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XII. JOUR.

Sur les défauts d'autrui.

Portez les fardeaux les uns des autres; c'est ainsi que vous accomplirez la loi de Jésus-Christ. Gal. 6, v. 22.

I. La charité ne va pas jusqu'à demander de nous que nous ne voyions jamais les défauts d'autrui; il faudroit nous crever les yeux : mais elle demande que nous évitions d'y être attentifs volontairement sans nécessité, et que nous ne soyons pas aveugles sur le bon, pendant que nous sommes si éclairés sur le mauvais. Il faut toujours nous souvenir de ce que Dieu peut faire, de moment à autre, de la plus vile et de la plus indigne créature; rappeller les sujets que nous avons de nous mépriser nous-mêmes; et enfin considérer que la charité embrasse même ce qu'il y a de plus bas. Elle voit, par la vue de Dieu, que le mépris qu'on a pour les autres a quelque chose de dur et de hautain qui éteint l'esprit de Jésus-Christ. La grace ne s'aveugle pas sur ce qui est méprisable; mais elle le supporte, pour entrer dans les secrets desseins de Dieu. Elle ne se laisse aller, ni aux dégoûts dédaigneux, ni aux impatiences naturelles. Nulle corruption ne l'étonne; nulle impuissance ne la rebute,

parcequ'elle ne voit par-tout, hors de lui, que néant et que péché.

II. De ce que les autres sont foibles, est-ce une bonne raison pour garder moins de mesures avec eux? Vous qui vous plaignez qu'on vous fait souffrir, croyez-vous ne faire souffrir personne? Vous qui êtes si choqué des défauts du prochain, vous imaginezvous être parfait? Que vous seriez étonné, si tous ceux à qui vous pesez venoient tout-à-coup s'appesantir sur vous! Mais quand vous trouveriez votre justification sur la terre, Dieu qui sait tout et qui a tant de choses à vous reprocher, ne peut-il pas d'un seul mot vous confondre? et ne vous vient-il jamais dans l'esprit de craindre qu'il ne vous demande pourquoi vous n'exercez pas envers votre frere un peu de miséricorde, que lui, qui est votre maître, exerce si abondamment envers vous?

XIII. JOUR.

Sur l'unique nécessaire.

Vous vous empressez, et vous vous troublez de beaucoup de choses; une seule est nécessaire. Luc, 10, v. 41, 42.

I. Nous croyons avoir mille affaires, et nous n'en avons qu'une. Si celle-là se fait, toutes les autres se trouveront faites: si elle manque, toutes les autres, quelque succès qu'elles semblent avoir, tomberont en ruine. Pourquoi donc tant partager son cœur et ses soins? Ô unique affaire que j'aie sur la terre, vous aurez désormais mon unique attention! Au rayon de la lumiere de Dieu, je ferai à chaque moment sans inquiétude, selon les forces qu'il me donnera, ce que sa providence me présentera à faire. J'abadonnerai le reste, parceque le reste n'est pas mon œuvre.

(1)

II. Pere, j'ai achevé l'ouvrage que vous m'aviez donné à faire. Chacun de nous doit se mettre en état d'en dire autant, au jour où il faudra rendre compte. Je dois regarder ce qui se présente à faire chaque jour selon l'ordre de Dieu, comme l'ouvrage dont Dieu me charge, et m'y appliquer d'une maniere digne de Dieu, c'est-à-dire avec exactitude et avec paix. Je

(1) Joan, 17, v. 4.

ne négligerai rien; je ne me passionnerai sur rien; car il est dangereux, ou de faire l'œuvre de Dieu avec négligence, ou de se l'approprier par amour-propre et par un faux zele. Alors on fait ses actions par son esprit particulier; on les fait mal, on se pique, on s'échauffe, on veut réussir. La gloire de Dieu est le prétexte qui cache l'illusion. L'amour-propre déguisé en zele se contriste et se dépite s'il ne peut réussir. Ô Dieu, donnez-moi la grace d'être fidele dans l'action et indifférent dans le succès. Mon unique affaire est de vouloir votre volonté, et de me recueillir en vous, au milieu même de ce que fais : la vôtre est de donner à mes foibles efforts tel fruit qu'il vous plaira; aucun, si vous ne voulez.

XIV. JOUR.

Sur la préparation à la mort.

Insensé, cette nuit on va te redemander ton ame. Pour qui sera ce que tu as amassé? Luc, 12, v. 20.

I. Rien n'est si terrible que la mort pour ceux qui sont attachés à la vie. Il est étrange que tant de siecles passés ne nous fassent pas juger solidement du présent et de l'avenir, et ne nous désabusent pas. Nous sommes infatués du monde, comme s'il ne devoit jamais finir. La mémoire de ceux qui jouent aujourd'hui les plus grands rôles sur la scene périra avec eux. Dieu permet que tout se perde dans l'abîme d'un profond oubli, et les hommes plus que tout le reste. Les pyramides d'Égypte se voient encore, sans qu'on sache le nom de celui qui les a faites. Que faisons-nous donc sur la terre? à quoi servira la plus douce vie, si par des mesures sages et chrétiennes elle ne nous conduit pas à une plus douce et plus heureuse mort?

(1)

II. Soyez prêts, parcequ'à l'heure que vous n'y pensez pas, le fils de l'homme viendra. Cette parole nous est adressée personnellement, en quelque âge et

(1) Matth. 24, v. 44.

TOMENII.

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