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Au surplus, veut-on ici recourir aux règles établies par le Code civil, on verra que ces règles nous renvoient à l'article 108 du Code de commerce. En lisant le titre des prescriptions dans le Code civil, on est presque étonné que la loi n'en établisse pas une particulière à l'égard des commissionnaires et des voituriers: car on ne peut imaginer que les rédacteurs du Code aient voulu qu'ils fussent soumis pendant trente ans au recours qui peut être exercé contre eux, à raison des choses qui leur sont confiées. Mais ce silence de la loi est bien naturel, et s'explique aisément. Si la loi n'a pas parlé des commissionnaires et des voituriers au titre des prescriptions, c'est parce que l'art. 1786, au titre du louage, avait déjà décidé avait déjà décidé que les entrepreneurs et directeurs de voitures et roulages publics étaient soumis à des réglemens particuliers.

Or, quels sont ces réglemens dont parle la loi? C'est, dit M. Locré, sur l'article 107 du Code de commerce, le Code de commerce lui-même. C'est donc le Code de commerce, c'est donc l'article 108 qui doit être consulté, lorsqu'il s'agit d'une prescription invoquée par un commissionnaire ou un voiturier.

ARRÊT.

LA COUR,-sur les conclusions de M. Joubert, avocat général; -ATTENDU que l'art. 108 du Code de commerce est inapplicable au transport d'une malle qu'un particulier confie à un commissionnaire de roulage; pour la faire parvenir à sa destination, et que ce particulier a évalué la valeur des objets que cette malle contient, sans que le commissionnaire ait contesté ou fait vérifier la sincérité de l'évaluation ;-ATTENDU que la malle était adressée à une maison de commerce qui a déclaré n'avoir reçu ni la malle ni aucun avis; —REJETTE

Du 4 juillet 1816.-Section des requêtes.-M. le baron Henrion-dePensey, président.-M. le conseiller Lefessier-Grandprey, rapporteur.M. Loiseau, avocat,

JUGEMENT. - APPEL. - ARRÊT.

Lorsqu'une Cour d'appel réforme un jugement pour cause d'incompétence et qu'elle ne renvoie pas l'affaire devant un autre tribunal, doit-elle nécessairement prononcer sur le moyen de forme et sur le fond par un seul et même arrét? Rés. aff.

Par acte sous seing-privé du 13 thermidor an 12, la dame d'Esson acquit de la dame de Jouvencel, sa sœur, tous les droits mobiliers et immobiliers qui appartenaient à cette dernière dans les successions de leurs père et mère communs.

La dame d'Esson fit cette acquisition en vertu de l'autorisation qui lui en avait été donnée par son mari, dans une procuration générale passée devant notaires à Paris, le 29 messidor an 8. L'un des doubles du contrat de vente fut écrit de la main du sieur d'Esson.

Le prix de la vente fut fixé à 60,000 fr., dont 30,000 fr. furent déclarés payés comptant, quoique, dans le fait, 6,000 fr. seulement avaient été

comptés, et que, pour les autres 24,000 fr., la dame d'Esson eût souscrit, au profit de sa sœur, trois effets négociables de 8,000 fr. chacun.

Le premier de ces effets fut acquitté; mais les deux autres ne l'ayant pas été, les sieur et dame de Jouvencel firent assigner les sieur et dame d'Esson devant le tribunal de première instance de Brest, pour se voir condamner à en payer le montant.

Les sieur et dame d'Esson comparurent et soutinrent qu'ils avaient été incompétemment assignés devant le tribunal de Brest, qu'ils n'etaient justiciables que du tribunal de première instance de la Seine, ayant, depuis un grand nombre d'années, fixé leur domicile à Paris.

Les sieur et dame de Jouvencel répliquèrent que les époux d'Esson n'avaient pas rempli les formalités prescrites par le Code civil pour la translation du domicile, et qu'ainsi ils pouvaient encore être valablement assignés devant le tribunal de Brest, dont ils étaient d'abord justiciables.

