Images de page
PDF
ePub
[ocr errors][merged small][merged small][merged small]

60. La domination d'Odovacar en Italie fut si courte qu'elle ne put avoir aucune influence sur le droit civil. La domination des Ostrogoths, au contraire, a laissé des traces profondes : plusieurs documents et un recueil de lois en font foi. Comme je ne puis traiter des documents que dans un autre chapitre, je parlerai seulement ici du code composé pour ce royaume, l'Edictum Theoderici (a).

lors

L'édit de Théodoric, promulgué l'an 500 de notre ère, d'un voyage que ce roi fit à Rome (b), est le plus ancien code composé depuis la chute de l'empire d'Occident. Quoique fondé exclusivement sur le droit romain, il régissait les Goths comme les Romains, et, en cela, le royaume des Ostrogoths se distingue des autres États germaniques, où chaque peuple conserva son droit particulier. Mais cette exception rentrait dans le plan général de Théodoric, qui voulait former une seule nation des deux peuples : s'il réserva aux Goths le droit exclusif de porter les armes, sous tous les autres rapports il les assimila aux Romains.

(a) L'édit de Théodoric a été imprimé pour la première fois comme appendice de Cassiodore dans l'édition de Pithou (Paris, 1579. f.), puis dans les diverses éditions de Cassiodore, enfin dans les recueils de Lindenbrog, Georgisch et Canciani ( vol. I). — Une nouvelle édition de l'édit avec indication des sources est intitulée : G. F. Rhon commentatio ad edictum Theodorici regis Ostrogothorum. Halæ, 1816, 4.

(6) Ritter, T. 2, C. Theod., pages 4 et 5 de sa préface, a recueilli toutes les preuves qui établissent la date de l'édit.

[ocr errors]

Que cet édit ait été fait pour les Goths et les Romains, c'est ce que prouvent le texte même de l'édit (c), plusieurs passages de Cassiodore qui assignent le même droit aux deux peuples (d), et d'autres passages du même auteur, où l'on voit que les Goths suivaient le droit Romain (e). On pourrait croire que l'édit réglait les différends des Goths et des Romains, non ceux des Goths entre eux, ou des Romains entre eux; mais la généralité des passages cités repousse une pareille opinion; d'ailleurs Cassiodore dit formellement que les procès qui s'élèvent entre les Goths se jugent d'après l'édit (f).

61. Il paraîtrait que l'édit de Théodoric dut bouleverser toute la législation des Goths; mais on va voir que ce changement fut singulièrement adouci. Souvent le législateur, pour ajouter à l'autorité de ses décrets, abolit tout le droit antérieur; c'est ainsi que le Breviarium visigoth traita les anciennes sources du droit romain (§ 14). L'édit de Théodoric, au contraire, donna bien force obligatoire à toutes ses dispositions, mais maintint le droit en vigueur (a), de sorte que les Goths

(c) Edictum Theoderici prolog. «< ut salva juris publici reverentia et legibus omnibus cunctorum devotione servandis, quæ Barbari Romanique sequi debeant super expressis articulis, edictis præsentibus evidenter cognoscant.» epilog. « quæ omnium Barbarorum sive Romanorum debet servare devotio. >>

(d) Cassiodor. Var III, 13. « nec permittimus indiscreto [legę in discreto] jure vivere, quos uno voto volumus vindicare. » Var. VIII, 3. « Gothis Romanisque apud nos jus esse commune.».

(e) Cassiodor. Var. I, 27. « Si exterarum gentium mores sub lege moderamur, si juri Romano servit quicquid sociatur Italiæ, etc. » — Var. III, 43. « Delectamur jure Romano [ lege Romanorum ] vivere, quos armis cupimus vindicare. >>

(f) Cassiodor. Var. VII, 3. « necessarium duximus..... ad vos Comitem destinare, qui secundum edicta nostra inter duos Gothos litem debeat amputare, etc.....>>

(a) Voyez le passage du prologue, cité note c. — - Plus tard, Athalaric a également confirmé l'ancien droit; Cassiodor. IX, 18. « Sed ne pauca tangentes reliqua credamur noluisse servari, omnia edicta tam nostra quam domini avi nostri..... et usualia jura publ ca, sub omni censemus distric

continuèrent à être régis par le droit goth, les Romains par la loi romaine, dans tous les cas que le nouveau code n'avait pas prévus.

