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que ce qui n'était dans le premier plan qu'un accessoire, devint dans l'exécution l'objet principal et important. La partie historique n'en est plus que l'introduction.

» Ce sont, en effet, ces réflexions qui ont donné un si grand caractère au Discours sur l'histoire universelle. Cent quarante ans se sont écoulés depuis qu'il a paru, et l'admiration, loin de s'être épuisée, s'accroît chaque jour, encore à la lecture de ce magnifique chefd'œuvre.

› Dans cet ouvrage on voit paraître la religion toujours ferme et inébranlable depuis le commencement du monde ; le rapport des deux Testaments lui donne cette force, et l'Évangile, qu'on voit s'élever sur les fondements de la loi, montre une solidité qu'on reconnaît aisément être à toute épreuve. On voit la vérité toujours victorieuse, les hérésies renversées, l'Église fondée sur la pierre les abattre par le seul poids d'une autorité si bien établie, et s'affermir avec le temps, pendant qu'on voit au contraire les empires les plus florissants, non-seulement s'affaiblir par la suite des années, mais encore se défaire mutuellement, et tomber les uns sur les autres.

>> Nous montrons d'où vient d'un côté une si

ferme consistance, et de l'autre un état toujours changeant et des ruines inévitables.

» Cette dernière recherche nous engage à expliquer en peu de mots les lois et les coutumes des Égyptiens, des Assyriens et des Perses; celles des Grecs, celles des Romains et celles des temps suivants; ce que chaque nation a eu dans les siennes qui ait été fatal aux autres et à elle-même, et les exemples que leurs progrès ou leur décadence ont donnés aux siècles futurs. »

SUR

L'HISTOIRE UNIVERSELLE,

A MONSEIGNEUR LE DAUPHIN.

AVANT-PROPOS.

Dessein général de cet ouvrage : sa division en trois parties.

QUAND l'histoire serait inutile aux autres hommes, il faudrait la faire lire aux princes. Il n'y a pas de meilleur moyen de leur découvrir ce que peuvent les passions et les intérêts, les temps et les conjonctures, les bons et les mauvais conseils. Les histoires ne sont composées que des actions qui les occupent, et tout semble y être fait pour leur usage. Si l'expérience leur est nécessaire pour acquérir cette prudence qui fait bien régner, il n'est rien de plus utile à leur instruction que de joindre aux exemples des siècles passés, les expériences qu'ils font tous les jours. Au lieu qu'ordinairement ils n'apprennent qu'aux dépens de leurs sujets et de leur propre gloire, à juger des affaires dangereuses qui leur arrivent, par le secours de l'histoire, ils forment leur jugement, sans rien hasarder, sur les événe< ments passés. Lorsqu'ils voient jusqu'aux vices les plus cachés des princes, malgré les fausses louanges qu'on leur donne pendant leur vie, exposés aux yeux de tous les hommes, ils ont honte de la vaine joie que leur cause la flatterie, et ils connaissent que la vraie gloire ne peut s'accorder qu'avec le mérite.

D'ailleurs, il serait honteux, je ne dis pas à un prince, mais en général à tout honnête homme, d'ignorer le genre humain, et les changements mémorables que la suite des temps a faits dans le monde. Si l'on n'apprend de l'histoire

à distinguer les temps, on représentera les hommes sous la loi de nature, ou sous la loi écrite, tels qu'ils sont sous la loi évangélique; on parlera des Perses vaincus sous Alexandre, comme on parle des Perses victorieux sous Cyrus; on fera la Grèce aussi libre du temps de Philippe, que du temps de Thémistocle ou de Miltiade: le peuple romain aussi fier sous les empereurs que sous les consuls; l'Église aussi tranquille sous Dioclétien que sous Constantin ; et la France, agitée de guerres civiles du temps de Charles IX et de Henri III, aussi puissante que du temps de Louis XIV, où, réunie sous un si grand roi, seule elle triomphe de toute l'Europe.

C'est, Monseigneur, pour éviter ces inconvénients, que vous avez lu tant d'histoires anciennes et modernes. Il a fallu, avant toutes choses, vous faire lire dans l'Écriture l'histoire du peuple de Dieu, qui fait le fondement de la religion. On ne vous a pas laissé ignorer l'histoire grecque ni lą romaine; et, ce qui vous était plus important, on vous a montré avec soin l'histoire de ce grand royaume que vous êtes obligé de rendre heureux. Mais de peur que ces histoires et celles que vous avez encore à apprendre, ne se confondent dans votre esprit, il n'y a rien de plus nécessaire que de vous représenter distinctement, mais en raccourci, toute la suite des siècles.

Cette manière d'Histoire universelle est, à l'égard des histoires de chaque pays et de chaque peuple, ce qu'est une carte générale à l'égard des cartes particulières. Dans les cartes particulières, vous voyez tout le détail d'un royaume ou d'une province en elle-même dans les cartes universelles, vous apprenez à situer ces parties du monde dans leur tout; vous voyez ce que Paris ou l'Ile-de-France est dans le royaume, ce que le royaume est dans l'Europe, et ce que l'Europe est dans l'univers.

Ainsi les histoires particulières représentent la suite des choses qui sont arrivées à un peuple dans tout leur détail; mais afin de tout entendre, il faut savoir le rapport que chaque histoire peut avoir avec les autres; ce qui se fait par un abrégé où l'on voit, comme d'un coup-d'œil, tout l'ordre des temps.

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