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encore plus ancien qu'il ne faut, et on ne pourrait assez révérer l'antiquité d'un livre dont les notes mêmes auraient un si grand âge. Esdras aura donc tout fait; Esdras aura oublié qu'il voulait faire parler Moïse, et lui aura fait écrire si grossièrement comme déjà arrivé ce qui s'est passé après lui. Tout un ouvrage sera convaincu de supposition par ce seul endroit; l'autorité de tant de siècles et la foi publique ne lui servira plus de rien : comme si, au contraire, on ne voyait pas que ces remarques dont on se prévaut sont une nouvelle preuve de sincérité et de bonne foi, non-seulement dans ceux qui les ont faites, mais encore dans ceux qui les ont transcrites. A-t-on jamais jugé de l'autorité, je ne dis pas d'un livre divin, mais de quelque livre que ce soit, par des raisons si légères? Mais c'est que l'Ecriture est un livre ennemi du genre humain; il veut obliger les hommes à soumettre leur esprit à Dieu, et à réprimer leurs passions déréglées : il faut qu'il périsse, et à quelque prix que ce soit, il doit être sacrifié au libertinage.

Au reste, ne croyez pas que l'impiété s'engage sans nécessité dans toutes les absurdités que vous avez vues. Si, contre le témoignage du genre humain, et contre toutes les règles du bon sens, elle s'attache à ôter au Pentateuque et aux prophéties leurs auteurs toujours reconnus, et à leur contester leurs dates, c'est que les dates font tout en cette matière, pour deux raisons: premièrement, parce que des livres pleins de tant de faits miraculeux, qu'on y voit revêtus de leurs circonstances les plus particulières, et avancés non-seulement comme publics, mais encore comme présents, s'ils eusent pu être démentis, auraient porté avec eux leur condamnation; et au lieu qu'ils se soutiennent de leur propre poids, ils seraient tombés par eux-mêmes il y a long-temps; secondement, parce que leurs dates étant une fois fixées, on ne peut plus effacer la marque infaillible d'inspiration divine qu'ils portent empreinte dans le grand nombre et la longue suite des prédictions mémorables dont on les trouve remplis.

C'est pour éviter ces miracles et ces prédictions, que les impies sont tombés dans toutes les absurdités qui vous ont surpris. Mais qu'ils ne pensent pas échapper à Dieu : il a réservé à son Ecriture une marque de divinité qui ne souffre aucune atteinte. C'est le rapport des deux Testaments. On ne dispute pas du moins que tout l'AncienTestament ne soit écrit devant le Nouveau. Il n'y a point ici de nouvel Esdras qui ait pu persuader aux Juifs d'inventer ou de falsifier leur Ecriture en faveur des chrétiens qu'ils persécutaient. Il n'en faut pas davantage. Par le rapport des deux Testaments, on prouve que l'un et l'autre est divin. Ils ont tous deux le même dessein et la même suite l'un prépare la voie à la perfection que l'autre montre à découvert; l'un pose le fondement, et l'autre achève l'édifice; en un mot, l'un prédit ce que l'autre fait voir accompli.

Ainsi tous les temps sont unis ensemble, et un dessein éternel de la divine Providence nous est révélé. La tradition du peuple juif et celle du peuple chrétien ne font ensemble qu'une même suite de religion, et les Ecritures des deux Testaments ne font aussi qu'un même corps et un même livre.

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CHAPITRE XXIX.

Moyen facile de remonter à la source de la religion, et d'en trouver la vérité dans son principe.

Ces choses seront évidentes à qui voudra les considérer avec attention. Mais comme tous les esprits ne sont pas également capables d'un raisonnement suivi, prenons par la main les plus infirmes, et menons-les doucement jusqu'à l'origine.

Qu'ils considèrent d'un côté les institutions chrétiennes, et de l'autre celles des Juifs; qu'ils en recherchent la source en commençant par les nôtres, qui leur sont plus familières, et qu'ils regardent attentivement les lois qui

règlent nos mœurs; qu'ils regardent nos Ecritures, c'està-dire les quatre Evangiles, les Actes des apôtres, les Epitres apostoliques et l'Apocalypse; nos sacrements, notre sacrifice, notre culte; et parmi les sacrements, le baptême, où ils voient la consécration du chrétien sous l'invocatiou expresse de la Trinité; l'eucharistie, c'est-àdire un sacrement établi pour conserver la mémoire de la mort de Josus-Christ et de la rémission des péchés qui y est attachée : qu'ils joignent à toutes ces choses le gouvernement ecclésiastique, la société de l'Eglise chrétienne en général, les églises particulières, les évêques, les prêtres, les diacres préposés pour les gouverner. Des choses si nouvelles, si singulières, si universelles, ont sans doute une origine. Mais quelle origine peut-on leur donner, sinon Jésus-Christ et ses disciples, puisqu'en remontant par degrés et de siècle en siècle, ou, pour mieux dire, d'année en année, on les trouve ici et non pas plus haut, et que c'est là que commencent, non-seulement ces institutions, mais encore le nom même de chrétien? Si nous avons un baptême, une eucharistie, avec les circonstances que nous avons vues, c'est Jésus-Christ qui en est l'auteur. C'est lui qui a laissé à ses disciples ces caractères de leur profession, ces mémoriaux de ses œuvres, ces instruments de sa grâce. Nos saints Livres se trouvent tous publiés dès le temps des apôtres, ni plus tôt, ni plus tard; c'est en leur personne que nous trouvons la source de l'épiscopat. Que si, parmi nos évêques, il y en a un premier, on voit aussi une primauté parmi les apôtres ; et celui qui est le premier parmi nous est reconnu dès l'origine du christianisme pour le successeur de celui qui était déjà le premier sous Jésus-Christ même, c'est-à-dire de Pierre. J'avance hardiment ces faits, et même le dernier comme constant, parce qu'il ne peut jamais être contesté de bonne foi, non plus que les autres, comme il serait aisé de le faire voir par ceux mêmes qui, par ignorance ou par esprit de contradiction, ont le plus chicané làdessus.

