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« Dieu (1). » Il est donc démontré par la croyance de l'Église universelle, par la tradition et par l'Écriture sainte, que l'eucharistie est un vrai sacrifice: ce n'est donc pas sans fondement que le concile de Trente a frappé d'anathème tous ceux qui osent attaquer un dogme aussi consolant pour le chrétien que le dogme de la présence réelle.

820. Mais, dira-t-on, comment trouver dans l'eucharistie toutes les conditions requises pour un sacrifice proprement dit? Où est l'oblation, la victime, l'immolation? Rien ne manque à la consécration eucharistique pour être un véritable sacrifice. L'eucharistie renferme d'abord l'oblation d'une chose sensible, c'est-à-dire le corps et le sang de Jésus-Christ, qui sont présents sous les espèces du pain et du vin. Il y a une victime: c'est Jésus-Christ lui-même qui est offert à Dieu son Père. Il y a un pontife: c'est encore Jésus-Christ, le prêtre éternel, qui, par les mains de ses ministres, renouvelle au milieu de nous le même sacrifice qu'il a offert sur le Calvaire. Il y a immolation, et par conséquent changement dans la victime par la consécration, Jésus-Christ est réduit à un état qui n'est point naturel ; et ces paroles sacramentelles, prononcées séparément, Ceci est mon corps, ceci est mon sang, sont comme un glaive qui sépare mystiquement, et autant que possible, le corps et le sang de Jésus-Christ; il est sur l'autel, revêtu des signes qui représentent la séparation de son corps et de son sang, qui se fit sur la croix. C'est néanmoins un sacrifice très-véritable, en ce que Jésus-Christ est véritablement contenu et présenté à Dieu sous cette figure de mort: Super sacram mensam Christus occisus jacet (2). C'est à Dieu, à Dieu seul, que l'Église offre le sacrifice de la messe ; c'est à Dieu, et non aux saints, que nous disons, dans la célébration des saints mystères: Nous vous présentons celle hostie sainte. D'ailleurs le sacrifice de la messe est substantiellement le même que le sacrifice de la croix; dans l'un et dans l'autre, c'est la même hostie, le même sacrificateur. Il n'y a de différence que dans la manière dont se fait l'offrande: Sola offerendi ratione diversa, dit le concile de Trente. Cette différence consiste en ce que JésusChrist s'est offert sur la croix d'une manière sanglante, comme une victime mortelle; au lieu que, sans cesser d'être immortel, il s'offre dans l'eucharistie d'une manière non sanglante, sous les espèces du pain et du vin (3).

(1) Des Prescriptions, ch. 21. Voyez ce que nous avons dit plus haut, de la croyance de l'Église touchant la présence réelle. (2) Saint Chrysostome, Homélie xiv, au peuple d'Antioche. — (3) Concile de Trente, sess. xx11, ch. I.

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321. Aussi, loin de nous détacher du sacrifice de la croix, comme on nous l'objecte, le sacrifice de la messe, qui en est la commémoration, nous y attache par toutes ses circonstances, puisque non-seulement il s'y rapporte tout entier, mais qu'en effet il n'est et ne subsiste que par ce rapport, et qu'il en tire toute sa vertu. C'est la doctrine expresse de l'Église catholique, qui enseigne que ce sacrifice n'a été institué « qu'afin de représenter celui qui a été une fois accompli sur la croix; d'en faire durer la mé<< moire jusqu'à la fin des siècles, et de nous en appliquer la vertu « salutaire pour la rémission des péchés que nous commettons tous « les jours (1). Ainsi, l'Eglise ne croit point qu'il manque quelque chose au sacrifice de la croix ; elle le croit au contraire si parfait et si pleinement suffisant, que tout ce qui se fait ensuite n'est plus établi à ses yeux que pour en célébrer la mémoire et en appliquer la vertu. Par là cette même Église reconnaît que tout le mérite de la rédemption du genre humain est attaché à la mort du Fils de Dieu. En offrant l'hostie sainte et eucharistique, nous ne prétendons point par cette oblation faire ou présenter à Dieu un nouveau payement du prix de notre salut, mais employer auprès de lui les mérites de Jésus-Christ présent, et le prix infini qu'il a payé une fois pour nous sur la croix. On ne peut donc nous accuser d'anéantir le sacrifice de la croix, de faire tort au sacrifice de la croix. En effet, parce que Jésus-Christ se dévoue à Dieu en entrant dans le monde, pour se mettre à la place des victimes qui ne lui ont pas plu (2), dira-t-on qu'il a fait tort à l'action par laquelle il se dévoue sur la croix ? De ce qu'il continue de paraître devant Dieu (3), affaiblit-il l'oblation par laquelle il a paru une fois par l'immolation de lui-même (4)? Direz-vous qu'en ne cessant d'intercéder pour nous dans le ciel, il accuse lui-même d'insuffisance l'intercession qu'il a faite en mourant avec tant de larmes et de si grands cris (5)? Et parce que, d'après la parole de Jésus-Christ, nous croyons avec le monde entier que personne ne peut entrer dans le royaume de Dieu s'il n'a été régénéré par l'eau et l'Esprit-Saint (6), nous reprocherez-vous de faire injure au sacrifice de la croix? Il faut donc reconnaître que Jésus-Christ, qui s'est offert une fois sur le Calvaire comme victime de la justice divine, ne cesse de s'offrir pour nous dans l'eucharistie; que la perfection infinie du sacrifice de la croix consiste en ce que tout ce qui