Par jugement du 22 avril 1811, le déclinatoire des sieur et dame d'Esson fut accueilli.

Sur l'appel, arrêt de la Cour royale de Rennes, du 5 mai 1813, qui déclare que le tribunal de Brest s'est mal à propos déclaré incompétent; puis, « considérant que l'on a plaidé au fond devant les premiers juges, et que, dans ce cas, l'article 473 du Code de procédure autorise les cours à retenir la connaissance de l'affaire, pour être, par elles, définitivement statué, — la Cour ordonne aux parties de plaider au fond, et, pour les entendre, fixe la cause au 12 mai 1813. »

Les sieur et dame d'Esson ne s'étant pas présentés à l'audience indiquée, un arrêt par défaut les condamna au paiement des deux billets.

Sur leur opposition, cet arrêt fut confirmé le 15 décembre 1813.

Les sieur et dame d'Esson se sont pourvus contre cet arrêt et contre celui du 5 mai précédent. Ils ont soutenu, entre autres moyens, que l'article 473 du Code de procédure avait été violé,

Cet article est ainsi conçu : « Lorsqu'il y aura appel d'un jugement inter» locutoire, si le jugement est infirmé et que la matière soit disposée à >> recevoir une décision définitive, les Cours et autres tribunaux d'appel >> pourront statuer en même temps sur le fond définitivement, par un » seul et méme jugement. — Il en sera de même dans les cas où les Cours » ou autres tribunaux d'appel infirmeraient, soit pour vices de forme, » soit pour toute autre cause, des jugemens définitifs. »

La contravention à cet article, disaient les demandeurs en cassation, est évidente et incontestable. Contre la disposition formelle de la loi, la Cour de Rennes, après avoir annullé la décision des premiers juges, a renvoyé la cause à une autre audience, tandis qu'elle devait, si elle croyait la cause en état, statuer par un seul et méme arrét, tant sur le moyen d'incompétence que sur le fond.

Les défendeurs ont soutenu que la disposition dont il s'agit ne pouvait être considérée que comme comminatoire; que, bien que le fond fût en No. 1.er-Année 1817.

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état d'être jugé, il pouvait cependant arriver qu'à raison du temps ou pour toute autre cause, il fût impossible à une Cour d'appel de prononcer sur le tout dans la même audience; que, dès-lors, les juges étaient bien forcés, après avoir reconnu l'irrégularité du jugement dont est appel, de renvoyer la décision du fond à une nouvelle audience.

ARRÊT.

LA COUR,-sur les conclusions de M. Jourde, avocat général, et après un délibéré en la chambre du conseil;-Vu l'art. 473 du Code de procédure;-Et ATTENDU qu'en admettant, comme l'énonce l'arrêt du 5 mai 1813, que la cause eût été plaidée sur le fond devant le tribunal de première instance, il s'ensuivrait tout au plus que la Cour royale de Rennes pouvait statuer en même temps, et par un seul arrêt, tant sur le déclinatoire que sur le fond; d'où résulte qu'en statuant seulement sur le déclinatoire, par son premier arrêt, et renvoyant à une autre audience pour être statué sur le fond, elle a minifestement contrevenu à l'article du Code de procédure ci-dessus cité ; — Casse.

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Du 12 novembre 1816. Section civile. -M. Brisson, président. M. le conseiller Pajon, rapporteur. - MM. Dupont et Barbé, avocats.

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DOUANES.-EMPLOYÉS. -INJURES.-COMPÉTENCE.-JUCE DE PAIX. Le Code d'instruction criminelle, en déterminant la compétence des tribunaux, en matière d'injures, et le Code pénal, en établissant des peines pour ce genre de délit, ont-ils dérogé aux lois antérieures relatives aux injures proférées contre les employés des douanes? Rés. nég. En d'autres termes : Le juge de paix est-il encore aujourd'hui compétent pour prononcer sur des injures proférées contre un employé des douanes, et l'auteur de ces injures doit-il étre puni des peines portées par l'art. 14, titre 13 de la loi du 22 août 1791? Rés. aff.

