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et par conséquent d'en suggérer la notion. Mais ce qu'aucure paralysie ne peut empêcher, c'est l'action de la volonté sur ellemême, la production d'une résolution, c'est-à-dire une causativ toute spirituelle, type primitif de la causalité.

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Introduction aux OEuvres de Biran.

Qu'est-ce que le beau ? Réduction de toute beauté à la beauté spirituelle.

Plotin, dans son traité sur le Beau, s'était déjà proposé cett question; il se demande : Qu'est-ce que le beau en soi ? Je vo bien que telle ou telle forme est belle, que telle ou telle actio l'est aussi mais pourquoi et comment ces deux objets si dis semblables sont-ils beaux ? Quelle est la qualité commune qu se rencontrant dans ces deux objets, les range sous l'idée gén rale du beau ?

Nous avons distingué la beauté en trois grandes classes la beauté physique, la beauté intellectuelle et la beauté moral Il s'agit maintenant de rechercher l'unité de ces trois sortes beauté. Or, nous pensons qu'elles se résolvent dans une seule · même beauté, la beauté morale, entendant par là, avec la beau morale proprement dite, toute beauté spirituelle.

Mettons cette opinion à l'épreuve des faits.

Placez-vous devant cette statue d'Apollon qu'on appe l'Apollon du Belvédère, et observez attentivement ce qui võ... frappe dans ce chef-d'œuvre. Winckelmann, qui n'était pas métaphysicien, mais un savant antiquaire et un homme de g sans système, Winckelmann a fait une analyse célèbre de l'As lon (1). Il est curieux de l'étudier. Ce que Winckelmann rel

"

1. Winckelmann a décrit deux fois l'Apollon, Histoire de l'art chez anciens, Paris, 1802, 3 vol. in-4°. T. I, livre IV, chap. III. De l'art chez Grecs: L'Apollon du Vatican nous offre ce dieu dans un mouver d'indignation contre le serpent Python, qu'il vient de tuer à coups flèches, et dans un sentiment de mépris sur une victoire si peu d d'une divinité. Le savant artiste, qui se proposait de représenter plus beau des dieux, a placé la colère dans le nez, qui en est le s selon les anciens, et le dédain sur les lèvres. Il a exprimé la colère pa gonflement des narines, et le dédain par l'élévation de la lèvre inférie ce qui cause le même mouvement dans le menton. » Ibid., t.. livre IV, chap. VI. De l'art sous les empereurs : « De toutes les statues tiques qui ont échappé à la fureur des barbares et à la main destru du temps, la statue d'Apollon est sans contredit la plus sublime. On que l'artiste a composé une figure purement idéale, et qu'il n'a emp de matière que ce qu'il lui en fallait pour exécuter et représenter son Autant la description qu'Homère a faite d'Apollon surpasse les des“;

vant tout, c'est le caractère de divinité empreint dans la jeulesse immortelle répandue sur ce beau corps, dans la taille un eu au-dessus de la taille humaine, dans l'attitude majestueuse, lans le mouvement impérieux, dans l'ensemble et dans tous les étails de la personne. Ce front est bien celui d'un dieu : une aix inaltérable y habite. Plus bas l'humanité reparaît et il le faut ien, pour intéresser l'humanité aux œuvres de l'art. Dans ce egard satisfait, dans le gonflement des narines, dans l'élévaon de la lèvre inférieure on sent à la fois une colère mêlée de édain, l'orgueil de la victoire et le peu de fatigue qu'elle a coûté. esez bien chaque mot de Winckelmann: vous y trouverez une npression morale. Le ton du savant antiquaire s'élève peu à peu isqu'à l'enthousiasme, et son analyse devient une hymne à la eauté spirituelle.

Au lieu d'une statue, observez l'homme réel et vivant. Regardez et homme qui, sollicité par les motifs les plus puissants de crifier son devoir à sa fortune, triomphe de l'intérêt, après une itte héroïque, et sacrifie la fortune à la vertu. Regardez-le au oment où il vient de prendre cette résolution magnanime; sa zure vous paraîtra belle. C'est qu'elle exprime la beauté de son ne. Peut-être en toute autre circonstance la figure de cet homme t-elle commune, triviale même; ici, illuminée par l'âme l'elle manifeste, elle s'est ennoblie, elle a pris un caractère posant de beauté. Ainsi, la figure naturelle de Socrate con