(1) Concile de Trente, sess. xxII, ch. 1. - (3) Ibidem, c. 1x, v. 24. — (1) Ibidem, (6) Saint Jean, c. 111, v. 5.

·(2) Épître aux Hébreux, c. x, v. 5. v. 26. — (5) Ibidem, c. v, V. VII. —

le précède, aussi bien que ce qui le suit, s'y rapporte entièrement; que comme ce qui le précède en est la préparation, ce qui le suit en est la consommation et l'application; qu'à la vérité le payement du prix de notre rachat ne se réitère plus, mais que ce qui nous applique cette rédemption se continue sans cesse ; qu'enfin il faut savoir distinguer les choses qui se réitèrent comme imparfaites, de celles qui se continuent comme parfaites et nécessaires (1).

CHAPITRE II.

De la matière et de la forme du sacrifice de la messe.

822. Il ne s'agit pas ici de la matière qui doit être consacrée, ni des paroles de la consécration, dont nous avons parlé dans la première partie de ce traité, mais bien de la matière du sacrifice qui s'opère par la consécration, ou de la chose offerte à Dieu dans l'eucharistie. Or la matière de ce sacrifice est Jésus-Christ lui-même, dont le corps et le sang sont présents sous les espèces du pain et du vin; c'est Jésus-Christ qui est la victime, l'hostie qui s'immole dans le sacrifice eucharistique. « Le même Christ qui s'est offert une fois « d'une manière sanglante sur l'autel de la croix est présent dans « le divin sacrifice de la messe, et y est immolé d'une manière non « sanglante (2). » Et c'est parce que Jésus est véritablement, réellement et substantiellement présent dans l'eucharistie, que l'eucharistie est un sacrifice réel, véritable et proprement dit. Les espèces du pain et du vin, qui voilent le corps et le sang de JésusChrist, appartiennent au sacrifice et le rendent sensible; mais elles ne le constituent pas, elles ne sont point l'oblation qu'on fait à Dieu.

823. Quant à la forme qui produit et consomme le sacrifice, de l'aveu de tous, elle requiert nécessairement la consécration du prétre. C'est par la consécration que s'opère le sacrifice de la messe ; c'est la consécration qui rend la victime présente sur l'autel, et la met dans un état de mort par la séparation mystique du corps et du sang de Jésus-Christ. Aussi, à la différence du sacrement de l'eucharistie, qui est plein et entier sous une seule espèce, le sacrifice

(1) Bossuet, Exposition de la doctrine de l'Église, c. xiv et xv.

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de la messe ne s'accomplit que par la consécration sous les deux espèces du pain et du vin. Mais la consécration seule suffit-elle pour le sacrifice? On le croit communément : l'oblation de JésusChrist sur nos autels consiste essentiellement dans la consécration de l'eucharistie (1). « Cette parole, Ceci est mon corps, opère le sa« crifice, dit saint Jean Chrysostome (2). Suivant saint Irénée, «<le Christ, en disant, Ceci est mon corps, nous a enseigné la nou« velle oblation du Nouveau Testament (3). » Saint Grégoire de Nysse, et généralement les autres Pères de l'Église, s'expriment dans le même sens. On ne doit donc point regarder comme nécessaires, essentielles au sacrifice, les autres actions du célébrant qui précèdent ou qui suivent la consécration, à l'exception toutefois de la communion du prêtre, qui appartient à l'intégrité du sacrifice.

