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bientôt en lui, et firent place aux plus grands vices, tels que sont l'injustice, la fourberie, la perfidie, la cruauté, l'irréligion, et d'un grand prince qu'il aurait pu être, en firent un tyran insupportable à ses sujets.

Son fils Persée n'hérita de lui que ses défauts, auxquels il en ajouta un qui lui fut particulier et personnel; je veux dire une sordide et insatiable avarice. Il porta à un excès incroyable cette passion, la plus basse et la plus indigne d'un roi. De peur de tirer quelque argent de ses coffres, il laissa perdre et ruiner tous les grands préparatifs que l'on avait faits avec tant de soin pour soutenir la guerre contre les Romains, et renversa les espérances qu'en avaient conçues les Macédoniens. Il renvoya, par le même motif, vingt mille hommes de troupes choisies, que lui-même avait mandées à son secours, mais à qui il ne put se résoudre de payer la solde dont on était convenu. Il manqua aussi de parole à Gentius, roi des illyriens, et il se crut fort habile en l'amusant par l'espérance de trois cents talens *, qu'il refusa enfin de lui donner, et avec lesquels il aurait pu

Trois cent mille écus.

acheter contre les Romains toutes

les forces de l'Illyrie. Il ne se montrait Plut. in Vi point en cela, dit Plutarque, l'héritièr Emil. Paul.. et l'imitateur d'Alexandre le grand, ni de Philippe, qui, enpratiquant toujours cette maxime, que l'on doit acheter la victoire par l'argent, et non pas l'argent par la victoire, avaient presque subjugué le monde

entier.

On sait quelle fut sa fin. Il avait fait prier Paul Emile de ne le pas donner en spectacle aux Romains et de lui épargner l'affront d'être mené en triomphe. La gráce qu'il demande est en son pouvoir, répliqua le Romam, voulant lui faire entendre qu'il n'avait qu'a se donner la mort à luimême; action que les ténèbres du paganisme faisaient regarder comme la preuve d'une grande àme. Il ne put s'y résoudre, et il orna le triomphe de son vainqueur. Ce fut un objet de mépris pour tous les spectateurs, qui daiguaient à peine jeter les yeux sur lui. Toute la compassion fut pour ses enfans, d'autant plus dignes de pitié, que leur bas âge ne leur permettait pas encore de sentir tout leur malheur.

Paul Emile.

Ce général était fils de l'illustre Paul Emile, qui mourut à la bataille de Cannes. 11 vécut, dit Plutarque. dans un siècle fécond en grands hommes, et il travailla à ne le céder à aucun d'eux. Pour arriver aux dignités, il ne s'appliqua pas, comme c'était alors la coutume, à briller dans le barreau par l'éloquence; ni à gagner la faveur du peuple par de flatteuses complaisances, quoiqu'il fût fort propre à y réussir : il crut devoir s'ouvrir une route plus honorable et plus digne de lui, qui était de se rendre recommandable par la valeur, par la justice et par un ferme attachement à tous ses devoirs; en quoi il surpassa tous les jeunes gens de son âge.

Ayant été associé au collége des Augures, il étudia à fond, et rétablit les anciennes pratiques du culte divin, persuadé qu'en matière de religion rien n'est plus dangereux que d'innover, et que c'est la négligence dans les petites choses qui conduit au violement des règles les plus importantes.

Il ne fut ni moins exact, ni moins sévère, à rétablir et à faire observer

tous les anciens réglemens de la discipline militaire, se montrant terrible et inexorable à ceux qui désobéissaient, et tenant pour maxime (a), que vaincre ses ennemis, n'est presque que l'accessoire et la suite du soin de former ses citoyens par une exacte discipline.

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Un intervalle de temps assez long qui se trouva entre ses deux consulats, lui donna lieu de s'appliquer particulièrement àl'éducation de ses enfans. Il leur donna les plus habiles maîtres en tous genres, n'épargnant pour cela aucune dépense, quoiqu'il n'eût qu'un bien très médiocre. Il assistait à tous leurs exercices, autant que les affaires publiques le lui permettaient, voulant par-là devenir luimême leur premier maître, et laissant aux pères, même les plus occupés ce grand exemple, de regarder l'éducation de leurs enfans comme le plus essentiel de leurs devoirs, et, par cette raison, de ne s'en reposer pas entièrement sur le soin et la bonne foi des autres.

Le grand théâtre où parut dans tout

(α) Μικρό δεῖν πάρεργον ἡγεμενος τὸ νικᾶν τὸς πολεμίες, το παιδεύειν τὰς πολίτας, Plut.

son jour le mérite de Paul Emile, fut la Macédoine. Quand on l'eut obligé d'accepter le consulat, il commença par demander qu'on envoyât sur les lieux des commissaires habiles et intelligens, pour s'informer par eux. mêmes de la situation des affaires de Macédoine, du nombre et de la qualité des troupes de terre et de mer, tant romaines qu'ennemies; de l'état des vivres, des magasins, des arsenaux, de la disposition des alliés; en un mot, de tout ce qui concernait l'armée: sans quoi il était impossible de prenXénoph. lib. dre de justes mesures. C'était (a) 1.Cyropad. l'une des importantes instructions que Cambyse, roi de Perse, donna à Cyrus son fils, lorsqu'il partit pour sa première campagne, lui recommandant

de ne jamais s'engager dans aucune entreprise, sans s'être auparavant assuré de tous les moyens et de tous les secours nécessaires pour la faire réussir.

Nous avons dit que Nasica avait fort pressé Paul Emile de donner la bataille, dès qu'on fut arrivé près du camp des Macédoniens, dans la

(a) Ex his bene cognitis, certa in futurum consilia capi posse ratus. Liv. lib. 44. n. 18.

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