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poser après avoir reçu l'absolution; ce n'est que le commencement du travail. Ce remède sacré de la pénitence n'a fait que la moitié de son opération; n'empêche pas l'autre par ta négligence: autrement nous sommes coupables de la profanation de ce sacrement, le violant dans sa partie la plus nécessaire, c'est-à-dire, dans le secours qu'il nous donne pour nous corriger. Quand ce ne seroit qu'un simple remède, ce seroit toujours beaucoup de le rejeter de la main de ce médecin charitable: mais c'est un remède sacré; il y a de la profanation et du sacrilége: et comme Dieu ne venge rien tant que la profanation de ses saints mystères, sa colère s'élevera enfin contre nous, et il ne nous permettra pas de nous jouer ainsi de ses dons.

C'est une parole bien remarquable du sacré concile d'Elvire. « Ceux, dit-il, qui retomberont dans » leurs premiers crimes après le remède de la péni» tence, il nous a plu qu'on ne leur permît pas de » se jouer encore une fois de la communion ». Placuit eos non ludere ulteriùs de communione pacis (1). Voilà une terrible parole. Vous voyez que cette assemblée vénérable estime qu'on se joue des sacrés mystères, lorsqu'après les avoir reçus, on retourne à ses premières ordures; et cela quand ce ne seroit qu'une fois. Si nous avions à rendre compte de nos actions en présence de ces saints évêques, quelles exclamations feroient-ils ? nous prendroient-ils pour des chrétiens, nous qui faisons comme un jeu d'enfant de la grâce de la pénitence? cent fois la quitter, cent fois la reprendre; cent fois promettre, (1) Cap. XLVIII. Lab. tom. 1, col. 975.

cent fois manquer; n'est-ce pas se jouer des saints sacremens? Mais, ô jeu funeste pour nous! qu'une créature impuissante ose ainsi se jouer à Dieu, et ce qui est bien plus horrible, se jouer de Dieu! c'est se jouer de Dieu, que de se jouer de ses dons. Ah! il est temps enfin que ce jeu finisse ; il y a déjà trop long-temps qu'il dure, il y a déjà trop long-temps que nous abusons de la pénitence.

Et ne me dites pas que sa miséricorde est infinie: il est vrai qu'elle est infinie; mais ses effets ont leurs limites que sa sagesse leur a marquées. Elle qui a compté les étoiles, qui a borné l'étendue du ciel dans une rondeur finie, qui a prescrit des bornes aux flots de la mer, a marqué aussi la hauteur jusqu'où elle a résolu de laisser croître nos iniquités. Dieu a dit que ses miséricordes n'ont point de mesure; mais il a dit aussi dans son Evangile : « Rem» plissez la mesure de vos pères (1) ». Il a dit qu'il recevroit tous les pénitens; mais il a dit aussi à certains pécheurs : << Vous mourrez dans votre pé» ché (2) ». Il a pardonné à l'un des larrons; mais l'autre a été condamné dans le trône même de miséricorde, à la croix : il a reçu Madeleine et Pierre; mais il a fermé les oreilles aux prières d'Antiochus: il a endurci Pharaon; il a puni d'une mort soudaine le premier péché d'Ananias et de Sapphira. Ne croyez pas qu'il nous laisse pécher des siècles entiers. Il faut mettre fin à tous ces désordres; et il n'y a que ces deux moyens d'arrêter le cours de nos crimes, ou le supplice, ou la pénitence: si nous ne l'arrêtons une fois par une pénitence fidèle, Dieu (1) Matt. xx. 32. (2) Joan. vIII. 24.

sera contraint de l'arrêter par une vengeance impłacable. Tu disputes contre Dieu depuis si longtemps à qui emportera le dessus, toi à pécher, lui à pardonner; ta malice conteste contre sa bonté; enfin elle te laissera la victoire. Ah! victoire funeste et terrible, par laquelle ayant mis à bout sa miséricorde, nous tomberons inévitablement dans les mains de sa rigoureuse justice.

Prévenons, fidèles, un si grand malheur : c'est pour cela que Dieu nous envoie cette grâce extraordinaire du saint jubilé, afin que nous rentrions en nous-mêmes. Si nous ajoutons le mépris d'une telle grâce à celui de tous ses autres bienfaits, Dieu s'irritera d'autant plus que la libéralité méprisée aura été plus considérable : sa haine s'allumera avec plus d'aigreur, si nous rompons le sacré lien de cette réconciliation solennelle : nos mauvaises inclinations reprendront de nouvelles forces, après qu'elles auront résisté à un remède si efficace : nos cœurs s'endurciront davantage, si cette grâce extraordinaire ne les amollit; et il vengera d'autant plus rigoureusement la sainteté de ses sacremens profanés, après qu'il aura voulu les accompagner

d'une rémission si universelle..

Corrigeons donc enfin notre vie passée; recevons le remède de la pénitence dans l'une et dans l'autre de ses qualités; qu'elle efface les fautes passées, qu'elle prévienne les maux à venir. Recevons-la comme un remède qui purge et comme un préservatif qui prévient. La disposition pour la recevoir comme remède des péchés passés, c'est une véritable douleur de les avoir commis; la disposition pour la

recevoir en qualité de précaution, c'est une crainte filiale d'y retourner, et une fuite des occasions dans lesquelles nous savons par expérience que notre intégrité a déjà tant de fois fait naufrage. Renouvelons-nous si bien dans la vie présente, que nous allions jouir avec Dieu de ce grand et éternel renouvellement, qu'il a prédestiné à ses serviteurs pour la gloire de la grâce de Jésus-Christ son fils bienaimé, qui avec lui et le Saint-Esprit vit et règne aux siècles des siècles. Amen.

SERMON

POUR LE VENDREDI

APRÈS LES CENDRES.

Opposition de l'homme à la concorde. Dette de la charité fraternelle, ses obligations, ses caractères : jusqu'où doit s'étendre l'amour des ennemis : comment on doit combattre leur haine : vengeance qui nous est permise contre eux.

Diligite inimicos vestros, benefacite his qui oderunt vos, et orate pro persequentibus et calumniantibus vos.

'Aimez vos ennemis; faites du bien à ceux qui vous haïssent; priez pour ceux qui vous persécutent et vous calomnient. Matth. v. 44.

L'HOMME

'HOMME est celui des animaux qui est le plus né pour la concorde, et l'homme est celui des animaux où l'inimitié et la haine font de plus sanglantes tragédies. Nous ne pouvons vivre sans société, et nous ne pouvons aussi y durer long-temps: Nihil est homini amicum sine homine amico (1). La douceur de la conversation et la nécessité du commerce nous font désirer d'être ensemble; et nous n'y pouvons demeurer en paix : nous nous cherchons, nous nous déchirons; et dans une telle contrariété de nos dé

(1) S. Aug. Epist. ad Prob. n. 4, tom. 11, col. 384.

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