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ÉCONOMIE POLITIQUE.

ARTICLE EXTRAIT DE L'ENCYCLOPÉDIE,
POUR LAQUELLE IL AVOIT ÉTÉ COMPOSÉ,

Le mot d'ÉCONOMIE ou d'OECONOMIE vient de oixos, maison, et de vóμos, loi, et ne signifie originairement que le sage et légitime gouvernement de la maison pour le bien commun de toute la famille. Le sens de ce terme a été dans la suite étendu au gouvernement de la grande famille, qui est l'état. Pour distinguer ces deux acceptions, on l'appelle, dans ce dernier cas, économie générale ou politique; et dans l'autre, économie domestique ou particulière. Ce n'est que de la première qu'il est question dans

cet article.

Quand il y auroit entre l'état et la famille autant de rapport que plusieurs auteurs le prétendent, il ne s'ensuivroit pas pour cela que les règles de conduite propres à l'une de ces deux sociétés fussent convenables à l'autre elles diffèrent trop en grandeur pour pouvoir être administrées de la même manière; et il y aura toujours une extrême différence entre le gouvernement domestique, où

le

père peut tout voir par lui-même, et le gou

vernement civil, où le chef ne voit presque rien que par les yeux d'autrui. Pour que les choses devinssent égales à cet égard, il faudroit que les talents, la force, et toutes les facultés du père, augmentassent en raison de la grandeur de la famille, et que lame d'un puissant monarque fût à celle d'un homme ordinaire comme l'étendue de son empire est à l'héritage d'un particulier.

Mais comment le gouvernement de l'état pourroit-il être semblable à celui de la famille, dont le fondement est si différent? Le père étant physiquement plus fort que ses enfants, aussi long-temps que son secours leur est nécessaire, le pouvoir paternel passe avec raison pour être établi par la nature. Dans la grande famille, dont tous les membres sont naturellement égaux, l'autorité politique, purement arbitraire quant à son institution, ne peut être fondée que sur des conventions, ni le magistrat commander aux autres qu'en vertu des lois. Le pouvoir du père sur les enfants, fondé sur leur avantage particulier, ne peut, par sa nature, s'étendre jusqu'au droit de vie et de mort: mais le pouvoir souverain, qui n'a d'autre objet que le bien commun, n'a d'autres bornes que celles de l'utilité publique bien entendue; distinction que j'expliquerai dans son lieu. Les devoirs du père lui sont dictés par des sentiments naturels, et d'un ton qui lui permet

rarement de désobéir. Les chefs n'ont point de semblable règle, et ne sont réellement tenus envers le peuple qu'à ce qu'ils lui ont promis de faire, et dont il est en droit d'exiger l'exécution. Une autre différence plus importante encore, c'est que, les enfants n'ayant rien que ce qu'ils reçoivent du père, il est évident que tous les droits de propriété lui appartiennent, ou émanent de lui. C'est tout le contraire dans la grande famille, où l'administration générale n'est établie que pour assurer la propriété particulière, qui lui est antérieure. Le principal objet des travaux de toute la maison est de conserver et d'accroître le patrimoine du père, afin qu'il puisse un jour le partager entre ses enfants sans les appauvrir, au lieu que la richesse du fisc n'est qu'un moyen, souvent fort mal entendu, pour maintenir les particuliers dans la paix et dans l'abondance. En un mot, la petite famille est destinée à s'éteindre, et à se résoudre un jour en plusieurs autres familles semblables mais la grande étant faite pour durer toujours dans le même état, il faut que la première s'augmente pour se multiplier; et non seulement il suffit que l'autre se conserve, mais on peut prouver aisément que toute augmentation lui est plus préjudiciable qu'utile.

Par plusieurs raisons tirées de la nature de la chose, le père doit commander dans la famille.

Premièrement, l'autorité ne doit. pas être égale entre le père et la mère; mais il faut que le gouvernement soit un, et que, dans les partages d'avis, il y ait une voix prépondérante qui décide. 2° Quelque légères qu'on veuille supposer les incommodités particulières à la femme, comme elles sont toujours pour elle un intervalle d'inaction, c'est une raison suffisante pour l'exclure de cette primauté: car, quand la balance est parfaitement égale, une paille suffit pour la faire pencher. De plus, le mari doit avoir inspection sur la conduite de sa femme, parcequ'il lui importe de s'assurer que les enfants, qu'il est forcé de reconnoître et de nourrir, n'appartiennent pas à d'autres qu'à lui. La femme, qui n'a rien de semblable à craindre, n'a pas le même droit sur le mari. 3o Les enfants doivent obéir au père, d'abord par nécessité, ensuite par reconnoissance : après avoir reçu de lui leurs besoins durant la moitié de leur vie, ils doivent consacrer l'autre à pourvoir aux siens. 4° A l'égard des domestiques, ils lui doivent aussi leurs services en échange de l'entretien qu'il leur donne, sauf à sauf à rompre marché dès qu'il cesse de leur convenir. Je ne parle point de l'esclavage, parcequ'il est contraire à la nature, et qu'aucun droit ne peut l'autoriser.

le

Il n'y a rien de tout cela dans la société politique. Loin que le chef ait un intérêt naturel au

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