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instruction, [ ce qu'il n'a pas appris pour le manifester aux hommes, lui est inconnu dans sa qualité d'envoyé et de député vers eux, quoiqu'il le sache parfaitement comme égal à son Père, participant à sa science, d'une même nature avec lui. ] Mais de quelque sorte que nous l'entendions, toujours devons-nous conclure que la science des temps, et surtout la science du dernier moment, est l'un des mystères secrets que Dieu veut tenir cachés à ses fidèles : c'est par une volonté déterminée qu'« il » cache le dernier jour, afin que nous observions >> tous les jours » Latet ultimus dies, ut observentur omnes dies (1). Et cependant encore une fois, que n'entreprendra pas l'arrogance humaine? L'homme audacieux veut philosopher sur ce temps, veut pénétrer dans cet avenir.

Mes paroles sont inutiles; parlez vous-même, ô Seigneur Jésus, et confondez ces cœurs endurcis. Quand on leur parle des jugemens [de Dieu], «< cette vision, disent-ils en Ezéchiel, ne sera pas si» tôt accomplie » In tempora longa iste prophetat (2). Quand on tâche de les effrayer par les terreurs de la mort, ils croient qu'on leur donne encore du temps. Jésus-Christ les veut serrer de plus près, et voici qu'il leur représente la justice divine irritée et toute prête à frapper le coup: Jam enim securis ad radicem arborum posita est (3): « La cógnée est » déjà posée à la racine de l'arbre ».

Mais je veux bien t'accorder, pécheur, qu'il te reste encore du temps: pourquoi tardes-tu à te con

(3) S. Aug. Serm. xxxix, n. 1, tom. v, col. 199. —(2) Ezech. x11. 27.(3) Matt. 111. 10.

vertir? pourquoi ne commences-tu pas aujourd'hui? crains-tu que ta pénitence ne soit trop longue d'un jour? Quoi, non content d'être criminel, tu veux durer long-temps dans le crime! tu veux que ta vie soit longue et mauvaise! tu veux faire cette injure à Dieu, toujours demander du temps, et toujours le perdre! car tu rejettes tout au dernier moment. C'est le temps des testamens, dit saint Chrysostôme (1), et non pas et non pas le temps des mystères. Ne sois pas de ceux qui diffèrent à se reconnoître quand ils ont perdu la connoissance, qui attendent presque que les médecins les aient condamnés pour se faire absoudre par les prêtres; qui méprisent si fort leur ame, qu'ils ne pensent à la sauver que lorsque le corps est désespéré.

Faites pénitence, mes Frères, tandis que le médecin n'est pas encore à votre côté, vous donnant des heures qui ne sont pas en sa puissance, mesurant les momens de votre vie par des mouvemens de tête, et tout prêt à philosopher admirablement sur le cours et la nature de la maladie, après la mort. N'attendez pas, pour vous convertir, qu'il vous faille crier aux oreilles, et vous extorquer par force un oui ou un non: que le prêtre ne dispute pas près de votre lit avec votre avare héritier, ou avec vos pauvres domestiques; pendant que l'un vous presse pour les mystères, et que les autres sollicitent pour leur récompense, ou vous tourmentent pour un testament (2). Convertissez-vous de bonne heure ; n'attendez pas que la maladie vous donne ce conseil

(1) In Act. Apost. homil. 1, n. 7, tom. 1x, pag. 12. —(2) S. Gregor. Naz. Orat. x1, tom. 1, p. 643, 644.

