Images de page
PDF
ePub
[ocr errors][merged small][merged small][merged small]

405. Il y a deux volontés en Jésus-Christ, la volonté divine et la volonté humaine; volontés distinctes et parfaites, volontés libres par conséquent. Jésus-Christ était donc libre comme Dieu, libre comme homme. La liberté, qui consiste essentiellement dans la faculté de vouloir et de ne vouloir pas, d'agir et de n'agir pas, est une perfection qui convient nécessairement à Dieu : si elle convient à Dieu, elle convient au Verbe fait chair, puisque le Verbe, en s'incarnant, n'a pas cessé d'être ce qu'il était auparavant. Si elle convient au Verbe fait chair, elle convient à l'humanité de Jésus-Christ; car le Verbe, en prenant la nature humaine, l'a élevée, ennoblie et perfectionnée; et, en la perfectionnant, il ne lui a point ravi la liberté, qui est une de ses plus grandes perfections. Quoique Jésus-Christ fût sans péché, et qu'il fût impeccable, il était véritablement libre; le pouvoir ou la faculté de pécher n'est ni la liberté, ni une partie de la liberté, dit saint Anselme : Nec libertas nec pars libertatis est potestas peccandi; elle n'est au contraire, suivant l'expression de saint Thomas, qu'un défaut de la liberté : Defectus libertatis.

[ocr errors]

406. Aussi, nous lisons dans l'Évangile ces paroles du Sauveur: « Je quitte ma vie pour la reprendre. Personne ne me la ravit; " mais je la quitte de moi-même, et j'ai le pouvoir de la quitter, et ⚫ j'ai le pouvoir de la reprendre (1). Ce qui s'accorde parfaitement avec ce que dit le prophète Isaïe : « Il s'est offert, parce qu'il l'a « voulu (2) ; » ainsi qu'avec ce passage de l'Apôtre : « Il s'est abaissé « lui-même en se rendant obéissant jusqu'à la mort, jusqu'à « la mort de la croix (3). » D'ailleurs, comme on le voit dans l'Écriture, Jésus-Christ nous a rachetés au prix de son sang; il a satisfait à la justice divine, et nous a mérité le pardon de nos péchés. Or, il n'a pu nous racheter, ni satisfaire à la justice divine, ni nous mériter le pardon de nos péchés, qu'autant qu'il était

(1) Ego pono animam meam, ut iterum sumam eam. Nemo tollit eam a me : sed ego pono eam a meipso, et potestatem habeo ponendi eam : et potestatem habeo iterum sumendi cam. Saint Jean, c. x, v. 17 et 18. — (2) Oblatus est quia ipse voluit. Isaïe, c. LIII, v. 7. — (3) Humiliavit semetipsum, factus obediens usque ad mortem, mortem autem crucis. Épitre aux Philippiens, c. 1,

[ocr errors]

libre, une satisfaction qui se fait sous l'empire de la nécessité n'est point une vraie satisfaction. Il faut donc reconnaître la liberté de Jésus-Christ comme homme pour tout ce qui regarde le mystère de notre rédemption, qui était l'objet principal de sa mission. La croyance de l'Église sur ce point ne souffre pas de difficulté. Les docteurs, il est vrai, ne sont pas d'accord sur la manière de concilier en Notre-Seigneur la liberté avec le commandement qu'il a reçu de son Père, de donner sa vie pour notre salut; mais ils s'accordent tous à dire qu'il est mort pour nous, parce qu'il l'a voulu, pouvant très-bien ne pas mourir : Qui posset non mori, si nollet, procul dubio quia voluit mortuus est (1). Il est mort, parce qu'il l'a bien voulu; l'ordre qu'il en avait reçu de Dieu le Père n'était point un ordre absolu, mais un ordre conditionnel, dépendant de la volonté du Fils. Il est mort sur la croix, et ce genre de mort ne lui avait point été commandé par le Père; il dépendait de lui de l'éviter sans aller contre la volonté du Père: il dit lui-même qu'il aurait pu prier son Père, et que son Père lui aurait envoyé plus de douze légions d'anges pour le délivrer d'entre les mains des Juifs (2). Vous êtes donc digne, Seigneur, vous qui avez souffert la mort par amour pour nous, de recevoir de toute créature honneur, gloire et bénédiction, dans les siècles des siècles (3).

ARTICLE V.

De la sainteté de Jésus-Christ comme homme.

