtre, & qui iamais afsés 1023 N'aues pour l'affouuir de mortels trepaffes ?

Pour auoir tout comblé la Numidique terre, [758 De carnage, d'horreur, & de meurtre, & de guerre [759 1026 Ce n'est qu'vn auant-ieu: il me faut faire voir, [760 Qu'encores plus auant fetend notre pouuoir. [761 Tu as ioue, Bellone, en cete tragedie [762

1029 Ton rolle, mais ie fuis bien plus que toy hardie. [763 Tu as aufsi, Difcorde, auec ton fouet fanglant Irrite les Romains, l'armée éparpillant

1032 Du mal-heureux Syphax, ainsi que par la plaine, [766 Le bruiant tourbillon épart la gerbe pleine

D'vn froment nourricier: mais c'est mais c'est trop peu

1035 Que d'auoir allumé de la guerre le feu:

C'est peu d'auoir paué de foldats la campagne: C'est peu d'auoir la plaine éleué en montaigne, 1038 Faifant dés corps méles vn entafsé monceau:

C'eft peu d'auoir rougi des prochains fleuves l'eau p. 35] Par le fang épandu. Sus faifons dauantage, 1041 Il nous faut raualer du vainqueur le courage, [771 Par la mort de fa femme, & faire que l'époux [772 Tue fon épouzée, & qu'il plombe de coups

1044 Sa dolente poitrine, & fi ie le puis faire,

Il faut qu'auant l'epouze il veille fe défaire.

B.

Sur le dos criminel de quelque ombre legére; [A 1001 Il la faut exerçer fur vn nouueau venu, [A 1002 840 Qui foit à tes ferpens encores inconnu. [A 1003

Accourés au fecours Megére, Tifiphonne, [A 1004 Vne nouuelle proye à vos foüets i'abandonne; [C 755 843 Raffemblés vos fureurs, Furies de l'Enfer, [C 756

Vous pouués à ce coup de l'Amour trionfer: [C 757

C.

Sur le dos defchiré d'vn tas d'ombres legeres; [1001
Il faut les déployer en ce Theatre ici

753 Aux yeux du clair Soleil fur vn Amant tranfi.
Accourez Alecton accourez Tyfiphonne [1004

p. 158] Vne nouuelle proye à vos foüets s'abandonne; 756 Effroyables horreurs du tenebreux Enfer,

Vous pouuez à ce coup fur l'Amour triompher.

C'eft peu d'auoir couuert les trois parts de la terre [1024 759 De fiers embrafemens, de carnage, & de guerre; [1025 C'eft peu pour vos fureurs, fi vous ne faites voir [1026 Quelque plus grand effet en ayant le pouuoir. [1027 762 La cruelle Bellonne aux batailles hardie [1028 S'eft defia prefentée en cette Tragedie [1029 Veftue horriblement de fon habit fanglant, 765 Elle a ietté l'effroy deffus le camp tremblant,

768

Du malheureux Siphax, qui d'vne plainte vaine [1032
Lamente ores fa perte en fecoüant fa chaine.

Et bien, fon coeur eft faoul, mais le mien ne l'eft pas:
Je veux mouuoir de plus les intestins debats,

Des difcords partiaux aigris de maint outrage;

771 Je veux mefme au vainqueur rabaiffer le courage; [1041 Meurtrir cruellement la femme par l'efpoux, [1012 Et l'efpoux pour la femme enyurer de tels coups 774 Qu'il vienne au defefpoir, que toute fon enuie Soit de perdre auec elle & l'honneur & la vie. Quittez quittez mes foeurs voftre fombre maison;

Embrafés donc le feu de vos torches bruflantes, 846 Secoüés maintenant vos crinieres fiflantes; p. 86] Que vos yeux de couroux & de rage animés, Efclairent tout ainfi que charbons allumés; 849 Pouffés par les nazeaux plus d'efpeffe fumée, Que ne fait la montaigne en Sicile allumée; Et foufflés par la bouche vn vent fi empefté, 852 Que tout le noir Auerne en demeure infecté.