salutaire :

salutaire que la pensée en vienne de Dieu et non de la fièvre, de la raison et non de la nécessité, de l'autorité divine et non de la force. Donnez-vous à Dieu avec liberté, et non avec angoisse et inquiétude. Si la pénitence est un don de Dieu, célébrez ce mystère dans un temps de joie, et non dans un temps de tristesse. Puisque votre conversion doit réjouir les anges, c'est un fâcheux contre-temps de la commencer quand votre famille est éplorée. Si votre corps est une hostie qu'il faut immoler à Dieu, consacrez-lui une hostie vivante : si c'est un talent précieux qui doit profiter entre ses mains, mettez-le de bonne heure dans le négoce, et n'attendez pas pour le lui donner qu'il faille l'enfouir en terre. Aprèsavoir été le jouet du temps, prenez garde que vous ne soyez le jouet de la pénitence; qu'elle ne fasse semblant de se donner à vous; que cependant elle ne vous joue par des sentimens contrefaits, et que vous ne sortiez de cette vie après avoir fait, non une pénitence chrétienne, mais une amende honorable qui ne vous délivrera pas du supplice. Ecce nunc tempus acceptabile, ecce nunc dies salutis (1): « Voilà le temps favorable, voici les jours de salut ». [ Evitez ] l'écueil [ où vous conduit ] l'impénitence; [cherchez] le port où la bonté de Dieu vous invite, où vous trouverez la miséricorde éternelle.

(1) II. Cor. VI, 2.

BOSSUET. XII.

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SERMON

POUR

LE LUNDI DE LA I.RE SEMAINE

DE CARÊME.

SUR L'AUMÔNE.

Obligation, vertu de l'aumône : ses rapports avec ce qui se passe dans le jugement. Effets de la miséricorde divine dans l'œuvre de notre sanctification: vraie manière de l'honorer: sacrifice qu'elle exige. Juste sujet de damnation dans la dureté de cœur pour les misérables (*).

Quamdiù non fecistis uni de minoribus his, nec mihi fecistis.

Quand vous n'avez pas secouru les moindres personnes qui souffroient, c'est à moi que vous avez refusé ce secours. Matt. xxv. 45.

QUAND le Fils de Dieu s'est fait homme, quand il s'est revêtu de nos foiblesses, et «< qu'il a passé, » comme dit l'apôtre (1), par toutes sortes d'épreuves, » à l'exception du péché »; il est entré avec nous

(*) Nous n'avons de ce sermon que le premier point. Il paroît que l'auteur n'a pas composé les autres parties, s'étant contenté de renvoyer dans son manuscrit à d'autres sermons relatifs à la même matière (Edit. de Déforis.)

(1) Hebr. IV. 15.

dans des liaisons si étroites, et il a pris pour tous les mortels des sentimens si tendres et si paternels, que nos maux sont ses maux, nos infirmités ses infirmités, nos douleurs enfin ses douleurs propres. C'est ce que l'apôtre saint Paul a exprimé en ces paroles, dans la divine Epître aux Hébreux : «Nous n'avons » pas un pontife qui soit insensible à nos maux, » ayant lui-même passé par toutes sortes d'épreuves, » à l'exception du péché, à cause de sa ressemblance » avec nous (1) ». Et ailleurs, dans la même épître : << Il a voulu, dit l'apôtre (2), être en tout semblable » à ses frères, pour être pontife compatissant » : Ut misericors fieret et fidelis pontifex apud Deum. Cela veut dire, Messieurs, qu'il ne nous plaint pas seulement comme ceux qui sont dans le port plaignent les autres, qu'ils voient sur la mer agités d'une furieuse tempête; mais qu'il nous plaint, si je l'ose dire, comme ses compagnons de fortune, comme ayant eu à souffrir les mêmes misères que nous, ayant eu aussi bien que nous une chair sensible aux douleurs, et un sang capable de s'altérer, et une température de corps sujette comme la nôtre à toutes les incommodités de la vie et à la nécessité de la mort. Il a eu faim sur la terre; et il nous proteste, dans notre Evangile, qu'il a faim encore dans tous les nécessiteux : il a été lié cruellement ; et il se sent encore lié dans tous les captifs : il a souffert et il a langui; et vous voyez qu'il déclare qu'il souffre et qu'il languit encore dans tous les infirmes. De sorte, dit Salvien, que chacun n'endure que ses propres (1) Hebr. 1v. 15. — (2) Ibid. 11. 17.

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