CHAPITRE III.

Des propriétés et des effets du sacrifice de la messe.

824. Le sacrifice de la messe a les mêmes propriétés que le sacrifice de la croix, duquel il ne diffère que par la manière dont il s'opère sur nos autels. Il est, par conséquent, latreutique, eucharistique, impétratoire et propitiatoire.

825. Premièrement, ce sacrifice est latreutique. C'est un holocauste, un sacrifice de louange, qui a pour but principal de reconnaître le souverain domaine de Dieu sur les créatures. Jésus-Christ s'y offre tout entier à Dieu son Père, dans l'état humiliant de victime, comme l'hommage le plus parfait qu'on puisse rendre à la majesté suprême: Offerimus præclaræ majestati tuæ hostiam

puram.

826. Secondement, il est eucharistique, c'est-à-dire un sacrifice d'action de grâces. On y rend grâces à Dieu des bienfaits qu'on a reçus de lui. La victime infinie que nous lui offrons est comme un hommage de reconnaissance proportionnée aux dons infinis que nous avons reçus et que nous recevons continuellement de sa bonté et de sa miséricorde.

827. Troisièmement, c'est un sacrifice impétratoire. Jésus

(1) Liv. Iv, des Hérésies, c. XXXII.

Christ est notre médiateur auprès de Dieu, étant sur l'autel sous une figure de mort, et intercède pour nous, en représentant continuellement à Dieu son Père la mort qu'il a soufferte pour son Église. Aussi le sacrifice de la messe est le moyen le plus efficace d'obtenir de Dieu les grâces dont nous avons besoin dans l'ordre spirituel, et même dans l'ordre temporel.

828. Quatrièmement enfin, il est propitiatoire. Il nous obtient la grâce de la conversion, l'esprit de pénitence, la rémission des péchés, en nous appliquant le prix du sacrifice de la croix. « Ceci « est mon sang de la nouvelle alliance, qui sera versé pour plusieurs « en rémission des péchés (1). » Toutefois le sacrifice de la messe ne remet pas le péché directement; il ne produit cet effet que par la grâce et le don de pénitence que nous en retirons. Il dispose le pécheur au sacrement de pénitence, qui est établi pour effacer les péchés commis après le baptême. On l'offre aussi pour les vivants et pour les morts, en expiation des peines temporelles qui peuvent être dues au péché, même après qu'il a été pardonné. « Parce que, « dans ce divin sacrifice qui s'accomplit à la messe, le même Christ . qui s'est offert lui-même une fois sur l'autel de la croix, avec effu«sion de son sang, est réellement présent et immolé d'une manière « non sanglante, le saint concile (de Trente) enseigne que ce sa«crifice (de la messe) est véritablement propitiatoire, et que par « lui nous obtenons miséricorde, et nous trouvons grâce et secours << en temps opportun, si nous nous approchons de Dieu contrits et pénitents, avec un cœur sincère, une foi droite, avec crainte et respect. Car Notre-Seigneur, apaisé par cette oblation, et accordant « la grâce et le don de pénitence, remet les crimes et les péchés, « même les plus grands, puisque c'est la même et unique hostie, << et que celui qui s'offre maintenant par le ministère des prêtres « est le même qui s'est offert sur la croix, n'ayant de différence « que dans la manière d'offrir. C'est par cette oblation non san"glante qu'on reçoit abondamment le fruit de l'oblation qui s'est << faite avec effusion de sang; tant s'en faut que le sacrifice de la « messe déroge en aucune manière au sacrifice de la croix. C'est pourquoi, conformément à la tradition des apôtres, on offre le ⚫ sacrifice eucharistique, non-seulement pour les péchés, les peines, « les satisfactions et les autres nécessités des fidèles qui sont encore « vivants, mais aussi pour ceux qui sont morts en Jésus-Christ, et « qui ne sont pas encore entièrement purifiés (2). »

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(1) Saint Matthieu, c. xxvi, v. 28. — (2) Concile de Trente, sess. xxi, ch. II.

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