ns qu'ont essayées après lui les autres poëtes, autant cette statue l'emrte sur toutes les figures de ce même dieu. Sa taille est au-dessus de le de l'homme, et son attitude annonce la grandeur divine qui le remt. Un éternel printemps, tel que celui qui règne dans les champs forés de l'Elysée, revêt d'nne aimable jeunesse son beau corps et brille ec douceur sur la ¡fière structure de ses membres. Pour sentir tout le rite de ce chef-d'œuvre de l'art, il faut se pénétrer des beautés inteltuelles et devenir, s'il se peut, créateur d'une nature céleste; car il 'a rien qui soit mortel, rien qui soit sujet aux besoins de l'humanité. corps, dont ancune veine n'interrompt les formes, et qui n'est agité r aucun nerf, semble animé d'un esprit céleste, qui circule comme une uce vapeur dans tous les contours de cette admirable figure. Ce dieu nt de poursuivre Python, contre lequel il a tendu, pour la première s, son arc redoutable; dans sa course rapide, il l'a atteint et vient de porter le coup mortel. Pénétré de la conviction de sa puissance, et nme abîmé dans une joie concentrée, son auguste regard pénètre au n dans l'infini et s'étend bien au delà de sa victoire. Le dédain siége ses lèvres ; l'indignation qu'il respire gonfle ses narines et monte jus'à ses sourcils; mais une paix inaltérable est peinte sur son front, et 1 œil est plein de douceur, tel qu'il est quand les Muses le caressent. rmi toutes les figures qui nous restent de Jupiter, il n'y en a aucune as laquelle le père des déesses approche de la grandeur avec laquelle

traste étrangement avec le type de la beauté grecque ; mais voye: Socrate à son lit de mort, au moment de boire la ciguê, s'entretenant avec ses disciples de l'immortalité de l'âme, et sa figure vous paraîtra sublime.

Au plus haut point de grandeur morale, Socrate expire: vous n'avez plus sous les yeux que son cadavre; la figure morte conserve sa beauté, tant qu'elle garde les traces de l'esprit qui l'animait; mais peu à peu l'expression s'éteint et disparaît; a figure alors redevient vulgaire et laide. L'expression de la mos est hideuse ou sublime: hideuse à l'aspect de la décomposition de la matière que l'esprit ne retient plus, sublime quand el éveille en nous l'idée de l'éternité.

Considérez la figure de l'homme en repos : elle est plus bel que celle de l'animal, et la figure de l'animal est plus belle que la forme de tout objet, inanimé. C'est que la figure humain. même en l'absence de la vertu et du génie,' réfléchit toujour une nature intelligente et morale; c'est que la figure de l'anim réfléchit au moins le sentiment, et déjà quelque chose de l'â sinon l'âme tout entière. Si de l'homme et de l'animal on desce. à la nature purement physique, on y trouvera encore de la beaule tant qu'on y trouvera quelque ombre d'intelligence, je ne sa quoi qui du moins éveille en nous quelque pensée, quelq sentiment. Arrive-t-on à quelque morceau de matière qui n'erprime rien, qui ne signifie rien, l'idée du beau ne s'y appliq

il se manifesta jadis à l'intelligence d'Homère; mais, dans les traits l'Apollon du Belvédère, on trouve les beautés individuelles de toutes autres divinités réunies, comme dans celle de Pandore. Ce front est front de Jupiter renfermant la déesse de la Sagesse; ces sourcils, par mouvement, annoncent sa volonté suprême ; ce sont les grands yeur la reine des déesses, arqués avec dignité, et sa bouche est une image celle de Bacchus où respirait la volupté. Semblable aux tendres sarmon de la vigne, sa belle chevelure flotte autour de sa tête, comme si elle légèrement agitée par l'haleine du zéphyr. Elle semble parfumée de fe sence des dieux, et se trouve attachée avec une pompe charmante 1 haut de sa tête par la main des Grâces. A l'aspect de cette merveille l'art, j'oublie tout l'univers, et mon esprit prend une disposition surmal relle propre à en juger avec divination. De l'admiration je passe à l'exts je sens ma poitrine qui se dilate et s'élève, comme l'éprouvent ceux sont remplis de l'esprit des prophéties; je suis transporté à Délos et les bois sacrés de la Lycie, lieux qu'Apollon honorait de sa pres cette statue semble s'animer comme le fit jadis la beauté sortie des de Pygmalion. Mais comment pouvoir te décrire, ô inimitable chef-d'aIl faudrait pour cela que l'Art même daignât m'inspirer et conduir plume. Les traits que je viens de crayonner, je les dépose devant comme ceux qui, venant pour couronner les dieux, mettaient leurs ronnes à leurs pieds, ne pouvant atteindre à leurs têtes. »