La conservation du droit existant était ici indispensable, car l'édit de Théodoric était beaucoup moins complet que les autres codes du même genre. La plus grande partie traite du droit criminel quant au droit civil, les matières principales y sont complètement omises ou touchées si sommairement que la pratique n'eût pu s'en contenter. Voici, par exemple, la seule disposition de ce code sur l'hérédité ab intestat: la succession de celui qui meurt sans faire son testament appartient à ses fils et petits-fils ou aux agnats et cognats les plus proches (b). Une pareille loi serait inapplicable, si elle ne se référait à une autre loi déjà connue ; et il paraît que les Goths eux-mêmes purent continuer à suivre leur droit national, relatif aux successions. Mais on trouve dans l'édit des dispositions beaucoup plus explicites sur le droit qu'avait le fisc de succéder à défaut d'héritier du sang (c). On voit donc que le législateur a voulu principalement régler tout ce qui intéresse directement l'État, et qu'il s'est contenté de maintenir le droit privé des deux peuples. Le gouvernement de Théodoric était trop bien ordonné pour qu'on puisse l'accuser ici d'impéritie ou de négligence; il semble plutôt s'être proposé d'habituer par degrés les Goths à des mœurs et à des lois étrangères.

62. D'après le plan de mon ouvrage, il importe de déterminer les sources qui ont été mises en œuvre dans l'édit des Ostrogoths. Tout y dérive du droit romain, rien du droit germanique; et si les auteurs modernes ont souvent élevé des doutes

tionis robore custodiri. » Lei le mot edicta désigne non-seulement l'édit de Théodoric, mais encore toutes les lois des rois Ostrogoths par opposition au droit Romain.

(b) Ed. Theod. art. 23. « Si quis intestatus mortuus fuerit, is ad ejus successionem veniat, qui inter agnatos atque cognatos gradu vel titulo proximus invenitur, salvo jure filiorum ac nepotum.»

(c) Ed. Theod. art. 24.

à cet égard, c'est que la plupart des sources du droit romain n'existent plus, et que d'ailleurs l'édit ostrogoth les a singulièrement défigurées, comme je le montrerai bientôt. Ici, de même que dans le Breviarium visigoth, on retrouve les deux classes de sources alors connues, les constitutions (Leges) et les écrits des grands jurisconsultes (Jus) (a). J'ajouterai maintenant quelques observations sur les différentes sources (b).

Les rédacteurs de l'édit ont d'abord suivi le code Théodosien et surtout les Novelles. Cette préférence, dont on aperçoit le motif, n'a pas besoin d'être justifiée par des exemples (c). Nous voyons en outre une suite de rescrits que nous ne connaissons que par le code Justinien (d), mais qui sans doute existaient dans les codes de Grégoire ou d'Hermogène, dont nous ne possédons plus qu'un petit nombre de fragments. Enfin, à l'égard des anciens jurisconsultes, beaucoup de passages des

(a) Ed. Theod. epil. « quæ ex novellis legibus, ac veteris juris sanctimonia pro aliqua parte collegimus.» Cf. vol. I. § 3. — Les Novella leges ne sont pas seulement les Novelles, mais encore les constitutions du code Théodosien, appelées ici Novelle par opposition au vetus jus, c'est-à-dire aux écrits des jurisconsultes classiques qui sont d'une époque bien plus reculée.

