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Dieu dans le ciel qui venge les péchés des peuples, mais surtout qui venge les péchés des rois. C'est lui qui veut que je parle ainsi; et si votre Majesté l'écoute, il lui dira dans le cœur ce que les hommes ne peuvent pas dire. Marchez, ô grand Roi, constamment sans vous détourner, par toutes les voies qu'il vous inspire; et n'arrêtez pas le cours de vos grandes destinées, qui n'auront jamais rien de grand, si elles ne se terminent à l'éternité bienheureuse.

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BOSSUET. XII.

SERMON

POUR LE VENDREDI

DE LA III. SEMAINE DE CARÊME,

SUR LE CULTE DÙ A DIEU.

Deux conditions pour rendre notre culte agréable à Dieu. Idée que nous devons concevoir de sa nature. Trois notions principales pour nous porter à l'adorer. Idoles que l'homme abusé se forme des perfections divines. Quel est le seul lieu où il soit adoré en vérité. Comment on connoît pleinement son essence et ses attributs. Trois qualités principales de l'adoration spirituelle : défauts qui la corrompent.

Veri adoratores adorabunt Patrem in spiritu et veritate. Les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité. Joan. iv. 23.

La plus noble qualité de l'homme, c'est d'être l'humble sujet et le religieux adorateur de la nature divine. Nous sommes pressés de toutes parts de rendre nos hommages à ce premier Etre qui nous a produits par sa puissance, et nous rappelle à luimême par l'ordre de sa sagesse et de sa bonté.

Toute la nature veut honorer Dieu, et adorer son principe autant qu'elle en est capable. La créature privée de raison et de sentiment n'a point de

cœur pour l'aimer ni d'intelligence pour le comprendre; «< ainsi ne pouvant connoître; tout ce

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qu'elle peut, dit saint Augustin, c'est de se pré» senter elle-même à nous pour être du moins con»nue, et pour nous faire connoître son divin au>>teur » Quæ cùm cognoscere non possit, quasi innotescere velle videtur (1). C'est pour cela qu'elle étale à nos yeux avec tant de magnificence son ordre, ses diverses opérations et ses infinis ornemens. Elle ne peut voir, elle se montre; elle ne peut adorer, elle nous y porte; et ce Dieu qu'elle n'entend pas, elle ne nous permet pas de l'ignorer : c'est ainsi qu'imparfaitement et à sa manière, elle glorifie le Père céleste. Mais l'homme, animal divin, plein de raison et d'intelligence, et capable de connoître Dieu par lui-même et par toutes les créatures, est aussi pressé par lui-même et par toutes les créatures à lui rendre ses adorations. C'est pourquoi il est mis au milieu du monde, mystérieux abrégé du monde, afin que contemplant l'univers entier et le ramassant en soi-même, il rapporte uniquement à Dieu, et soi-même, et toutes choses; si bien qu'il n'est le contemplateur de la nature visible, qu'afin d'être l'adorateur de la nature invisible qui a tout tiré du néant par sa souveraine puissance.

Mais, mes Frères, ce n'est pas assez que nous connoissions combien nous devons de culte à cette nature suprême, si nous ne sommes instruits de quelle manière il lui plaît d'être adorée. C'est pourquoi «<le Fils unique, qui est dans le sein du Père, (1) De Civ. Dei, lib. x1, cap. xxvii, tom. vii, col. 293.

» est venu pour nous l'apprendre (1) » ; et nous en serons parfaitement informés, si nous entendons ce que c'est que cette sublime adoration en esprit et en vérité que Jésus-Christ nous prescrit.

Pour rendre à Dieu un culte agréable, il faut observer, Messieurs, deux conditions nécessaires ; la première que nous connoissions ce qu'il est; la seconde que nous disposions nos cœurs envers lui d'une façon qui lui plaise. Il me semble que le Sauveur nous a enseigné ces deux conditions dans ces deux paroles de mon texte, « en esprit et en vé» rité ». Le principe de notre culte, c'est que nous ayons de Dieu des sentimens véritables, et que nous le croyions ce qu'il est. La suite de cette croyance, c'est que nous épurions devant lui nos intentions, et que nous nous disposions comme il le demande. La première de ces deux choses nous est exprimée par l'adoration en vérité, et la seconde est comprise par l'adoration en esprit. Je veux dire que l'adoration en vérité exclut les fausses impressions qui ravilissent Dieu dans nos esprits, et que l'adoration en esprit bannit les mauvaises dispositions qui l'éloignent de notre cœur. Si bien que l'adoration en vérité fait que nous voyons Dieu tel qu'il est, et l'adoration en esprit fait que Dieu nous voit tels qu'il nous veut. Le Fils de Dieu par les bonnes dispositions nous mène à la vérité : in spiritu, bien disposés; in veritate, Dieu bien conçu; il se fait connoître aux bien disposés. Ainsi toute l'essence de la religion est enfermée en ces deux paroles; et je prie mon Sauveur de me pardonner, si, pour aider votre

(1) Joan. 1. 18.

intelligence, j'en commence l'explication par qu'il lui a plu de prononcer la dernière.

PREMIER POINT.

celle

L'ADORATION religieuse, c'est une reconnoissance en Dieu de la plus haute souveraineté, et en nous de la plus profonde dépendance. Je dis donc, encore une fois, et je pose pour fondement que le principe de bien adorer, c'est de bien connoître. L'oraison, dit saint Thomas (!), et il faut dire de même de l'adoration dont l'oraison est une partie, est un acte de la raison; car le propre de l'adoration, c'est de mettre la créature dans son ordre, c'est-à-dire de l'assujettir à Dieu. Or est-il qu'il appartient à la raison d'ordonner les choses donc la raison est le principe de l'adoration, laquelle par conséquent doit être conduite par la connoissance.

:

Mais l'effet le plus nécessaire de la connoissance, dans cet acte de religion, c'est de démêler soigneusement de l'idée que nous nous formons de Dieu toutes les imaginations humaines. Car notre foible entendement ne pouvant porter une idée si haute et si pure, attribue toujours, si l'on n'y prend garde, quelque chose du nôtre à ce premier Etre. Quelques-uns plus grossiers lui donnent une forme humaine, mais s'empêchent de lui attribuer une manière d'agir conforme à la nôtre. Nous le faisons penser comme nous, nous l'assujettissons à nos règles, et chacun se le représente à sa façon particulière. Toutes ces idées, dit saint Augustin (2), que chacun se forme

peu

(1) 2. 2. Quæst. LXXXIII. art. 1. — ·(2) Quæst, in Jos. lib. vi, tom. III, part. 1, col. 593.

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