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II. JOU R.

Sur l'unique chemin du ciel.

Efforcez-vous d'entrer, par la porte étroite.

Matth. 7,2.8...

I. Ce n'est que par violence qu'on entre dans le royaume de Dieu: il faut l'emporter d'assaut, comme une place assiégée. La porte en est étroite: il faut mettre à la gêne le corps du péché; il faut s'abaisser, se plier, se traîner, se faire petit. La grande porte où passe la foule, et qui se présente toute ouverte, mene à la perdition. Tous les chemins larges et unis doivent nous faire peur. Tandis que le monde nous rit, et que notre voie nous semble douce, malheur à nous! Jamais nous ne sommes mieux pour l'autre vie, que quand nous sommes mal pour celle-ci. Gardons-nous donc bien de suivre la multitude qui mar

sen

che par une voie large et commode. Il faut chercher les traces du petit nombre, les pas des saints, le tier escarpé de la pénitence, grimper sur les rochers, gagner les lieux sûrs à la sueur de son visage, et s'attendre que le dernier pas de la vie sera encore un vio, lent effort pour entrer dans la porte étroite de l'éter

nité.

TOMENII.

N 3

II. Nous ne sommes prédestinés de Dieu, que pour être conformes à l'image de son fils, attachés comme lui sur une croix, renonçant comme lui aux plaisirs sensibles, contents comme lui dans les douleurs. Mais quel est notre aveuglement! Nous voudrions nous détacher de cette croix qui nous unit à notre maître. Nous ne pouvons quitter la croix, sans quitter Jésus-Christ crucifié. La croix et lui sont inséparables. Vivons donc et mourons avec celui qui est venu nous montrer le véritable chemin du ciel; et ne craignons rien, sinon de ne pas finir notre sacrifice sur le même autel où il a consommé le sien. Hélas! tous les efforts que nous tâchons de faire en cette vie ne sont que pour nous mettre plus au large et pour nous éloigner de l'unique chemin du ciel. Nous ne savons ce que nous faisons. Nous ne comprenons pas que le mystere de la grace joint la béatitude avec les larmes. Tout chemin qui mene à, un trône est délicieux, fût-il hérissé d'épines. Tout chemin qui conduit à un précipice est effroyable, fût-il couvert de roses. On souffre dans la voie étroite, mais on espere; on souffre, mais on voit les cieux ouverts; on souffre, mais on veut souffrir; on aime Dieu, et on en est aimé.

III. JOU R.

Sur la véritable dévotion.

Celui qui séduit lui-même son cœur n'a qu'une vaine religion. I Jacq. 1, v. 26.

I. Que d'abus dans la dévotion! Les uns la font consister uniquement dans la multiplicité des prieres; les autres dans le grand nombre des œuvres extérieures, qui vont à la gloire de Dieu et au soulagement du prochain. Quelques-uns la mettent dans les desirs continuels de faire son salut; quelques autres, dans de grandes austérités. Toutes ces choses sont bonnes; elles sont même nécessaires jusqu'à un certain degré. Mais on se trompe, si on y place le fond et l'essentiel de la véritable piété. Cette piété qui nous sanctifie et qui nous dévoue tout entiers à Dieu, consiste à faire tout ce qu'il veut, et à accomplir précisément dans les temps, dans les lieux et dans les circonstances où il nous met, tout ce qu'il desire de nous. Tant de mouvements que vous voudrez, tant d'œuvres éclatantes qu'il vous plaira, vous ne serez payé que pour avoir fait la volonté du souverain maître. Le domestique qui vous sert feroit des merveilles dans votre maison, que, s'il ne faisoit pas ce que vous souhaitez, vous ne lui tiendriez aucun

compte de ses actions, et vous vous plaindriez avec raison de ce qu'il vous serviroit mal.

II. Le dévouement parfait, d'où le terme de dévotion a été formé, n'exige pas seulement que nous fassions la volonté de Dieu, mais que nous la fassions avec amour. Dieu aime qu'on lui donne avec joie; et dans tout ce qu'il nous prescrit, c'est toujours le cœur qu'il demande. Un tel maître mérite bien qu'on. s'estime heureux d'être à lui. Il faut que ce dévouement se soutienne également par-tout, dans ce qui nous déplaît, dans ce qui nous choque, dans ce qui contrarie nos vues, nos inclinations, nos projets; et qu'il nous tienne prêts à donner tout notre bien, notre fortune, notre temps, notre liberté, notre vie et notre réputation. Être dans ces dispositions, et en venir aux effets, c'est avoir une véritable dévotion. Mais comme la volonté de Dieu nous est souvent cachée, il y a encore un pas de renoncement et de mort à faire; c'est de l'accomplir par obéissance, et par une obéissance aveugle, mais sage en son aveuglement; condition imposée à tous les hommes : le plus éclairé d'entre eux, le plus propre à attirer les ames à Dieu et le plus capable de les y conduire, doit lui-même être conduit.

IV. JOUR.

Sur les conversions lâches et imparfaites.

I. Les gens qui étoient éloignés de Dieu se croient bien près de lui dès qu'ils commencent à faire quelques pas pour s'en rapprocher. Les hommes les plus polis et les plus éclairés ont là-dessus la même ignorance et la même grossièreté qu'un paysan qui croiroit être bien à la cour, parcequ'il auroit vu le roi. On quitte les vices qui font horreur; on se retranche dans une vie moins criminelle, mais toujours lâche, mondaine et dissipée : on juge alors de soi, non par l'évangile, qui est l'unique regle qu'on doit prendre, mais par la comparaison qu'on fait de la vie où l'on est avec celle qu'on a menée autrefois. Il n'en faut pas davantage pour se canoniser soi-même, et pour s'endormir d'un profond sommeil sur tout ce qui resteroit à faire pour le salut. Un tel état est peut-être plus suspect qu'un désordre scandaleux. Ce désordre troubleroit la conscience, réveilleroit la foi, et engageroit à faire quelque grand effort; au lieu que ce changement ne sert qu'à étouffer les remords salutaires, qu'à établir une fausse paix dans le cœur, et qu'à rendre les maux irrémédiables.

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