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II. Je me suis confessé, dites-vous, assez exactement des foiblesses de ma vie passée; je lis de bons livres; j'entends la messe modestement, et je prie Dieu, ce me semble, d'assez bon cœur. J'évite au moins les grands péchés; mais j'avoue que je ne me sens pas assez touché pour vivre comme si je n'étois plus du monde, et pour ne plus garder de mesures avec lui. La religion seroit trop rigoureuse, si elle rejettoit de si honnêtes tempéraments. Tous les raffinements qu'on nous propose aujourd'hui sur la dévotion vont trop loin, et sont plus propres à décourager qu'à faire aimer le bien. Ce discours est celui d'un chrétien lâche qui voudroit avoir le paradis à vil prix, et qui ne considere pas ce qui est dû à Dieu, ni ce que sa possession à coûté à ceux qui l'ont obtenue. Un homme de ce caractere est bien loin d'une entiere conversion. Il ne connoît, ni l'étendue de la loi de Dieu, ni les devoirs de la pénitence. On peut croire que si Dieu lui avoit confié le soin de composer l'évangile, il ne l'auroit pas fait tel qu'il est, et nous aurions assurément quelque chose de plus doux pour l'amour propre. Mais l'évangile est immuable, et c'est sur lui que nous devons être jugés. Prenez au plutôt un guide sûr, et ne craignez rien tant que d'être flatté et trompé.

V. JOUR.

Sur le bon esprit.

Votre pere céleste donnera son bon esprit à ceux qui le lui demanderont. Luc, 21, v. 13.

I. Il n'y a de bon esprit que celui de Dieu. L'esprit qui nous éloigne du vrai bien, quelque pénétrant, quelque agréable, quelque habile qu'il soit pour nous procurer des biens corruptibles, n'est qu'un esprit d'illusion et d'égarement. Voudroit-on être porté sur un char brillant et magnifique, qui meneroit dans un abîme? L'esprit n'est fait que pour conduire à la vérité et au souverain bien. Il n'y a de bon esprit que celui de Dieu, parcequ'il n'y a que son esprit qui nous mene à lui. Renonçons au nôtre, si nous voulons avoir le sien. Heureux l'homme qui se dépouille pour être vêtu, qui foule aux pieds sa vaine sagesse, pour posséder celle de Dieu!

II. Il y a bien de la différence entre un bel esprit, un grand esprit et un bon esprit. Le bel esprit plaît par son agrément; le grand esprit excite l'admiration par sa profondeur: mais il n'y a que le bon esprit qui sauve et qui rende heureux par sa solidité et

par sa droiture. Ne conformez pas vos idées à celles du monde. Méprisez l'esprit, autant que le monde l'estime. Ce qu'on appelle esprit est une certaine facilité de produire des pensées brillantes. Rien n'est plus vain. On se fait une idole de son esprit, comme une femme, qui croit avoir de la beauté, s'en fait une de son visage. On se mire dans ses pensées. Il faut rejetter non seulement ce faux éclat de l'esprit, mais encore la prudence humaine, qui paroît la plus sérieuse et la plus utile pour entrer, comme de petits enfants, dans la simplicité de la foi, dans la candeur et dans l'innocence des mœurs, dans l'horreur du péché, dans l'humiliation et dans la sainte folie de la croix,

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VI. JOUR.

Sur la patience dans les peines.

Vous posséderez vos ames dans votre patience.
Luc, 21, v. 19.

I. L'ame s'échappe à elle-même quand elle s'impatiente; au lieu que quand elle se soumet sans murmurer, elle se possede en paix et possede Dieu. S'impatienter, c'est vouloir ce qu'on n'a pas, ou ne pas vouloir ce qu'on a. Une ame impatiente est une ame livrée à sa passion, que la raison ni la foi ne retient plus. Quelle foiblesse ! quel égarement! Tant qu'on veut le mal qu'on souffre, il n'est point mal. Pourquoi en faire un vrai mal en cessant de le vouloir? La paix intérieure réside non dans le sens, mais dans la volonté. On la conserve au milieu de la douleur la plus amere, tandis que la volonté demeure ferme et soumise. La paix d'ici bas est dans l'acceptation des choses contraires, et non pas dans l'exemption de les souffrir.

II. A vous entendre gronder et murmurer, il semble que vous soyez l'ame la plus innocente qu'il y ait au monde; et que c'est vous faire une injustice

TOMENII.

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criante que de ne pas vous laisser rentrer dans le paradis terrestre. Souvenez-vous de tout ce que vous avez fait contre Dieu, et convenez qu'il a raison. Dites-lui avec la même humilité que l'enfant prodigue: : Mon pere, j'ai péché contre le ciel et contre vous. Je sais ce que je dois à votre justice; mais le cœur me manque pour y satisfaire. Si vous vous en remettiez à moi, je me flatterois, je m'épargnerois, et je me trahirois moi-même en me flattant. Mais votre main miséricordieuse exécute elle-même ce que je n'aurois jamais eu le courage de faire. Elle me frappe par bonté. Faites que je porte patiemment ses coups salutaires. C'est le moins que puisse faire le pécheur s'il est véritablement indigné contre lui-même, que de recevoir la pénitence qu'il n'auroit pas la force de choisir.

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