(b) Il n'est pas dans le plan de mon ouvrage d'indiquer la source de chaque article de l'édit de Théodoric, comme je l'ai fait pour les codes des Bourguignons et des Visigoths; j'indiquerai seulement les passages reproduits littéralement, et où l'imitation se reconnaît sans examen approfondi et au premier coup d'œil. Je me servirai ici du travail que Rhon a fait sur l'édit de Théodoric, et il serait à souhaiter de voir approfondir ce sujet jusqu'alors entièrement négligé.

(c) L'article 84 renferme un édit de Constantin que l'on ne trouve d'ailleurs que dans le code Justinien (L. 4, C. De servis fugit. VI, 1). Ce texte se trouvait probablement au titre du code Théodosien de fugitivis colonis (V, 9.) et n'a pas été inséré au Breviarium; il faisait donc partie des livres du code Théodosien qui sont aujourd'hui perdus.

(d) Un rescrit de Gordien, L. 3, C. ad. L. Corn. de sicar. IX, 16. se trouve dans l'édit, art. 15. — Divers rescrits de Dioclétien sont reproduits dans les passages suivants : Art. 81 (L. 10, C. ad L. Fab. IX, 20). Art. 87 (L. 6, C. eod.) .Art. 109 ( L. 4, C. de nox. act. III, 41). Art. 136 (L. 20, C. de locat. IV, 65).

[ocr errors]

Pauli receptæ sententiæ sont passées dans l'édit (e). Si donc le Breviarium visigoth a pris le même ouvrage pour guide, il ne faut pas l'attribuer au hasard ou à la disette des sources mais à l'importance que les sentences de Paul avaient alors dans la pratique du droit. On ne saurait reconnaître, à cause de la perte des originaux, les fragments empruntés à d'autres jurisconsultes, excepté deux qui ont été reproduits dans les Pandectes (f), et qui se trouvent aussi appartenir à un des ouvrages de Paul.

63. Il est impossible de donner beaucoup d'éloges à la manière dont les sources ont été mises en œuvre dans l'édit de Théodoric. Néanmoins, les libertés que prennent les rédacteurs, leur habitude de changer le sens en conservant les termes, ne doivent pas leur être reprochées d'une manière absolue, car tout cela rentrait dans leur plan; et à la distance où nous sommes, comment juger pertinemment leur point de vue. Mais il faut convenir que les parties conservées intactes, rapprochées grossièrement et sans ordre, ont perdu toute leur valeur, et sont devenues méconnaissables. Dans aucun Code du même genre les textes originaux n'ont été aussi défigurés; la nature du recueil n'admet pas l'indication des sources, indication si utile même pour la pratique dans les codes des Bourguignons, des Visigoths et de Justinien. Quant à la disposition des matières, on ne saurait y découvrir aucun ordre (a) et il paraît que le hasard seul y a présidé.

(c) Ed. Theod. Art. 56, 57, 58. Cf. Paul. V, 18. § 2, 1, Paul. V, 26. § 3.

95. Cf. Paul. V,

102. Cf. Paul. V,

4.

Art. 75, Cf.

[ocr errors]

Art. 89, 90, 91. Cf. Paul. V, 25. § 12,

1.

5, 2.

- Art. 94, § 1. — Art. 98. Cf. Paul. V, 20. § 3, 4. Art. 100, 101,

16. § 3, 7, 9.-Art. 104. Cf. Paul. V, 22. § 2. Art. 115, Gf. Paul. V, 27. - - Art. 117, 120, 130, 146, 151. Cf. Paul. II, 31. § 7, 8, 10, 24, 30, 25. - Art. 124. Cf. Paul. V, 26. § 4. Art. 5. Cf. Paul. V, 5, a. § 6, 7. et non L. I. § 3 D. quæ sent. comme je l'avais indiqué dans ma première édition.

(f) Ed. Theod. Art. 105, L. 12. D. fin. reg. X, 1. (Paulus, lib. 3. res. ponsorum). Art. 139. L. 49. pr. D. de jud. V, 1. (Paulus, lib. 3. responsorum).

(a) Ritter prétend que les rédacteurs de l'édit ont suivi l'ordre du code

« PrécédentContinuer »