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en quelque rang que nous soyons. Cependant, jusqu'aux gens de bien, tous font des projets qui supposent une longue vie, lors même qu'elle va finir. Si dans l'extrémité d'une maladie incurable on espere encore la guérison, quelles espérances n'a-t-on pas en pleine santé! Mais d'où vient qu'on espere si opiniâtrément la vie? C'est qu'on l'aime avec passion. Et d'où vient qu'on veut tant éloigner la mort? C'est qu'on n'aime point le royaume de Dieu, ni les grandeurs du siecle futur. Ô hommes pesants de cœur, qui ne peuvent s'élever au-dessus de la terre, où, de leur propre aveu, ils sont misérables ! La véritable maniere de se tenir prêt pour le dernier moment, c'est de bien employer tous les autres, et d'attendre toujours celui-là.

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XV. JOUR.

Sur les espérances éternelles.

L'œil n'a point vu, ni l'oreille entendu, ni le cœur de l'homme conçu Dieu a préparé à ceux qui l'aiment. I Cor. 2, v. 9.

ce que

I. Quelle proportion entre ce que nous faisons sur la terre et ce que nous espérons dans le ciel? Les premiers chrétiens se réjouissoient sans cesse, à la vue de leur espérance; à tous moments ils croyoient voir le ciel ouvert; les croix, les infamies, les supplices, les morts cruelles, rien n'étoit capable de les rebuter; ils connoissoient la libéralité infinie qui doit payer de telles douleurs; ils ne croyoient jamais assez souffrir; ils étoient transportés de joie, lorsqu'ils étoient jugés dignes de quelque profonde humiliation: et nous, ames lâches, nous ne savons point souffrir, parceque nous ne savons pas espérer; nous sommes accablés par les moindres croix, et souvent même par celles qui nous viennent de notre orgueil, de notre imprudence et de notre délicatesse!

II. Ceux qui sement dans les larmes recueilleront dans la joie". Il faut semer pour recueillir. Cette vie est destinée pour semer : nous jouirons dans l'autre (1) Ps. 125, v. 5.

(1)

du fruit de nos travaux. L'homme terrestre, lâche et impatient, voudroit recueillir avant que d'avoir semé. Nous voulons que Dieu nous console, et qu'il applanisse les voies pour nous mener à lui. Nous voudrions le servir, pourvu qu'il nous en coûtât peu. Espérer beaucoup, et ne souffrir guere, c'est à quoi tend l'amour-propre. Aveugles que nous sommes, ne verrons-nous jamais que le royaume du ciel souffre violence, et qu'il n'y a que les ames violentes et courageuses pour se vaincre qui soient dignes de le conquérir? Pleurons donc ici bas, puisque (2) bienheureux ceux qui pleurent, et malheureux ceux qui rient! Malheur à ceux qui ont leur consolation en ce monde ! viendra le temps où ces vaines joies seront confondues. Le monde pleurera à son tour; Dieu essuiera toutes les larmes de nos yeux (3).

(1) Matth. 11, V. 12.

(2) Matth. 5, v. 5. Luc, 6, v. 25.

(3) Apoc. 21, v. 4.

XVI. JOUR.

Sur notre pain quotidien.

Donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien.
Luc, 11, v. 3.

I. Quel est-il ce pain, ô mon Dieu ? Ce n'est pas seulement le soutien que votre providence nous donne pour les nécessités de la vie; c'est encore cette nourriture de vérité que vous donnez chaque jour à l'ame; c'est un pain qui nourrit pour la vie éternelle, qui fait croître, et qui rend l'ame robuste dans les épreuves de la foi. Vous le renouvellez chaque jour. Vous donnez au-dedans et au-dehors précisément ce qu'il faut à l'ame pour s'avancer dans la vie de la foi et dans le renoncement à elle-même. Je n'ai donc qu'à manger ce pain, et qu'à recevoir en esprit de sacrifice tout ce que vous me donnerez d'amer dans les choses extérieures et dans le fond de mon cœur; car tout ce qui m'arrivera dans le cours de la journée est mon pain quotidien, pourvu que je ne refuse pas de le prendre de votre main et de m'en nourrir.

II. La faim est ce qui donne le goût aux aliments, et ce qui nous les rend utiles. Que n'avons-nous faim et soif de la justice! Pourquoi nos ames ne sont-elles

pas affamées et altérées comme nos corps? Un homme qui est dégoûté et qui ne peut recevoir les aliments, est malade. C'est ainsi que notre ame languit en ne recherchant, ni le rassasiement, ni la nourriture qui vient de Dieu. L'aliment de l'ame est la vérité et la justice. Connoître le bien, s'en remplir, s'y fortifier; voilà le pain spirituel, le pain céleste qu'il faut manger. Mangeons-en donc; ayons-en faim. Soyons devant Dieu comme des pauvres qui mendient et qui attendent un peu de pain. Sentons notre foiblesse et notre défaillance : malheureux, si nous en perdons le sentiment! Lisons, prions avec cette faim de nourrir nos ames, avec cette soif ardente de nous désaltérer de l'eau qui rejaillit jusques dans le ciel. Il n'y a qu'un grand et continuel desir de l'instruction qui nous rend dignes de découvrir les merveilles de la loi de Dieu. Chacun reçoit ce pain sacré, selon la mesure de son desir; et par-là on se dispose à recevoir souvent et saintement le pain substantiel de l'eucharistie, non seulement corporellement, comme font plusieurs, mais avec l'esprit qui conserve et qui augmente la vie.

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