Le 9 février 1815, les employés des douanes de la brigade de Lille dressèrent un procès-verbal constatant que ce même jour ils avaient été injuriés, dans l'exercice de leurs fonctions, par Joseph Broutin; que ce particulier s'était refusé à la visite qu'ils voulaient faire sur sa personne; qu'il les avait traités de voleurs de grands chemins, et les avait accusés d'avoir voulu le voler, ce qui avait causé, autour d'eux, un attroupe

ment considérable.

Broutin fut assigné devant le juge de paix du troisième arrondissement de Lille, pour s'entendre condamner à 500 fr. d'amende, conformément à l'art. 14, titre 5, de la loi du 22 août 1791, et à d'autres peines, s'il avait lieu.

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Le 10 février 1815, jugement par défaut qui condamna Broutin à l'amende de 500 fr., pour contravention à l'article 2' du titre 4 de la loi du 4 germinal an 2, et à l'article qui vient d'être cité de la loi du 22 août 1791.

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Opposition de la part de Broutin, qui soutint, entre autres moyens, que le juge de paix n'était pas compétent pour statuer sur un procès-verbal, d'injures; que, d'après les dispositions du Code d'instruction criminelle, les tribunaux de police correctionnelle étaient les seuls juges en cette

matière.

Par jugement du 6 mars 1815, le juge de paix se déclare incompétent. Sur l'appel, ce jugement est confirmé par jugement du tribunal de première instance de Lille, du 25 avril 1815. Ce tribunal a considéré «que les préposés des douanes ont toujours été et sont encore assimilés aux fonctionnaires publics; que les outrages faits par paroles à des fonctionnaires publics dans l'exercice de leurs fonctions, sont punis d'une amende de 16 fr. à 200 fr., aux termes de l'art. 224 du Code pénal, et qu'une semblable amende ne peut être prononcée que par les tribunaux de police correctionnelle. »

L'administration des douanes s'est pourvue en cassation contre ce jugement, pour violation de l'art. 14, titre 13, de la loi du 22 août 1791, et des articles 2, titre 4, et 12, titre 6, de la loi du 4 germinal an 2.

Les moyens qu'elle a fait valoir sont suffisamment analysés dans l'arrêt

de la Cour de cassation.

Broutin a fait défaut.

ARRÊT.

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LA COUR, sur les conclusions de M. Henri Larivière, avocat général; -Vu l'art. 14 du titre 13 de la loi du 22 août 1761, portant: «Lesdits préposés de la régie sont sous la >> sauve-garde spéciale de la loi; il est défendu à toutes personnes de les injurier ou mal>> traiter, et même de les troubler dans l'exercice de leurs fonctions, à peine de 500 francs » d'amende, et sous telle autre peine qu'il appartiendra, suivant la nature du délit. » Vu pareillement l'art. 2, titre 4, et l'art. 12, titre 6, de la loi du 4 germinal au 2, ainsi conçu: « Article 2, titre 4. « Toute personne qui s'opposera à l'exercice des préposés des » douanes, sera condamnée à une amende de 500 francs; dans le cas où il y aurait voie de » fait, il en sera dressé procès-verbal qui sera envoyé au directeur du jury d'accusation, » pour en poursuivre les auteurs et leur faire infliger les peines portées par le Code pénal » contre ceux qui s'opposent avec violence à l'exercice des fonctions publiques. » Art. 12, titre 16. « Le rapport contiendra sommation à la partie saisie nommée ou inconnue, de » comparaître, dans trois jours, devant le juge de paix du lieu le plus prochain;