Nous voilà donc à l'origine des institutions chrétiennes.

Avec la même méthode remontons à l'origine de celles des Juifs. Comme là nous avons trouvé Jésus-Christ, sans qu'on puisse seulement songer à remonter plus haut, ici, par les mêmes voies et par les mêmes raisons, nous serons obligés de nous arrêter à Moïse, ou de remonter aux origines que Moïse nous a marquées.

Les Juifs avaient comme nous, et ont encore en partie, leurs lois, leurs observances, leurs sacrements, leurs Ecritures, leur gouvernement, leurs pontifes, leur sacerdoce, le service de leur temple. Le sacerdoce était établi dans la famille d'Aaron, frère de Moïse. D'Aaron et de ses enfants venait la distinction des familles sacerdotales; chacun reconnaissait sa tige, et tout venait de la source d'Aaron, sans qu'on pût remonter plus haut. La Pâque ni les autres fêtes ne pouvaient venir de moins loin. Dans la Pâque, tout rappelait la nuit où le peuple avait été affranchi de la servitude d'Egypte, et où tout se préparait à sa sortie. La Pentecôte ramenait aussi jour pour jour le temps où la loi avait été donnée, c'est-à-dire, la cinquantième journée après la sortie d'Egypte. Un même nombre de jours séparait encore ces deux solennités. Les tabernacles, ou les tentes de feuillages verts, où de temps immémorial le peuple demeurait tous les ans sept jours et sept nuits entières, étaient l'image du long campement dans le désert durant quarante ans ; et il n'y avait, parmi les Juifs, ni fête, ni sacrement, ni cérémonie qui n'eût été instituée ou confirmée par Moïse, et qui ne portât encore, pour ainsi dire, le nom et le caractère de ce grand législateur.

Ces religieuses observances n'étaient pas toutes de même antiquité. La circoncision, la défense de manger du sang, le sabbat même était plus ancien que Moïse et que la loi, comme il paraît par l'Exode (1); mais le peuple savait toutes ces dates, et Moïse les avait marquées. La circoncision menait à Abraham, à l'origine de la nation, à la promesse de l'alliance (2). La défense de manger du sang

(1) Exod. XVI, 23. — (2) Gen. XVII, 11.

menait à Noé et au déluge (1); et les révolutions du sabbat, à la création de l'univers, et au septième jour béni de Dieu, où il acheva ce grand ouvrage (2). Ainsi tous les grands événements, qui pouvaient servir à l'instruction des fidèles, avaient leur mémorial parmi les Juifs; et ces anciennes observances, mêlées avec celles que Moïse avaient établies, réunissaient dans le peuple de Dieu toute la religion des siècles passés.

Une partie de ces observances ne paraissent plus à présent dans le peuple juif. Le temple n'est plus, et avec lui devaient cesser les sacrifices et même le sacerdoce de la loi. On ne connaît plus parmi les Juifs d'enfants d'Aaron, et toutes les familles sont confondues. Mais puisque tout cela était encore en son entier lorsque Jésus-Christ est venu, et que constamment il rapportait tout à Moïse, il n'en faudrait pas davantage pour demeurer convaincu qu'une chose si établie venait de bien loin, et de l'origine même de la nation.

Qu'ainsi ne soit; remontons plus haut, et parcourons toutes les dates où l'on nous pourrait arrêter. D'abord on ne peut aller moins loin qu'Esdras. Jésus-Christ a paru dans le second temple, et c'est constamment du temps d'Esdras qu'il a été rebâti. Jésus-Christ n'a cité de livres que ceux que les Juifs avaient mis dans leur canon; mais suivant la tradition constante de la nation, ce canon a été clos et comme scellé du temps d'Esdras, sans jamais que les Juifs aient rien ajouté depuis ; et c'est ce que personne ne révoque en doute. C'est donc ici une double date, une époque, si vous voulez l'appeler ainsi, bien considérable pour leur histoire et en particulier pour celle de leur Ecriture. Mais il nous a paru plus clair que le jour qu'il n'était pas possible de s'arrêter là, puisque là même tout est rapporté à une autre source. Moïse est nommé partout comme celui dont les livres, révérés par tout le peuple, par tous les prophètes, par ceux qui vivaient alors, par ceux qui les avaient précédés, faisaient l'unique fonde

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