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que dans le vieux Testament. Dieu se plaisant à se faire voir avec un appareil majestueux, il étoit convenable que la Synagogue son épouse eût des marques de grandeur extérieure: et au contraire que dans le nouveau, dans lequel Dieu a caché toute sa puissance sous une forme servile, l'Eglise, son corps mystique, devoit être une image de sa bassesse, et porter sur elle la marque de son anéantissement volontaire. Et n'est-ce pas pour cela, mes Frères, que ce même Dieu humilié, « voulant, dit-il, rem

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plir sa maison », ut impleatur domus mea (1), ordonne à ses serviteurs de lui aller chercher tous les misérables? Voyez comme il en fait lui-même le dénombrement : « Allez-vous-en, dit-il, dans les » coins des rues, Exi citò, et amenez-moi promp» tement, qui? les pauvres et les infirmes : qui en>> core? les aveugles et les impotens » : Pauperes ac debiles, cæcos et claudos introduc huc (2). C'est de quoi il prétend remplir sa maison: il n'y veut rien voir qui ne soit foible, parce qu'il n'y veut rien voir qui n'y porte son caractère, c'est-à-dire la croix et l'infirmité. Donc l'Eglise de Jésus-Christ est véritablement la ville des pauvres. Les riches, je ne crains point de le dire, en cette qualité de riches, car il faut parler correctement, étant de la suite du monde, étant, pour ainsi dire, marqués à son coin, n'y sont soufferts que par tolérance; et c'est aux pauvres et aux indigens, 'qui portent la marque du Fils de Dieu, qu'il appartient proprement d'y être reçus. C'est pourquoi le divin Psalmiste les appelle « les pau>>vres de Dieu » : Pauperes tuos (3). Pourquoi les (1) Luc. XIV. 23. (2) Ibid. 21. -

. (3) Ps. LXXI. 2.

pauvres de Dieu ? il les nomme ainsi en esprit, parce dans la nouvelle alliance il lui a plu de les adopter avec une prérogative particulière.

que

En effet, n'est-ce pas à eux qu'a été envoyé le Sauveur ? «< Dieu m'a envoyé, nous dit-il, pour an» noncer l'Evangile aux pauvres » : Evangelizare pauperibus misit me (1). Ensuite n'est-ce pas aux pauvres qu'il adresse la parole, lorsque faisant son premier sermon sur cette montagne mystérieuse, où ne daignant parler aux riches sinon pour foudroyer leur orgueil, il porte la parole aux pauvres comme à ceux qu'il devoit évangéliser? « O pauvres, que » vous êtes heureux, parce qu'à vous appartient le >> royaume de Dieu (2) »! Si donc c'est à eux qu'appartient le ciel, qui est le royaume de Dieu dans l'éternité, c'est à eux aussi qu'appartient l'Eglise qui est le royaume de Dieu dans le temps. Aussi comme c'est à eux qu'elle appartenoit, ce sont eux qui y sont entrés les premiers. « Voyez, disoit le » divin apôtre, qu'il n'y a pas dans l'Eglise plusieurs »sages selon le monde, il n'y a pas plusieurs puis» sans, il n'y a pas plusieurs nobles; mais Dieu a >> voulu choisir ce qu'il y avoit de plus méprisa» ble (3) » : d'où il est aisé de conclure que l'Eglise de Jésus-Christ étoit une assemblée de pauvres. Et dans sa première fondation, si les riches y étoient reçus, dès l'entrée ils se dépouillo ient de leurs biens et les jetoient aux pieds des apôtres, afin de venir à l'Eglise, qui étoit la ville des pauvres, avec le caractère de la pauvreté : tant le Saint-Esprit avoit résolu d'établir dans l'origine du christianisme la (1) Luc. IV. 18. — (a) Ibid. vI. 20.

(3) I. Cor. 1. 26, 28.

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prérogative éminente des pauvres membres de Jésus-Christ!

