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III.E SERMON

POUR

LE LER DIMANCHE DE CARÊME,

PRÉCHÉ DEVANT LE ROI.

Vérité évangélique : ignorance, oubli, mépris des hommes à son égard ses différens états, affoiblissement qu'elle éprouve, son efficacité: attention qui lui est due dispositions nécessaires pour l'éconter avec fruit.

:

Non in solo pane vivit homo, sed in omni verbo quod pro

cedit de ore Dei.

L'homme ne vit pas seulement de pain, mais il vit de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Matth. 1v. 4.

C'EST une chose surprenante que ce grand silence de Dieu parmi les désordres du genre humain. Tous les jours ses commandemens sont méprisés, ses vérités blasphémées, les droits de son empire violés; et cependant son soleil ne s'éclipse pas sur les impies; la pluie arrose leurs champs; la terre ne s'ouvre pas sous leurs pieds; il voit tout, et il dissimule, il considère tout, et il se tait.

Je me trompe, chrétiens, il ne se tait pas ; et sa bonté, ses bienfaits, son silence même est une voix

publique

publique qui invite tous les pécheurs à se reconnoître. Mais comme nos cœurs endurcis sont sourds à de tels propos, il fait résonner une voix plus claire, une voix nette et intelligible, qui nous appelle à la pénitence. Il ne parle pas pour nous juger; mais il parle pour nous avertir, et cette parole d'avertissement qui retentit en ces temps dans toutes les chaires, doit servir de préparatif à son jugement redoutable. C'est, Messieurs, cette parole de vérité que les prédicateurs de l'Evangile sont chargés de vous annoncer durant cette sainte quarantaine; c'est elle qui nous est présentée dans notre Evangile, pour nous servir de nourriture dans notre jeûne, de délices dans notre abstinence, et de soutien dans notre foiblesse: Non in solo pane vivit homo; sed in omni verbo quod procedit de ore Dei. J'ai dessein aujourd'hui de vous préparer à recevoir saintement cette nourriture immortelle. Mais, ô Dieu, que serviront mes paroles, si vous-même n'ouvrez les cœurs, et si vous ne disposez les esprits des hommes à donner l'entrée à votre Esprit saint? Descendez donc, ô divin Esprit, et venez vous-même préparer vos voies. Et vous, ô divine Vierge, donnez-nous votre secours charitable, pour accomplir dans les cœurs l'ouvrage de votre Fils bien aimé. Nous vous en prions humblement par les paroles de l'ange. Ave.

JESUS-CHRIST, Seigneur des seigneurs, et Prince des rois de la terre, quoique élevé dans un trône souverainement indépendant, néanmoins, pour donner à tous les monarques qui relèvent de sa BOSSUET. XII.

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puissance, l'exemple de modération et de justice, il a voulu lui-même s'assujettir aux réglemens qu'il a faits et aux lois qu'il a établies. Il a ordonné, dans şon Evangile, que les voies douces et amiables précédassent toujours les voies de rigueur, et que les pécheurs fussent avertis avant que d'être jugés. Ce qu'il a prescrit, il l'a pratiqué: car «< ayant, comme dit l'a» pôtre, établi un jour dans lequel il doit juger le » monde en équité, il dénonce auparavant à tous les » pécheurs qu'ils fassent une serieuse pénitence » : Nunc annuntiat omnibus hominibus, ut omnes ubique pœnitentiam agant, eo quod statuit diem in quo judicaturus est orbem in æquitate (1) : c'est-à-dire, qu'avant que de monter sur son tribunal, pour condamner les coupables par une sentence rigoureuse, il parle premièrement dans les chaires, pour les ramener à la droite voie par des avertissemens charitables.

C'est en ce saint temps de pénitence que nous devons une attention extraordinaire à cette voix paternelle qui nous avertit. Car, encore qu'elle mérite en tout temps un profond respect, et que ce soit toujours un des devoirs des plus importans de la piété chrétienne que de donner audience aux discours sacrés; ç'a été toutefois un sage conseil de leur consacrer un temps arrêté par une destination particulière, afin que, si tel est notre aveuglement, que nous abandonnions presque toute notre vie aux pensées de vanité qui nous emportent, il y ait du moins quelques jours dans lesquels nous écoutions la vérité qui nous conseille charitablement, avant que de prononcer notre sentence, et qui s'avance à

(1) Act. xvii. 30, 31.

nous pour nous éclairer, avant que de s'élever contre nous pour nous confondre.

Paroissez donc, ô vérité sainte, faites la censure publique des mauvaises mœurs; illuminez par votre présence ce siècle obscur et ténébreux; brillez aux yeux des fidèles, afin que ceux qui ne vous connoissent pas, vous entendent; que ceux qui ne pensent pas à vous, vous regardent ; que ceux qui ne vous aiment pas, vous embrassent.

Voilà, chrétiens, en peu de paroles trois utilités principales de la prédication évangélique. Car, ou les hommes ne connoissent pas la vérité, ou les hommes ne pensent pas à la vérité, ou les hommes ne sont pas touchés de la vérité. Quand ils ne connoissent pas la vérité, parce qu'elle ne veut pas les tromper, elle leur parle pour éclairer leur intelligence. Quand ils ne pensent pas à la vérité, parce qu'elle ne veut pas les surprendre, elle leur parle pour attirer leur attention. Quand ils ne sont pas touchés de la vérité, parce qu'elle ne veut pas les condamner, elle leur parle pour échauffer leurs désirs, et exciter après elle leur affection languissante. Que si je puis aujourd'hui mettre dans leur jour ces trois importantes raisons, les fidèles verront clairement combien ils doivent se rendre attentifs à la prédication de l'Evangile ; parce que s'ils ne sont pas bien instruits, elle leur découvrira ce qu'ils ignorent; et s'ils sont assez éclairés, elle les fera penser à ce qu'ils savent; et s'ils y pensent sans être émus, le Saint-Esprit agissant par l'organe de ses ministres, elle fera entrer dans le fond du cœur ce qui ne fait qu'effleurer la surface de leur esprit. Et

comme ces trois grands effets comprennent tout le fruit des discours sacrés, j'en ferai aussi le sujet et le partage de celui-ci, qui sera, comme vous voyez, le préparatif nécessaire et le fondement de tous les

autres.

PREMIER POINT.

COMME la vérité de Dieu, qui est notre loi immuable, a deux états différens, l'un qui touche le siècle présent, et l'autre qui regarde le siècle à venir; l'un où elle règle la vie humaine, et l'autre où elle la juge aussi le Saint-Esprit nous la fait paroître dans son Ecriture sous deux visages divers, et lui donne des qualités convenables à l'un et à l'autre. Dans le psaume cent dix-huitième, où David parle si bien de la loi de Dieu, on a remarqué, chrétiens, qu'il l'appelle tantôt du nom de commandement, tantôt de celui de conseil; quelquefois il la nomme un jugement, et quelquefois un témoignage. Mais encore que ces quatre titres ne signifient autre chose que la loi de Dieu, toutefois il faut observer que les deux premiers lui sont propres au siècle où nous sommes, et que les deux autres lui conviennent mieux dans celui que nous attendons. Dans le cours du siècle présent cette même vérité de Dieu, qui nous paroît dans sa loi, est tout ensemble un commandement absolu et un conseil charitable. Elle est un commandement, qui enferme la volonté d'un souverain; elle est aussi un conseil, qui propose l'avis d'un ami. Elle est un commandement, parce que ce souverain y prescrit ce qu'il exige de nous pour les intérêts de son ser

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