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précis; ils ne parlent que des assignations. Leur disposition étant pénale, on ne saurait l'étendre aux significations. Et d'ailleurs, la preuve qu'un exploit, et par conséquent une signification, peut être irrégulier, sans être nul, se tire de la seconde disposition de l'article 1030 déjà cité, qui fait retomber la peine de l'irrégularité sur l'officier public seul.

La signification du 17 juillet 1813 n'était donc pas nulle. Et comment dèslors la régie a-t-elle osé soutenir qu'au moins, à défaut de visa, elle était censée ne pas lui avoir été remise, et n'avait pu faire courir les délais du pourvoi?

De deux choses l'une, ou la signification est nulle, ou elle est valable. Si elle est nulle, sans doute on doit présumer que la copie n'a point été remise; mais si la signification vaut, elle doit faire foi de ce qu'elle énonce: l'huissier est officier public; il atteste avoir laissé la copie au receveur de l'enregistrement; il doit étre cru jusqu'à inscription de faux. L'alternative

est nécessaire.

Enfin l'enregistrement de l'exploit par le préposé même auquel on le laisse, n'est-il pas une preuve irrécusable que la signification a été faite ? Le visa, signé par le même préposé, ne serait-il pas en quelque sorte une formalité superflue?

La signification du 17 juillet a dès-lors donné cours aux délais, et par conséquent le pourvoi de la régie est tardif et non recevable.

ARRÊT.

LA COUR,-sur les conclusions de M. Cahier, avocat général;-ATTENDU qu'il est justifié, par la représentation de l'original de l'exploit de signification du jugement rendu le 7 mai 1813, que ce jugement a été notifié à l'administration, en la personne de son receveur, le 17 juillet suivant, et que l'administration n'a déclaré son pourvoi que le 14 octobre 1814, long-temps conséquemment après les trois mois expirés à compter du jour de la signification qui lui a été faite du jugement dénoncé; qu'à la vérité, l'original de l'exploit de signification n'a pas été revêtu du visa du receveur, à qui la copie a été laissée, au désir de l'article 1039 du Code de procédure civile; mais que le visa des exploits de signification des jugemens et autres actes de procédure n'emporte pas nullité, aux termes de l'art. 1030; que la nullité, pour défaut de visa, n'est en effet prononcée, par les articles 69 et 70, que des exploits d'ajournement; que, si le défaut de visa n'emporte pas nullité, il suit que la signification du jugement du 7 mai 1813 existe, et la signification du jugement fait courir le délai du pourvoi en cassation; que, dans l'espèce de la cause, la date de la signification du jugement et la remise de la copie au préposé de l'administration sont moralement assurées par l'enregistrement de l'exploit de la main même du receveur auquel il est dit audit exploit que la copie a été laissée; qu'abstraction faite de cette circonstance, l'exploit emporte la preuve légale, jusqu'à inscription de faux, de tous les faits qu'il constate, → DÉCLARE l'administration de l'enregistrement et des domaines non recevable dans son pourvoi.

Du 20 août 1816.-Section civile.-M. Brisson, président.-M. le conseiller Carnot, rapporteur.-MM. Huart Duparc et Darrieux, avocats.

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Une Cour d'appel peut-elle infirmer un jugement, par le seul motif que l'intimé ne se présente pas pour le défendre ? Rés. nég.

Doit-on le décider ainsi, lors même que l'intimé était demandeur en première. instance? Rés. aff.

L'absence de motifs sur le fond de la demande cesse-t-elle d'être un moyen de nullité, lorsque les questions que la contestation offrait à juger, sont posées dans le jugement ou dans l'arrét? Rés. nég.

Un héritage appartenant au sieur Oudoul est séparé d'un autre héritage appartenant au sieur Albisson, par un tertre sur lequel croissent quelques

arbres.

Ce tertre est devenu un objet de contestation entre les sieurs Oudoul et Albisson, qui tous deux en réclament la propriété exclusive.

