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à l'homme vertueux & fans fortune, ou fans crédit, fur l'homme riche & puiffant fans vertu. L'amour du crédit, du luxe & des richeffes s'allume dans le cœur de l'enfant, fans que les inftructions & les exemples de vertu qu'on lui donne puiflent empêcher cet ef fet. L'enfant aime le luxe, le crédit, les richeffes, la magnificence plus que la vérité & la vertu, plus que fes parents: il fera avide & injufte, il fera du bien pour être honoré & du mal pour fe faire craindre, pour se venger de ceux qui ne lui rendent pas hommage il prendra, comme nous l'avons dit, les airs, les inclinations qu'il apperçoit dans les grands, dans les hommes riches.

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Ce caractere, comme on le voit, n'eft point formé par la Nature: c'eft l'ouvrage de l'éducation, ou plutôt de l'exemple; ce font les hommes que l'enfant avoit

fous les yeux, qui ont formé fon caractere: il eût été jufte, bienfaifant & vertueux, s'il n'eût connu que les parents parents, ou s'il n'eût vu dans la maifon paternelle que des hommes modeftes, honnêtes & vertueux,

Si cet enfant pouvoit conferver la mémoire des impreffions étrangeres qu'il a reçues, il fçauroit qu'il doit l'orgueil & les dédains offenfants à celui-ci, à celui-là l'amour des richeffes, à cet autre l'ambition, l'amour de la parure, l'oftentation, &c.

Comme ces exemples agiffent fur l'enfant long-temps avant qu'il réfléchiffe, & qu'on n'a pas obfervé l'effet qu'ils produifent fur fon cœur & fur fon imagination, on croit injustement qu'il tient fon caractere des mains de la Nature, quoiqu'en effet elle eût mis en lui tous les principes des vertus fociaJes & aucun de fes vices ni de fes défauts,

CHAPITRE III.

On peut ramener à la pratique des vertus fociales, les hommes qui s'en écartent.

RIEN n'eft plus puiffant, mais en même-temps rien n'eft auffi Aléxible que l'amour du bonheur : il eft le principe de toutes nos actions, & la fource de toutes nos inconftances; il porte l'homme à tout ce qui a l'apparence du bien, &l'en détache auffitôt qu'il ceffe de le trouver agréable, ou qu'il voit que cette apparence masquoit un mal.

Ce n'est donc point exprès, que l'homme s'écarte de la route qui conduit au bonheur, & pour l'y faire rentrer, il ne faut que l'éclairer & le convaincre qu'il fe trompe, & qu'il prend pour le principe du bonheur, ce qui n'en a que l'appa

rence. Ainfi, pour ramener à la pratique des vertus fociales l'homme qui s'en écarte, il faut lui faire fentir, le convaincre qu'il n'y a point d'autre moyen d'être heureux, que de pratiquer ces vertus, & que tout autre moyen conduit au malheur.

La Nature a tout préparé pour produire cette conviction & ce fentiment dans l'homme.

Par l'amour que la Nature lui infpire pour le bonheur, par le mélange des biens & des maux dont elle l'environne, elle le force à réfléchir fur les objets auxquels le plaifir ou la douleur font attachés, fur les caufes qui produifent le bonheur ou le malheur. Enfin, par la raifon dont elle l'a doué, il peut apperçevoir le rapport & la liaison des caufes & des effets; voir en quelque forte, & fentir en même-temps les chofes qui fe fuccédent; voir & fentir

dans le même inftant les effets & les causes. Or, nous avons vu que la Nature attache le bonheur aux vertus fociales, & le malheur aux vices contraires au bonheur de la fociété : il n'eft donc point d'homme, non-feulement qui ne foit porté à réfléchir fur les caufes du bonheur & du malheur, mais encore qui ne puiffe connoître que le bonheur eft uni à la pratique des vertus fociales, & le malheur aux vices.

Par tout ce que nous avons dit fur les inclinations fociales de T'homme, il eft clair qu'il n'y a point d'homme qui ne puiffe connoître qu'une action qui nuit aux autres, excite la haine des hommes, attire leur indignation, & conduit enfin au malheur. Ainfi toutes les fois qu'un homme veut commettre une action nuifible au bonheur des autres, on peut lui faire voir que cette action con

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