407. Jésus-Christ est saint en tant que Dieu; il est le Saint des saints, la source de toute sainteté avec le Père et le Saint-Esprit, qui sont avec le Fils un seul et même Dieu trois fois saint. Il est saint comme homme; c'est le pontife saint, innocent et sans tache Pontifex sanctus, innocens, impollutus (4). Il est saint dans sa conception: il a été conçu par l'opération du Saint-Esprit; il est sage, il est juste, il est saint dans son humanité : sage de la sagesse de Dieu, juste de la justice de Dieu, saint de la sainteté

(1) Saint Augustin, liv. iv de la Trinité, c. xIII. (2) An putas, quia non possum rogare Patrem meum, et exhibebit mihi modo plusquam duodecim legiones angelorum? Saint Matthieu, c. xxvi, v. 53. — (3) Dignus est agnus, qui occisus est, accipere virtutem, et divinitatem, et sapientiam, et fortitudinem, et honorem, et gloriam, et benedictionem.... Sedenti in throno, et agno, benedictio, et honor, et gloria, et potestas in sæcula sæculorum. Apocalypse, C. v, v. 12 et 13. (4) Epitre aux Hébreux, c. VII, v. 26.

[ocr errors]

même de Dieu, puisque le Verbe, qui est la sagesse, la justice et la sainteté de Dieu, a pris la nature humaine, et se l'est personnellement et substantiellement unie. Par cette union, le Verbe remplit l'humanité de Jésus-Christ, il la pénètre et la sanctifie lui-même, en la rendant pleine de grâce et de vérité : Plenum gratiæ et veritatis (1). Les actions de Notre-Seigneur, même en tant qu'homme, appartiennent au Verbe de Dieu; c'est le Verbe qui les commande et les dirige, encore qu'elles soient faites par la nature humaine. C'est pourquoi non-seulement Jésus-Christ n'a jamais commis le péché, mais il ne pouvait pas même le commettre, le péché étant essentiellement contraire à la sainteté de l'homme-Dieu, du Verbe fait chair, du Fils de Dieu fait homme. Pour la même raison, il était exempt de toute concupiscence qui porte au péché, dirigeant à son gré les mouvements de son âme, toujours conformes à la volonté de son Père: Ego quæ beneplacita sunt ei, facio semper (2). Ainsi, quand il est dit dans l'Evangile qu'il a été tenté par le démon, cela doit s'entendre d'une tentation purement extérieure qui n'a rien de commun avec les mouvements indélibérés et le trouble involontaire de notre âme.

CHAPITRE V.

Des mérites et de la satisfaction de Jésus-Christ.

408. Satisfaire à la justice divine, c'est réparer l'injure que nous avons faite à Dieu par le péché, et rentrer en grâce avec lui. Or c'est un dogme catholique que Notre-Seigneur Jésus-Christ a satisfait pour nos péchés et qu'il nous a rachetés, en payant luimême le prix de notre rançon. Suivant le prophète Isaïe, le Sauveur du monde s'est véritablement chargé de nos langueurs, et il a porté nos douleurs; c'est pour nos iniquités qu'il a été couvert de plaies; il a été brisé pour nos crimes; le châtiment qui devait nous procurer la paix est tombé sur lui, et nous avons été guéris par ses blessures. Le Seigneur a mis sur lui l'iniquité de nous tous: Dominus posuit in eo iniquitatem omnium nostrum (3). Jésus-Christ lui-même dit que « le Fils de l'homme n'est pas venu

(1) Saint Jean, c. I, v. 14. d'Isaïe, ci-dessus, no 390.

(2) Ibidem, c. vi, v. 29.

(3) Voyez le texte

[ocr errors]

« pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie pour la rédemption de plusieurs (1); » pro mullis, c'est-à-dire pour la multitude des hommes, pour l'universalité du genre humain. « Ceci est mon sang de la nouvelle alliance, qui sera répandu pour plu« sieurs en rémission des péchés (2). »

[ocr errors]

409. Écoutez aussi ce que dit saint Paul du mystère de notre rédemption : « Dieu a fait éclater son amour pour nous, en ce que, lorsque nous étions encore pécheurs, Jésus-Christ est mort pour ⚫ nous dans le temps. Étant maintenant justifiés par son sang, nous « serons à plus forte raison délivrés par lui de la colère de Dieu. Car « si lorsque nous étions ennemis de Dieu, nous avons été réconciliés ⚫ avec lui par la mort de son Fils, à plus forte raison, étant mainte« nant réconciliés avec lui, nous serons sauvés par la vie de ce même Fils. Et non-seulement nous sommes réconciliés, mais nous « nous glorifions même en Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur, » par qui nous avons obtenu maintenant cette réconciliation (3). Jésus-Christ est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne . vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort pour «eux (4). Dieu nous a réconciliés avec lui-même par Jésus-Christ, « et nous a confié le ministère de cette réconciliation (5). C'est par • amour pour nous qu'il a rendu victime pour le péché celui qui ⚫ ne connaissait point le péché, afin qu'en lui nous devinssions justes de la justice de Dieu (6). Jésus-Christ nous a aimés et s'est « livré lui-même pour nous, en s'offrant à Dieu comme une obla« tion et une victime d'agréable odeur (7). Il n'y a qu'un Dieu, et