Les prétentions du sieur Oudoul, demandeur, furent accueillies par un jugement du tribunal de première instance de Saint-Flour, du 23 janvier

1812.

Albisson étant mort quelque temps après ce jugement, son fils en a interjeté appel.

Oudoul, intimé, a constitué un avoué; mais, à l'audience de la cause il a fait défaut.

Le 19 juillet, la Cour royale de Riom a rendu l'arrêt suivant : « L'appel d'Albisson est-il fondé? Est-ce le cas de déclarer Oudoul non recevable dans sa demande, et de maintenir Albisson dans la possession du tertre et des arbres dont il s'agit? - Attendu que l'intimé Oudoul ne se présente pas pour soutenir le bien-jugé au jugement dont est appel, la Cour donne défaut contre Oudoul, faute de plaider, pour le profit duquel dit qu'il a été mal jugé; déboute Oudoul de sa demande (originaire); en conséquence, garde et maintient l'appelant dans la propriété et possession du tertre et des arbres, etc. »

Oudoul s'est pourvu en cassation contre ce jugement, notamment pour contravention aux articles 150 et 470 du Code de procédure.

D'après ce dernier article, disait le demandeur, les Cours d'appel doivent observer les mêmes règles de procédure que les tribunaux de première instance, dans tous les cas où la loi ne leur a pas prescrit des règles parti

culières.

Aucun article du Code judiciaire n'ayant disposé que les arrêts par défaut seraient rendus dans une forme différente de celle des jugemens de première instance, les Cours d'appel doivent done se conformer rigoureusement, en ce point, aux articles 150 et 454 sur la procédure devant les tribunaux inférieurs.

Or, ces articles établissent une grande différence entre le cas où c'est le demandeur qui ne se présente pas pour sontenir ses prétentions, et celui où c'est le défendeur qui ne comparaît pas pour les combattre. Dans le premier cas, la demande doit être rejetée sans examen ; et, dans le second, elle ne doit être accueillie que lorsqu'elle est justifiée. Ces principes sont clairement exprimés dans l'article 434, qui, bien qu'il se trouve au titre de la procédure devant les tribunaux de commerce, n'en doit pas moins s'appli quer aux tribunaux civils. « Si le demandeur, porte cet article, ne se pré

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» sente pas, le tribunal donnera défaut et renverra le défendeur de la >> demande; si le défendeur ne comparaît pas, il sera donné défaut, et les » conclusions du demandeur seront adjugées si elles sont justes et bien » vérifiées. »

Si cette différence entre la non comparution du demandeur et celle du défendeur avait besoin d'être justifiée, il suffirait de rappeler les motifs de la loi pour prouver qu'elle a pour fondement l'équité et la raison : « Jusqu'à présent, dit M. Treilhard, dans son discours de présentation du Code de procédure au Corps législatif, nous avons parlé de la marche de la procédure, lorsque le défendeur comparaît et qu'il ne s'élève aucun incident particulier dans l'instruction; mais le défendeur peut ne pas se présenter. Que faut-il faire? Le titre 8 l'indique. Au premier coup d'œil, la matière ne paraît présenter aucune difficulté: on doit prononcer contre celui que son absence seule semble condamner. Cette absence cependant peut être excusable et forcée; elle ne peut d'ailleurs donner un droit à l'adversaire qui n'en aurait pas: les juges doivent donc regarder comme de leurs premières obligations celle de vérifier, avant de l'adopter, la demande de la partie qui se présente. L'extrême confiance dans la justice et dans la sagacité du juge a peut-être seule empêché que le défendeur comparût : devrait-il être puni de ce sentiment si honorable pour le tribunal? »

Ainsi, dans l'espèce actuelle, bien que le demandeur ne se fût pas présenté pour défendre le jugement qu'il avait obtenu en première instance, la Cour de Riom ne pouvait infirmer ce jugement qu'après s'être assuré que l'appel était bien fondé.