Quoy que i'aye couuert la Numidique terre, [A 1024 D'horreur, d'embrazemens, de carnage & de guerre, [C 759 855 Ce ne m'eft pas affés, ie prétens faire voir, [A 1026 Que ie puis d'auantage eftendre mon pouuoir. [A 1027 La fanglante Bellone aux batailles hardie, [C 762

858 A bien ioué fon role en cefte tragédie: [C 763

Deuançant les Romains auec fon fer fanglant, [C_764
Elle a deffous la nuit chafsé le camp tremblant [C 765

861 Du fuperbe Siphax, ainfi que par la place,

Le venteux tourbilon les iauelles dechaffe: Son cœur en eft content & le mien ne l'eft pas: [C 768 864 Je vois fur ce Theatre efmouuoir des debats, [C 769 Et monftrer à mon tour les effets de ma rage: Du vainqueur glorieux i'abatray le courage; [C 771 867 La femme i'occiray par les mains de l'efpoux, [C 772 Et l'Efpoux meurtrira fa poitrine de coups, [C 773 Si fort defefperé qu'il luy prendra enuie, [C_774 870 De perdre auec fa femme & l'honneur & la vie. IC 775

Sus donc, mes cheres fœurs, quittés voftre maison, [C 776

A.

Vous Dires, vous Fureurs, détrempés du poifon [777 1047 Propre pour c'est effait, fur les bors d'Acheron. Trouues vous en ce lieu, Stimphalides harpies, Vous eftes trop lon-tens fans rien faire accroupies. 1050 Mafsiniffe & fa femme ont trop eu de repos,

Il faut que nos ardeurs fe coulent dans leurs os Au lieu du feu d'amour, & que dans leur poitrine 1053 Tu lançes tes brandons, o miferable Erynne!

Mais tarde-ie point trop? il m'ennuye déia, [780 Que cil qui la prifon en dés nopces changea, [781 1056 N'apperçoit que ie puis rompre fon mariage, Et qu'il ne peut fuir ma furieufe rage. Sus donc, Nuitales foeurs, tuon, empoifonnon. 1059 Apportés vos venins & brafses le boucon.

De moy ie fuis ici trop lon-tens ocieuse.

Je vay faire defcendre en la nuit tenebreufe 1062 L'vn de ces beaux amans. Il faut mener a fin Cela qu'aux epouzés garde encor' le Deftin.

1065

Lelie.

Vi l'eust iamais penfé! Maffiniffe eft donc pris [784

Qur' Hits que nous tend l'enfançon de Cipris?

Son coeur eft donc attaint au trauers de ces armes, [788 Qui couurirēt fon corps en maints & maints alarmes ? 1068 Son bouclair fauue-coup ne la peu guarantir

D'vn tréct, qu'vn archerot fait de fa main partir. p. 36] He! qui l'euft iamais creu le voyant és batailles [790 1071 Combattre main a main, & forcer les murailles [791 D'vne ville rebelle, ou comme vn fecond Mars, [792 La teste & l'eftomac il oppofoit aux dars. 1074 Luy qui fans redouter donnant a toute reste, [794

Renuerfoit les plus preux fous fa lame funefte. [795
Luy qui fans craindre rien fendoit, tailloit, hachoit, [796
1077 Terraçoit les foldats, les cheuaux trebuchoit, [797
Quand trenchant a plufieurs de la vie la trame,
Le hazard gouuernoit le timon de fon ame. [799
1080 Semblable au fort lion qu'vn chaffeur forétier

Pourfuit, accompagné de maint puiffant limier:
Qui contraint a la fin déperonner fon ire,
1083 Coupe taille, déront, abbat, meurtrit déchire
Ce qui foible s'oppofe, il s'elance au milieu
De la meute peureufe, & mal-gré de l'épieu

B.

Et venés fur le Stix braffer vne poifon, [C 777 873 Qui les Efprits fuffoque, & qui glace les veines, [C 778 Bref, qui donne en mourant mille cruelles geines. [C 779 Mafsiniffe & fa femme ont eu trop de repos; [A 1050 876 Il faut que nos ardeurs s'allument en leurs os, [A 1051 Au lieu du feu d'Amour, & que dans leurs entrailles, [A 1052 p.87] De mille defefpoirs ils fentent les tenailles.

879 Je tarde defia trop, il m'ennuye defia, [A 1054

Que luy qui la prifon en des nopces changea, [A 1055

« PrécédentContinuer »