[ocr errors]
[ocr errors]

(1) Filius hominis non venit ministrari, sed ministrare, et dare animam suam, redemptionem pro multis. Saint Matthieu, c. xx, v. 28. — (2) Hic est enim sanguis meus Novi Testamenti, qui pro multis effundetur in remissionem peccatorum. Ibidem, c. xxvi, v. 28. (3) Commendat autem charitatem suam Deus in nobis: quoniam cum adhuc peccatores essemus, secundum tempus, Christus pro nobis mortuus est: multo igitur magis nunc justificati in sanguine ipsius, salvi erimus ab ira per ipsum. Si enim cum inimici essemus, reconciliati sumus Deo per mortem Filii ejus: multo magis reconciliati salvi erimus in vita ipsius. Non solum autem : sed et gloriamur in Deo per Dominum nostrum Jesum Christum, per quem nunc reconciliationem accepimus. Épít. aux Romains, C. v, v. 8, etc. - (4) Et pro omnibus mortuus est Christus; ut et qui vivunt jam non sibi vivant, sed ei qui pro ipsis mortuus est. II* épilre aux Corinthiens, c. v, v. 15. (5) Qui (Deus) nos reconciliavit sibi per Christum : et dedit nobis ministerium reconciliationis. Ibidem, v. 18. — (6) Eum, qui non noverat peccatum, pro nobis peccatum fecit, ut nos efficeremur justitia Dei in ipso. Ibidem, v. 21. — (7) Christus dilexit nos et tradidit semetipsum pro nobis oblationem et hostiam Deo in odorem suavitatis. Épître aux Éphésiens

C. v, v. 2.

"

▪ il n'y a qu'un médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme (et Dieu), qui s'est livré lui-même pour la rédemption de tous (1); il s'est offert pour nous, afin de nous racheter de ⚫ toute iniquité (2). »

410. Suivant saint Pierre, ce n'est point par des choses corruptibles comme de l'or et de l'argent que nous avons été rachetés, mais par le précieux sang de Jésus-Christ, comme de l'agneau sans tache (3). « C'est lui qui a porté nos péchés en son corps sur « la croix, afin qu'étant morts au péché, nous vivions pour la justice; c'est par ses meurtrissures que vous avez été guéris (4). Dieu, dit saint Jean, a envoyé son Fils comme une victime de propitiation pour nos péchés (5); et non-seulement pour nos péchés, mais encore pour les péchés du monde entier (6). Vous - êtes digne, Seigneur, de prendre le livre et d'en ouvrir les « sceaux, parce que vous avez été mis à mort, et que par votre sang vous nous avez rachetés, pour Dieu, de toute tribu, de

[ocr errors]
[ocr errors]

⚫ toute langue, de tout peuple et de toute nation (7).

411. On voit par ces différents passages que Notre-Seigneur s'est chargé de nos iniquités, qu'il s'est rendu notre caution auprès de Dieu; qu'il s'est offert en sacrifice, comme une victime de propitiation pour les péchés du monde ; qu'il est mort pour tous; que, médiateur entre Dieu et les hommes, il nous a rapprochés de Dieu et réconciliés avec Dieu; qu'il nous a rachetés en ofírant son sang pour prix de notre rançon, et que la justice divine a été satisfaite. Aussi les Pères, les conciles et les symboles proclament le dogme de la rédemption, en la faisant consister, non dans la doctrine et les exemples de Jésus-Christ, comme le prétendent les sociniens, mais dans la satisfaction réelle qu'il a offerte à Dieu le

(1) Unus enim Deus, unus et mediator Dei et hominum homo Christus Jesus: qui dedit redemptionem semetipsum pro omnibus. Ire épître à Timothée, c. 11, v. 5. — (2) Qui (Jesus Christus) dedit semetipsum pro nobis, ut nos redimeret ab omni iniquitate. Épître à Tite, c. 11, v. 14. - (3) Non corruptibilibus auro vel argento redempti estis.... sed pretioso sanguine quasi agni immaculati Christi et incontaminati. Ire épître, c. 1, v. 18 et 19. (4) Qui (Christus) peccata nostra ipse pertulit in corpore suo super lignum; ut peccatis mortui, justitiæ vivamus cujus livore sanati estis. Ibidem, c. 11, v. 24. —(5) Misit (Deus) Filium propitiationem pro peccatis nostris. I" épître, c. iv, v. 10. — (6) Et ipse est propitiatio pro peccatis nostris; non pro nostris autem tantum, sed etiam pro totius mundi. Ibidem, c. 11, v. 2. — (7) Dignus es, Domine, accipere librum, et aperire signacula ejus : quoniam occisus es, et redemisti nos Deo in sanguine tuo ex omni tribu, et lingua, et populo, et natione. Apocalypse, c. v,

« PrécédentContinuer »