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l'homme doit tendre:il regarde ces Loix comme des barrieres que la prudence oppose à la méchanceré, & non comme des ordres que la Nature nous donne d'être utiles. aux autres hommes: comme des précautions contre le mal, & non comme des fources de bonheur; ainfi, jamais fon cœur n'avoit éprouvé le plaifir que cause la bienfaisance, la reconnoiffance & l'amitié.

CHAPITRE II.

Des fociétés particulieres, & de leurs Loix effentielles.

UNE partie de la furface de la terre eft couverte par les eaux qui forment les mers, des lacs, des fleuves, des rivieres, & qui parta gent la terre en une infinité de divifions plus ou moins étendues,

La portion du globle terreftre qui n'eft point fous les eaux, contient des montagnes, des vallons, des plaines, des côteaux, dont les productions & la fécondité varient à l'infini. Prefque par-tout, on rencontre des terreins ftériles plus ou moins étendus.Les hommes, en fe multipliant, ont donc été forcés de fe partager & de former des corps diftingués & féparés : la différence des aliments & des contrées dans lefquelles les hommes fe font difperfés, a mis beaucoup de variété dans leurs reffources, pour fatisfaire leurs befoins primitifs, & par conféquent beaucoup de diverfité dans leurs mœurs dans leurs caracteres, & dans leurs idées.

Dans la haute Afie où le terrein prodigieufement élevé, fe trouve trop froid pour que les grains & les fruits y mûriffent, & pour que les arbres y croiffent;

la Nature ne produit que des pâ turages, fouvent entre-coupés par des étangs, par des lacs, par des cantons ftériles; les hommes qui s'y font retirés, font naturellement devenus pafteurs & errants; ils ont peu de loifir, ils n'ont pas eu befoin de beaucoup d'amusemens, ils n'ont point inventé d'arts agréables, ils n'ont point exercé leur raifon fur des objets de fpécula

tion.

Il en a été de même à peu près des Germains, des Gaulois dans leurs forêts, des Arabes dans leurs plaines, tantôt ftériles, & tantôt abondantes, & presque toujours coupées par des plages fabloneufes, ils ont été pafteurs & errants, comme les Tartares de la haute Afie mais ayant plus de reffources pour le nourrir, placés fous un climat moins rigoureux, les Germains & les Gaulois ont eu plus de loifir, plus de befoin

de s'éclairer; leurs facultés intellectuelles ont dû fe developper chez eux beaucoup plus que chez les Tartares, & plus encore chez les Arabes, que chez les Gaulois & chez les Germains.

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La diverfité des climats fait fur nos organes & fur nos facultés les mêmes effets que produit fur tous les êtres fenfibles, la différence des faifons & du fpectacle que nous offrent le ciel & la

terre.

Au midi de l'Afie & de l'Europe, en Egypte & dans l'Inde, où la Nature produit abondamment des grains des fruits, les hommes font devenus cultivateurs, & fédentaires : mais ces contrées fi favorifées de la Nature, le lion le léopard, le rhinoceros, le bu fle, l'élephant, une prodigieufe quantité d'animaux pâturants femblent les difputer à l'homme. Il a donc fallu que dans chacune de

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ces contrées les hommes fullent cultivateurs & armés.

Tous les hommes ne naiffent point avec des difpofitions égales pour cultiver la terre, pour conduire les troupeaux, pour donner la chaffe aux animaux terribles; & quand ils naîtroient tous avec des forces égales, il auroit encore fallu former des claffes différentes cultiver la terre, pour pour défendre les moiffons contre les bêtes fauves, & les troupeaux contre les animaux carnaciers à mesure que les befoins ont varié, ou fe font multipliés, ces claffes ont changé, ou se sont multipliées.

Il a fallu néceffairement quelque puiffance qui affignât à chacun la claffe, & à chaque claffe fes fonctions.

Par la loi établie pour la réproduction & pour la multiplication des hommes, cette puiffance à

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