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ples, quoique áltérée par les superstitions du paganisme, se trouve d'accord, touchant l'unité de Dieu, avec la tradition primitive qui s'est conservée dans toute sa pureté chez les patriarches, les Hébreux et les nations chrétiennes (1).

9. D'ailleurs, Dieu est celui qui est, celui qui est par luimême, qui existe nécessairement, qui est indépendant, infini, souverainement parfait. Or celui qui est par lui-même, qui existe nécessairement, qui est indépendant, infini, souverainement parfait, est un, et il ne peut être qu'un; il répugne qu'il y ait plusieurs êtres nécessaires, plusieurs êtres indépendants, plusieurs êtres infinis et souverainement parfaits. On conçoit et on concevra toujours qu'un seul être nécessaire suffit pour rendre raison de l'existence de tout ce qui est hors de lui; que tous les êtres, à l'exception d'un seul, peuvent ne pas exister; qu'ils n'existent pas nécessairement; qu'ils n'existent par conséquent qu'en vertu de la toute-puissance de cet être unique qui leur a donné l'existence. On conçoit et on concevra toujours qu'un être n'est indépendant, absolument indépendant, qu'autant que tous les autres êtres dépendent de lui, et qu'il demeure par cela même seul indépendant. On conçoit et on concevra toujours qu'un être ne peut être infini et souverainement parfait qu'autant qu'il est au-dessus de tous les autres êtres, quelque parfaits qu'on les suppose. Supposer plusieurs infinis, c'est évidemment nier l'infini; supposer plusieurs êtres infiniment parfaits, c'est nier la souveraine perfection; supposer plusieurs dieux, ce sera donc aussi nier la Divinité : Deus si non unus est, non est, dit Tertullien (2).

10. Enfin, l'ordre admirable qui règne dans l'univers, en nous offrant une preuve des plus frappantes de l'existence de Dieu, nous offre en même temps une preuve non moins sensible de son unité. Tout, dans le monde physique et dans le monde moral, nous montre l'unité de pensée, l'unité de volonté, l'unité dans l'exécution; partout se présentent à nos regards les mêmes desseins, les mêmes lois, les mêmes causes, les mêmes résultats; partout l'unité la plus parfaite et la plus constante dans la variété même et la contrariété apparente des moyens par lesquels l'ordre s'observe sans interruption. Or cette unité suppose nécessairement qu'il n'y a qu'une intelligence suprême, qu'un législateur suprême, qu'une providence qui gouverne tout, qui s'étend à tout, qui pourvoit à tout; qu'il

(1) Voyez ce que nous avons dit dans le premier volume de cet ouvrage, n° 561, etc. — (2) Liv. 1, contre Marcion, c. I.

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n'y a qu'un monarque, qu'un souverain Seigneur de toutes choses. 11. Les anciens ont été frappés de ces différentes preuves de l'unité de Dieu. Minucius Félix les résume en ces termes : « Lors• que vous entrez dans une maison, et que vous en voyez toutes a les pièces parfaitement disposées et magnifiquement décorées, ⚫ ne pensez-vous pas qu'un maître, supérieur à toutes ces choses, préside à leur ordonnance? De même, quand vous considérez le ciel, la terre, et l'ordre qui règne dans ce monde, ne devez-vous pas croire qu'il existe un être qui est l'auteur et le maître de a toutes choses? Mais, sans douter de la Providence, vous deman« derez peut-être si le ciel est gouverné par un seul ou par plua sieurs. Il ne sera pas difficile de résoudre cette question, si on << fait attention que les empires de la terre ont leurs modèles dans le ciel. Jamais le partage d'un royaume a-t-il commencé de bonne foi, ou fini sans quelque scène sanglante?... Voyez aussi « les animaux : les abeilles n'ont qu'un roi, les troupeaux n'ont qu'un guide; et vous voulez que dans le ciel le pouvoir souve« rain puisse être divisé, et que la puissance absolue de ce véri<«<table et divin empire puisse être partagée! N'est-il pas hors de << doute que Dieu, le créateur de toutes choses, n'a ni commence«ment ni fin; que celui qui a donné l'être à tout, a l'éternité pour a lui-même; que tout a été fait par sa parole, disposé par sa sagesse, « consommé par sa puissance? On ne peut le voir, parce qu'il est plus éclatant que la lumière ; on ne peut le toucher, parce qu'il est plus subtil que le tact; on ne peut le comprendre, parce qu'il << est au-dessus des sens. Il est infini, immense, n'étant connu que << de lui-même; notre esprit est trop étroit pour le concevoir tel qu'il est. C'est pourquoi nous avons une idée digne de lui, lors« que nous disons qu'il est au-dessus de toutes nos idées. Dirai-je « ce que je pense? S'imaginer connaître sa grandeur, c'est la di«< minuer; se persuader qu'on ne la diminue point, ce n'est pas << la connaître. Ne cherchez donc point de nom à Dieu : son nom « est Dieu, Deus nomen est. On a besoin de noms pour distinguer chaque particulier dans la multitude; le nom de Dieu suffit à a celui qui seul est Dieu. Si je l'appelais père, vous penseriez « qu'il est terrestre; si je l'appelais roi, vous le soupçonneriez << charnel; si je l'appelais maître, vous le croiriez mortel. Suppri« mons tout ce que nous avons ajouté à l'idée simple de Dieu, il « restera tel qu'il est. Mais quoi! n'avons-nous pas pour nous le << consentement de tous les hommes? Lorsque le peuple lève les « mains au ciel, c'est Dieu seul qu'il invoque; il s'écrie: Grand

