Images de page
PDF
ePub

la contrition: abaissez la tête de ce rebelle, mais que ce soit par l'humilité. O noble et glorieuse vengeance! plût à Dieu que nous fussions tous vengés de la sorte! Saul avoit persécuté saint Etienne; il l'avoit lapidé, dit saint Augustin (1), par les mains de tous ses bourreaux : le sang de ce martyr n'avoit fait que l'exciter au carnage; il alloit rugissant et frémissant contre l'innocent troupeau du Fils de Dieu. Vive Dieu, dit le Seigneur je vengerai mes serviteurs, et une telle violence ne demeurera pas impunie. Il arrête Saul dans son voyage; il le met à ses pieds tremblant et confus. Ne vous semble-t-il pas, chrétiens, que saint Etienne est bien vengé de cet ennemi? Il est vengé comme il le vouloit Domine, ne statuas illis hoc peccatum (2): << Seigneur, ne leur imputez point ce péché ». C'est contre le péché qu'il veut se venger, et voilà le péché détruit et son règne renversé par terre. Saul devenu Paul ne songe plus qu'à achever cette vengeance; tous les jours il travaille à détruire en lui le péché et ses convoitises : c'est pour cela qu'il châtie son corps et le réduit dans la servitude, et il venge par ce moyen, c'est saint Augustin qui le dit, et saint Etienne et les chrétiens qu'il avoit injustement persécutés : Nonne tibi videtur in seipso Stephanum martyrem vindicare? Il les venge, et de quelle sorte? c'est qu'il combat, c'est qu'il affoiblit, c'est qu'il surmonte en lui-même ce péché régnant, cette tyrannie de ses convoitises qui l'avoit porté à ses violences: Nam hoc in se utique prosternebat,

(1) Serm. cccxv, n. 7, tom. v, col. 1266. — (2) Act. vii. 59.

et debilitabat, et victum ordinabat, unde Stephanum cæterosque Christianos fuerat persecutus (1).

Chrétiens, prions persévéramment pour obtenir de Dieu cette vengeance, qui sera le salut de nos ennemis. Si nous faisons bien cette prière, jamais nous ne pourrons vouloir du mal à ceux à qui nous désirons un si grand bien: car le règne du péché ne pouvant être détruit en eux, que le règne de Dieu ne leur advienne, pouvons-nous avoir de l'inimitié, si nous demandons pour eux un tel bonheur? Quoi! leur envierons-nous les biens de la terre en leur souhaitant ceux du ciel? Si nous ne voulons pas être avec eux, nous leur souhaitons plus de bonheur qu'à nous-mêmes, et si nous souhaitons d'en jouir en leur compagnie, pouvons-nous avoir de la haine contre ceux que nous désirons avoir éternellement pour amis ? Vous ne pouvez donc pas prier pour eux sans les aimer sincèrement; et cependant Dieu vous oblige à prier pour eux. On ne considère pas jusqu'où va cette obligation. Quand vous dites: Notre Père, délivrez-nous du mal; vous demandez à Dieu qu'il détruise en nous ce règne du péché : vous ne parlez pas pour vous seul. Quoi ! excluez-vous votre ennemi ? voulez-vous qu'il soit damné ? Loin de la douceur chrétienne une vengeance si enragée, et digne d'un démon et non pas d'un homme. Si vous l'y comprenez, le demandezvous sincèrement ? C'est devant Dieu que vous parlez: donc en demandant que Dieu le délivre d'un si grand mal, pouvez-vous lui désirer aucun mal?

(1) S. Aug. de Serm. Dom. loco sup. citato.

Il n'y a que la charité qui prie si vous n'avez la charité, votre intention dément vos paroles; et quand la bouche les nomme, le cœur les exclut.