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plus. Mais tout ce qui existe est animé. La matière est mue et pénétrée par des forces qui ne sont pas matérielles, et elle suit des lois qui attestent une intelligence partout présente. L'analyse chimique la plus subtile ne parvient point à une nature morte et inerte, mais à une nature organisée à sa manière, et qui n'est dépourvue ni de forces ni de lois. Dans les profondeurs de l'abîme comme dans les hauteurs des cieux, dans un grain de sable comme dans une montagne gigantesque, un esprit immortel rayonne à travers les enveloppes les plus grossières. Contemplons la nature avec les yeux de l'âme aussi bien qu'avec les yeux du corps partout une expression morale nous frappera, et la forme nous saisira comme un symbole de pensée. Nous avons dit que chez l'homme et chez l'animal même la figure est belle par l'expression. Mais, quand vous êtes sur les hauteurs des Alpes. ou en face de l'immense Océan, quand vous assistez au lever ou au coucher du soleil, à la naissance de la lumière ou à celle de la nuit, ces imposants tableaux ne produisent-ils pas sur vous un effet moral? Tous ces grands spectacles apparaissent-ils seule ment pour apparaître; ne les regardons-nous pas comme des manifestations d'une puissance, d'une intelligence et d'une sagesse admirables; et, pour ainsi parler, la face de la nature n'est-elle pas expressive comme celle de l'homme?

Du vrai, du beau et du bien. IIIe partie, chap. iv.

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La forme n'est jamais une forme toute seule, elle est la manifestation de quelque chose. La beauté physique est donc le symbole d'une beauté intérieure qui est la beauté spirituelle et morale, et c'est là qu'est le fond, le principe, l'unité du beau (1).

Toutes les beautés que nous venons d'énumérer et de réduire composent ce qu'on appelle le beau réel. Mais nous avons vu qu'au-dessus de la beauté réelle, l'esprit conçoit une beauté d'un autre ordre qu'il appelle la beauté idéale. L'idéal ne réside ni dans un individu, ni dans une collection d'individus. La nature

1. Cf. Reid, 1re série, t. IV, Essai sur le goût. « Soit que les raisons que j'ai alléguées pour démontrer que la beauté sensible n'est que l'image de la beauté morale paraissent ou ne paraissent pas suffisantes, j'espère que ma doctrine, en essayant d'unir plus étroitement la Vénus terrestre à la Vénus céleste, ne semblera point avoir pour objet d'abaisser la première, et de la rendre moins digne des hommages que l'humanité lui à toujours rendus. >>

ou l'expérience nous fournit l'occasion de le concevoir, mais! en est essentiellement distinct. Pour qui l'a conçu une fois, toutes les figures naturelles, si belles qu'elles puissent être, ne sont que comme des simulacres d'une beauté supérieure qu'elles ne réalisent point. Donnez-moi une belle action, j'en imaginerai use encore plus belle. L'Apollon lui-même admet plus d'une critique. L'idéal recule sans cesse à mesure qu'on en approche davantage. Son dernier terme est dans l'infini, c'est-à-dire en Dieu; ou pour mieux parler, le vrai et absolu idéal n'est autre chose que Dieu même.

Cours de l'Histoire de la philosophie moderne, t. II, p. 265.

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L'homme n'est pas fait seulement pour connaître et aimer le beau dans les œuvres de la nature, il est doué du pouvoir de le reproduire. A la vue d'une beauté naturelle, quelle qu'elle soit, physique ou morale, son premier besoin est de sentir et d'admirer. Il est pénétré, ravi, et quelquefois aussi accablé du sentiment de la beauté. Mais quand le sentiment est énergique, il n'est pas longtemps stérile. Nous voulons revoir, nous voulons sentir encore ce qui nous a causé un plaisir vif, et pour cela nous tentons de faire revivre la beauté qui nous a charmés, non pas telle qu'elle était, mais telle que notre imagination nous la représente. De là une œuvre originale et propre à l'homme, une œuvre d'art. L'art est la reproduction libre de la beauté, et le pouvoir en nous capable de la reproduire s'appelle le génie.

Quelles sont les facultés qui servent à cette libre reproduction du beau ? Les mêmes qui servent à le reconnaître et à le sentir. Le goût porté au degré suprême, c'est le génie, si vous y joignez un élément de plus. Quel est cet élément ?

Trois facultés entrent dans cette faculté complexe qui se nomme le goût : l'imagination, le sentiment, la raison.

Ces trois facultés sont assurément nécessaires au génie, mais elles ne lui suffisent pas. Ce qui distingue essentiellement le génie du goût, c'est l'attribut de puissance créatrice. Le goût sent, il juge, il discute, il analyse, mais il n'invente pas. Le génie est avant tout inventeur et créateur. L'homme de génie n'est pas le maître de la force qui est en lui; c'est par le besoin ardent, irrésistible, d'exprimer ce qu'il éprouve, qu'il est homme de génie. Il souffre de contenir les sentiments ou les images ou les

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