Mais rien ne prouve que la Cour de Riom se soit livrée à cet examen. L'unique motif qu'on trouve dans son arrêt, porte sur ce que l'intimé ne s'est pas présenté: or ce motif, comme on l'a dit, est complétement insuflisant, et ne pouvait servir de base à sa décision. En n'en donnant pas d'autres, la Cour de Riom a violé l'article 141 du Code de procédure, qui met les motifs d'un jugement au nombre des parties essentielles dont il se compose, et l'article 7 de la loi du 20 avril 1810, qui veut, à peine de nullité, que les jugemens et les arrêts soient motivés.

C'est par les principes mêmes qu'invoque le sieur Oudoul, a répondu le défendenr, qu'on peut prouver que la Cour de Riom n'avait besoin de motiver sa décision que sur la non comparution du sieur Oudoul. Le sieur Oudoul était demandeur en première instance; et, quoiqu'un jugement en premier ressort eût admis ses prétentions, les parties n'en conservaient pas moins les mêmes rôles devant la Cour d'appel; Oudoul ne cessait pas. d'être demandeur, et d'être obligé, comme tel, de prouver le fondement. de son action. Le jugement de première instance était anéanti de plein. droit par l'appel; et l'appelant, comme devant les premiers juges, n'était obligé qu'à repousser les attaques de son adversaire. Il suffisait donc que celui-ci ne comparût pas, qu'il ne prouvât pas la justice de ses prétentions, pour que sa demande fût rejetée, et que, par conséquent, le jugement de première instance fût réformé.

Le défendeur en cassation soutenait, en second lieu, que les questions qui se présentaient à juger dans la cause, et qui étaient rapportées dans

l'arrêt, annonçaient clairement que la Cour de Riom s'était occupée du fond de la contestation; et que ces questions, rapprochées du dispositif de l'arrêt, motivaient suffisamment l'infirmation du jugement de première

instance.

ARRÊT.

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LA COUR,-sur les conclusions de M. Jourde, avocat général, Vu les art. 150 et 470 du Code de procédure,-CONSIDÉRANT que, devant la Cour royale, Albisson, était appelant, par conséquent demandeur, et qu'aux termes des articles ci-dessus, ses conclusions ne pouvaient lui être adjugées qu'après avoir été vérifiées et trouvées justes; que si la Cour a posé les questions qui résultaient du procès, rien n'annonce qu'elle les ait examinées, et que le seul motif que son arrêt contient, prouve que Oudoul n'a été condamné que parce qu'il n'a pas plaidé, ce qui est aussi contraire à l'équité naturelle qu'aux lois ci-dessus citées. CASSE, etc. Du4 décembre 1816.-Section civile.-M. Desèze, pair de France, premier président.-M. le conseiller Zangiacomi, rapporteur.-MM. Darrieux et Granié, avocats.

COMMISSIONNAIRE DE ROULAGE. - PRESCRIPTION.

La prescription de six mois, établie par l'article 108 du Code de commerce, peut-elle être invoquée par un commissionnaire de roulage contre un particulier non commerçant, à l'occasion d'une malle remise à ce commissionnaire, et qui se trouve perdue? Rés. nég.

Le 8 mars 1813, le sieur Bessardon fait remettre une malle au sieur Schoen, commissionnaire à Paris, pour être expédiée à Mayence.

Cette malle est envoyée au sieur Marin, le jeune, à Nancy, qui doit la faire remettre à Mayence à l'adresse des sieurs Verner et Killer.

La malle n'étant point arrivée à sa destination, le sieur Bessardon assigne Marin devant le tribunal de Nancy, pour le faire condamner à la représenter ou à en payer le prix évalué à 500 francs, lors du dépôt de la malle.

Marin appelle en garantie le sieur Driès, commissionnaire à Metz, qu'il avait ultérieurement chargé de la malle, et celui-ci, à son tour, exerce son recours contre le sieur Lacombe, voiturier, à qui elle avait été remise en dernier lieu.