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« Dieu! vrai Dieu! Plaise à Dieu! Ce langage naturel n'est-il pas « la confession du chrétien? Ceux même qui veulent que Jupiter « soit maître souverain, se trompent pour le nom; mais ils recon« naissent avec nous une seule puissance: Qui Jovem principem "volunt, falluntur in nomine, sed de una potestate consentiunt (1). »

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12. Quelle folie donc, s'écrie Fénelon, d'adorer plusieurs « dieux ! Pourquoi en croirai-je plus d'un? L'idée de la souveraine ⚫ perfection ne souffre que l'unité. O vous, Être infini, qui vous

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« montrez à moi, vous êtes tout, et il ne faut plus rien chercher après vous. Vous remplissez toutes choses, et il ne reste plus de place ni dans l'univers, ni dans mon esprit même, pour une autre perfection égale à la vôtre. Vous épuisez toute ma pensée. Tout « ce qui n'est pas vous est infiniment moins que vous; tout ce qui « n'est pas vous-même n'est qu'une ombre de l'être, un être à « demi tiré du néant, un rien dont il vous plaît de faire quelque « chose pour quelques moments. O Être seul digne de ce nom! qui « est semblable à vous? Où sont donc ces vains fantômes de divinité « que l'on a osé comparer à vous? Vous êtes, et tout le reste n'est point devant vous. Vous êtes, et tout le reste, qui n'est que pour « vous, est comme s'il n'était pas. C'est vous qui avez fait ma pensée; c'est vous seul qu'elle cherche et qu'elle admire. Si je suis quelque chose, ce quelque chose sort de vos mains. Il n'était « point, et par vous il a commencé à être. Recevez donc ce que « vous avez fait reconnaissez votre ouvrage... Périsse, périsse « tout ce qui n'est point à celui qui a tout fait pour lui-même! Pé« risse toute volonté qui n'aime point l'unique bien pour l'amour duquel tout ce qui est a reçu l'être (2) ! »

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CHAPITRE III.

De la simplicité de Dieu.

13. Dieu est simple, parce qu'il est un; il est simple, parce qu'il n'est point composé; il est simple, parce qu'il est indivisible; il est simple, parce qu'il est immuable; en un mot, il est absolument simple dans son essence: Essentia Dei simplex omnino (3).

(1) Octavius, no xvui. — (2) De l'Existence de Dieu, part. ue, ch. v, art, it (3) Concile général de Latran, de l'an 1215; capit. 1.