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- ATTENDU que ces lois spéciales à la matière punissent d'une amende de 500 francs applicable, d'après l'art. 12 précité du titre 6 de la loi du 4 germinal an 2, par les tribunaux de justice de paix, toute personne qui injurierait les préposés des douanes dans l'exercice de leurs fonctions, et s'opposerait, de quelque manière que ce fût, à ce qu'ils exerçassent ces mêmes fonctions; ATTENDU qu'il est de principe qu'une loi générale n'est pas censée -déroger à une loi spéciale, lorsque la dérogation n'est pas formellement exprimée; qu'ainsi on ne peut pas dire que les lois ci-dessus, particulières et spéciales aux contraventions en matière de douanes, et à tout ce qui peut y avoir rapport, aient été abrogées par une disposition générale du Code pénal; ATTENDU d'ailleurs que la loi du 17 décembre 1814, après avoir, par son article 22, prévu uniquement les cas de rébellion contre les préposés, de prévarication de leur part, et les délits de contrebande avec attroupement et port d'armes (en gardant le silence sur les injures proférées aux employés dans l'exercice de leurs fonctions, et sur l'opposition apportée suns violence à l'exercice de ces mêmes fonctions), a déclaré positivement, par son art. 24, que les lois et réglemens antérieurs, concernant les douanes, et nommément lesdites lois des 22 août 1791 et 4 germinal an 2, continueraient

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'd'être exécutées dans leurs dispositions non abrogées ;-ATTENDU enfin qu'il est constaté, par procès-verbal régulier du 9 février 1815, que, ce même jour, Broutin s'est opposé à la visite que deux des employés de la brigade de Lille, étant dans l'exercice ordinaire de leurs fonctions, ont voulu faire sur sa personne; qu'il les a traités de voleurs de grands chemins, en les accusant en même temps d'avoir voulu le voler, et qu'il les a accueillis de beaucoup d'autres injures, de beaucoup d'autres paroles outrageantes; ce qui a causé, autour d'eux, un attroupement considérable, etc.; d'où il suit qu'en décidant que Broutin ne s'était rendu pour cela passible que d'une amende de 16 fr. à 200 fr., aux termes de l'art. 224 du Code pénal, et qu'une semblable amende ne pouvait être prononcée que par les tribunaux de police correctionnelle, les juges du tribunal civil de l'arrondissement de Lille ont violé les dispositions sus référées des lois du 22 août 1791 et 4 germinal an 2; - CASSE.

Du 26 août 1816.- Section civile.-M. Brisson, président. conseiller Ruperou, rapporteur.

JURY.- DÉCLARATION. - DÉMENCE.

- M. le

Lorsque le jury déclare que l'accusé est coupable d'avoir commis volontairement le crime dont il est accusé, et qu'il atteste ensuite qu'à l'époque où ce crime a été commis, l'accusé était en démence, ces deux déclarations doivent-elles étre annullées comme étant contradictoires? Rés. nég.

René-Charles-François Philippe est traduit devant la Cour d'assises d'Eure-et-Loir, comme prévenu d'assassinat sur la personne de sa femme. Après les débats, les questions sont posées de la manière suivante : 1o. René-Charles-François Philippe est-il coupable d'avoir, le 17 août dernier (1816), commis un homicide sur la personne de sa femme ? 2o. Cet homicide a-t-il été commis volontairement?

5o. Cet homicide a-t-il été commis avec préméditation?

4°. Philippe était-il en démence le 17 août, et au moment où il a commis l'homicide sur la personne de sa femme?

Réponses du jury: Sur la première question; oui, Philippe est coupable d'avoir, le 17 août dernier, commis un homicide sur la personne de sa femme;

Sur la seconde question; oui, cet homicide a été commis volon

tairement ;

Sur la troisième question; non, etc.

Sur la quatrième enfin; oui, Philippe était en démence le 17 août dernier, au moment, etc.

Le procureur du Roi a pensé que ces déclarations impliquaient contradiction; que si Philippe était en démence, il ne pouvait être coupable d'avoir commis volontairement un homicide; que la démence excluait toute intention coupable et jusqu'à l'idée de la volonté; qu'ainsi le jury avait reconnu que Philippe jouissait de tout son bon sens, lorsqu'il l'avait déclaré coupable d'un homicide volontaire, et que par conséquent il était tombé dans une contradiction manifeste, lorsqu'il avait déclaré ensuite que l'accusé était en démence.

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