Le sieur Marin et ses garans soutiennent au fond le même système; ils prétendent que le sieur Brisson est non recevable dans sa demande, attendu qu'il ne l'avait pas formée dans les six mois, conformément à l'article 108 du Code de commerce.

Le 30 novembre 1814, jugement qui condamne Marin au paiement du prix auquel la malle avait été estimée, et lui accorde son recours contre Driès, et à celui-ci son recours contre Lacombe. Les motifs de ce jugement sont ainsi conçus: « Attendu que si la demande du sieur Bessardon est fondée contre le sieur Marin, celle en garantie et arrière-garantie contre les sieurs Driès et Lacombe aîné ne le sont pas moins, sauf le recours de ce dernier contre qui il avisera; que le sieur Lacombe aîné ne peut être écouté

dans ses observations relatives au délai qui s'est écoulé depuis le mois de mars 1813, époque de l'envoi de la malle dont il s'agit; que l'article 108 du Code de commerce, par lui invoqué, ne peut être applicable au cas particulier, attendu que cet article ne concerne que les négocians qui expédient des marchandises relatives à leur commerce, tandis qu'il est question d'effets qui appartiennent à un simple particulier qui a le droit de les réclamer quand il le juge à propos. C'est en vain que le sieur Lacombe a soutenu que l'on n'avait pas trouvé le sieur Bessardon à Mayence; que, d'après cela, il n'était passible d'aucune condamnation; que, par le fait que le demandeur ne se serait pas trouvé à Mayence, il ne s'ensuit pas que la malle dont il s'agit ne doive être représentée; qu'elle lui était adressée chez les sieurs Verner et Killer, et que c'est là où il aurait dû la trouver lorsqu'il l'a réclamée; que ceux-ci ne l'ayant jamais vue, ainsi qu'ils l'ont déclaré par leur lettre du 28 août dernier, le sieur Lacombe aîné seulement s'en trouve responsable, et doit garantir les commissionnaires précédens des condamnations qni pourraient intervenir contre eux, tant en principal, dommages-intérêts que frais. »

Lacombe s'est pourvu en cassation contre ce jugement pour violation de l'article 108 du Code de commerce qui est ainsi conçu :

<< Toutes actions contre le commissionnaire et le voiturier, à raison de la » perte ou de l'avarie des marchandises, sont prescrites après six mois, » pour les expéditions faites dans l'intérieur de la France, et après un an » pour celles faites à l'étranger; le tout à compter, pour les cas de perie, du » jour où le transport des marchandises aurait dû être effectué, et, pour les » cas d'avarie, du jour où la remise aura été faite sans préjudice des cas de >> fraude ou d'infidélité. »

Cet article, disait le demandeur, ne fait aucune distinction; il veut que toutes actions contre un commissionnaire ou un voiturier, pour le cas de perte d'une chose qui lui a été confiée, soient prescrites après six mois ou un an du jour où le transport a dû en être effectué. En vain donc veut-on prétendre que cet article n'est applicable qu'aux réclamations des négocians, et non aux actions intentées par de simples particuliers; le texte de la loi oppose formellement à une pareille interprétation.

Cette prétention d'ailleurs n'est pas moins contraire à son esprit. Si les expéditionnaires avaient été l'objet direct des dispositions de l'art. 108, on pourrait croire peut-être que, s'agissant particulièrement des négocians dans cette partie du Code, c'est uniquement contre eux que l'article 108 peut être invoqué. Mais ce sont les commissionnaires et les voitures, et non ceux qui les emploient, que la loi a eu directement en vue; elle n'a pas voulu qu'ils fussent soumis pendant trente ans aux actions qui pourraient être dirigées contre eux, à raison des choses qui leur auraient été confiées. Or, d'après de pareils motifs, la loi devait être générale; elle ne pouvait affranchir les commissionnaires des réclamations qui pourraient être faites contre eux par des négocians, sans les mettre également à l'abri des poursuites des simples particuliers ou des individus non commerçans; autrement, elle eût manqué son but, en n'assurant qu'imparfaitement la tranquillité des commissionnaires.

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