La simplicité de Dieu exclut toute pluralité, toute composition, toute division, tout changement. Dieu est celui qui est; il a de Jui-même la plénitude de l'être; il existe nécessairement, il est souverainement parfait; il est donc nécessairement et souverainement un, nécessairement et souverainement simple et non composé, nécessairement et souverainement indivisible, nécessairement et souverainement immuable. Tout ce qui est en Dieu est nécessaire; son existence comme sa nature ou son essence, sa manière d'être comme l'être lui-même. Les attributs divins, la puissance, la sagesse, la bonté, la justice, ne sont qu'une seule et même chose, qu'une seule et même substance, qu'un seul et même être, éternel, immense, infini, qu'on ne peut pas plus concevoir comme divisible que comme non existant. Aussi, ne distinguons nous les attributs ou perfections de Dieu que par l'impossibilité où nous sommes, comme êtres essentiellement bornés, de comprendre celui qui n'a point de bornes. « O Dieu! il n'y a que vous; moi« même, je ne suis point. Je puis me trouver dans cette multitude « de pensées successives, qui sont tout ce que je puis trouver de « moi. L'unité, qui est la vérité même, se trouve si peu en moi, que je ne puis concevoir l'unité suprême qu'en la divisant et la mul« tipliant, comme je suis moi-même multiplié. A force d'être plu « sieurs pensées, dont l'une n'est point l'autre, je ne suis plus - rien, et je ne puis pas même voir d'une seule vue celui qui est « ́un, parce qu'il est un, et que je ne le suis pas. Oh! qui me tirera « des nombres, des compositions et des successions, qui sentent si « fort le néant! Plus on multiplie les nombres, plus on s'éloigne de « l'être précis et réel qui n'est que dans l'unité (1). »

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14. Dieu, étant simple de sa nature, est par là même nécessairement incorporel, immatériel; c'est un pur esprit qui n'a point de corps et qui ne fait partie d'aucun corps: Spiritus est Deus (2); Dominus spiritus est (3). Quand l'Écriture nous parle des yeux de Dieu, du bras de Dieu, de la main de Dieu, cela ne doit point se prendre à la lettre, mais au figuré; par ces expressions et autres du même genre, qui ne s'appliquent littéralement qu'à l'homme, les auteurs sacrés ont voulu exprimer que Dieu sait tout, qu'il peut tout et qu'il fait tout. Dieu est la raison substantielle de toutes choses; l'intelligence suprême, éternelle, incréée, infinie, qui comprend non-seulement tout ce qui est, mais encore tout ce

(1) Fénelon, Démonst. de l'existence de Dieu, part. II, c. v, art. 11. (2) Saint Jean, c. IV, v. 24. — (3) Épître ne aux Corinthiens, c. II, v. 17.

qui est possible; qui se comprend elle-même infiniment. C'est une substance qui remplit tout, qui pénètre tout, qui est tout entière dans toutes et dans chaque partie du monde et de l'espace, sans être circonscrite en aucune manière, sans éprouver ni confusion, ni mélange, ni division, ni modification, ni changement quelconque ; n'ayant pas d'autres relations naturelles avec la matière et les intelligences créées, que celles qui sont naturellement de la cause à l'effet, du Créateur à ́la créature.

15. On doit donc rejeter comme absurde le système de Spinosa et des pantheistes modernes, qui prétendent qu'il n'y a pas d'autre Dieu que l'univers, que la collection ou l'universalité des êtres. Comment, en effet, concilier le monde, dont toutes les parties sont contingentes, avec la nature de l'Etre nécessaire, qui est nécessairement tout ce qu'il est? Comment concilier les différentes parties de l'univers, qui est essentiellement divisible et borné, avec la nature de l'Étre qui est essentiellement un, essentiellement simple et indivisible, nécessairement infini? Comment concilier les variations et les changements que nous offre ce qu'on appelle le grand tout, avec la nature de l'Être qui, étant nécessaire, est nécessairement immuable? Comment, enfin, concilier dans une même substance les facultés intellectuelles de l'homme et l'inertie de la matière, la pensée et l'étendue, les opérations de l'âme et le mouvement des corps? Comment, dis-je, concevoir dans une seule et même substance des attributs ou propriétés qui se contredisent, se combattent, s'excluent et se détruisent mutuellement? Évidemment le panthéisme n'est qu'un athéisme déguisé, hypocrite. Il n'y a qu'un insensé qui ait pu dire dans son cœur : Il n'y a point de Dieu (1); il n'y a qu'un philosophe égaré qui ait pu dire dans son délire: Tout est Dieu.

CHAPITRE IV.

De l'éternité de Dieu.

16. Dieu est éternel, Deus æternus (2); il est, il a toujours été, il sera toujours; il n'a pas eu de commencement, il n'aura pas de

(1) Dixit insipiens in corde suo : Non est Deus. Psaume LI. général de l'an 1215; capit. L.

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