Je pourrois encore, mes Frères, établir la prééminence des pauvres sur d'autres raisons convaincantes, par lesquelles vous reconnoîtriez qu'ils sont les vrais enfans de l'Eglise, et que c'est pour eux principalement que cette cité spirituelle a été bâtie. Mais il vaut mieux tirer quelque instruction, et recueillir quelque fruit de cette doctrine salutaire. Elle nous doit apprendre, Messieurs, à respecter les pauvres et les indigens, comme ceux qui sont nos aînés dans la famille de Jésus-Christ, et que son Père céleste a choisis pour être les citoyens de son Eglise; qui, portant ses marques les plus assurées, sont aussi ses membres les plus précieux. C'est de l'apôtre saint Jacques que j'ai appris cette excellente morale. << Ecoutez, nous dit-il, mes très-chers Frères »; Audite, Fratres mei dilectissimi (1): sans doute il a dessein de nous proposer quelque chose de bien remarquable. Quelle ame assez endurcie refusera son attention, à laquelle il est excité par l'organe d'un si grand apôtre, qui est honoré dans les saintes Lettres de la qualité glorieuse de frère de notre Seigneur? Mais entendons ce qu'il veut dire ; voici ses propres paroles : « N'est-il pas vrai que Dieu a choisi >> les pauvres, afin qu'ils fussent riches dans la foi, » et les héritiers du royaume qu'il a promis à ceux

qui l'aiment? Et après cela, poursuit-il, vous osez » mépriser les pauvres »! Cet apôtre, comme vous voyez, nous veut faire considérer en ce lieu l'éminente dignité des pauvres, et cette prérogative de (1) Jac. 11. 5.

leur vocation que j'ai tâché de vous expliquer. Dieu, dit-il, les a choisis spécialement pour être riches selon la foi, et les héritiers de son royaume: n'est-ce pas, mes Frères, ce que j'ai prêché, qu'ils sont appelés à l'Eglise avec l'honneur et la préférence d'un choix particulier? Et de là que conclurons-nous, sinon ce qu'a conclu le même saint Jacques, que c'est un aveuglement déplorable que de ne pas honorer les pauvres, auxquels Dieu même a fait tant d'honneur par cette grâce de prééminence qu'il leur donne dans son Eglise? Chrétiens, rendez-leur respect, honorez leur condition.

Saint Paul nous en donne l'exemple. Ecrivant aux Romains d'une aumône qu'il alloit porter aux fidèles de Jérusalem, il leur parle en ces termes : « Je vous conjure, mes Frères, par notre Seigneur » Jésus-Christ et par la charité du Saint-Esprit, » que vous m'aidiez par vos prières auprès de Dieu; >> afin que les saints qui sont en Jérusalem agréent » le présent que j'ai à leur faire » Obsecro vos, Fratres, per Dominum nostrum Jesum Christum et per charitatem sancti Spiritús, ut adjuvetis me in orationibus vestris pro me ad Deum, ut.... obsequii mei oblatio accepta fiat in Jerusalem sanctis (1). Qui n'admireroit, chrétiens, comme il traite les pauvres honorablement! Il ne dit pas l'aumône que j'ai à leur faire, ni l'assistance que j'ai à leur donner; mais le service que j'ai à leur rendre. Il fait quelque chose de plus, et je vous prie de méditer ce qu'il ajoute: «< Priez Dieu, dit-il, mes chers Frères, que » mon service leur soit agréable ». Que veut dire le (1) Rom. xv. 30, 31.

saint apôtre, et faut-il tant de précautions pour faire agréer une aumône ? Ce qui le fait parler de la sorte, c'est la haute dignité des pauvres. On peut donner pour deux motifs; ou pour gagner l'affection, ou pour soulager la nécessité; ou par un effet d'estime, ou par un sentiment de pitié : l'un est un présent, et l'autre une aumône. Dans l'aumône, on croit ordinairement que c'est assez de donner: on apporte plus de soin dans le présent, et il y a un certain art innocent de relever le prix de ce que l'on donne', par la manière et les circonstances de l'offrir. C'est en cette dernière façon que saint Paul assiste les pauvres. Il ne les regarde pas seulement comme des malheureux qu'il faut assister; mais il regarde que dans leur misère ils sont les principaux membres de Jésus-Christ et les premiers-nés de l'Eglise. En cette qualité glorieuse il les considère comme des personnes auxquelles il fait la cour, si je puis parler de la sorte. C'est pourquoi il n'estime pas que ce soit assez que son présent les soulage, mais il souhaite que son service leur agrée; et pour obtenir cette grâce, il met toute l'Eglise en prières. Tant les pauvres sont considérables dans l'Eglise de JésusChrist, que saint Paul semble établir sa félicité dans l'honneur de les servir et dans le bonheur de leur plaire: ut obsequii mei oblatio accepta fiat in Jeru

salem sanctis.

Mesdames, revêtez-vous de ces sentimens apostoliques; et dans les soins que vous prenez de cetté maison, regardez avec respect les pauvres qui la composent. Méditez sérieusement, en la charité de notre Seigneur, que si les honneurs du siècle vous

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