Qu'il n'en soit pas ainsi, chrétiens; répandons devant notre Dieu des vœux sincères pour nos ennemis, et qu'il n'y ait personne en qui nous ne souhaitions que le règne du péché se détruise: comprenonsy tous nos ennemis et tous les ennemis de l'Eglise. Si le péché n'eût régné en eux, ils ne se seroient pas séparés de notre unité. L'ambition, l'amour de soimême et de ses propres opinions, c'est ce qui a causé ce schisme, c'est ce qui a fait naître cette division scandaleuse. Seigneur, vengez-nous de ces ennemis, et vengez votre Eglise à qui ils ont arraché tant de ses enfans. Dieu l'a déjà fait, chrétiens : ils se sont divisés, et il les divise; « Ils ont pris le glaive de » division », et ils ont déchiré l'Eglise de Dieu : Ipsi habent gladium divisionis. « Mais parce que le Fils » de Dieu a dit véritablement que celui qui frappe»roit par le glaive, mourroit par le glaive, voyez >> ceux qui se sont retranchés de l'unité, en combien » de morceaux ils sont partagés Sed quia verum dixerat Dominus, Qui gladio percutit, gladio morietur, videte illos, Fratres mei, qui se ab unitate præciderunt, in quot frusta præcisi sunt (1). Luthériens, calvinistes, anabaptistes, sociniens, arminiens, et tant d'autres; autant d'opinions que de têtes en Angleterre. Dieu a vengé son Eglise; ils n'ont pas voulu l'unité, ils seront divisés même parmi eux. Seigneur, ce n'est pas là toute la vengeance: (1) De Agon. Christ. n. 31, tom. v1, col. 259.

détruisez

détruisez le règne du péché en eux; ramenez-les au règne de la charité : c'est ce que l'Eglise demande, c'est pourquoi elle gémit et elle soupire.

Vous voyez des fruits de ses prières en ces nouveaux enfans, qui sont venus chercher en son sein la vie qui ne se peut trouver dans une autre source. Mes Frères, je les recommande à vos charités. Vous êtes las peut-être de les entendre si souvent recommander aux prédicateurs; et nous pouvons vous avouer, devant ces autels, que nous sommes las de le faire: non pas que nous nous lassions de demander du secours pour des misérables; car à quoi peuvent être mieux employées nos voix? Nous ne rougissons pas de quêter pour elles; nous ne nous lassons pas de parler pour elles: mais nous rougissons pour vous-mêmes de ce qu'il faut encore vous le demander, de ce qu'après qu'on a crié depuis tant d'années au secours pour ces pauvres filles qui sont venues à l'Eglise, et qui n'y peuvent trouver du pain; qui ont couru à nous, et que notre lâcheté abandonne; on crie, et l'on crie vainement: tant de prédicateurs vous l'ont dit, et le zèle ne s'échauffe pas, etc.

BOSSUET. XII.

10

SERMON

POUR LE SAMEDI APRÈS LES CENDRES.

SUR L'ÉGLISE.

Fermeté immobile de l'Eglise au milieu des furieuses tempêtes qui l'ont agitée. Principe d'opposition aux vérités divines que l'homme porte dans son cœur. Aveuglement et présomption, deux causes de cette répugnance. Combien, avec de pareilles dispositions dans les hommes, il est peu étonnant que l'Eglise ait eu à éprouver de si terribles contradictions. Sa victoire sur les hérésies: comment la curiosité les a-t-elle enfantées. Etonnante dépravation des mœurs dans l'Eglise même : le triomphe de sa charité au milieu de tant de désordres.

Erat navis in medio mari.

Le navire étoit au milieu de la mer. Marc. vi. 47.

Le mystère de l'Evangile, c'est l'infirmité et la force unies, la grandeur et la bassesse assemblées. Ce grand mystère, Messieurs, a paru premièrement en notre Sauveur, où la puissance divine et la foiblesse humaine s'étant alliées, composent ensemble ce tout admirable que nous appelons Jésus-Christ: mais ce qui paroît en sa personne, il a voulu aussi le faire éclater dans l'Eglise, qui est son corps, «< où » une partie triomphe par les miracles, l'autre suc> combe sous les outrages qu'elle reçoit » Unum

S

« PrécédentContinuer »