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frages, à la peine qui s'en rapproche le plus, il n'est guère admissible que le vote d'un seul devienne le jugement définitif (1).

Il résulte d'un arrêt rendu, le 26 septembre 1867, par la chambre criminelle de la Cour de cassation (affaire Gérard), que l'omission, dans le jugement de condamnation rendu par un conseil de guerre, de l'indication du mode suivant lequel les voix se sont réparties dans le vote sur l'application de la peine, entraîne l'annulation, non pas seulement du chef relatif à cet objet (ce qui laisserait subsister la déclaration de culpabilité), mais du jugement tout entier, avec renvoi devant d'autres juges pour un nouveau débat. Cette décision, dit avec raison M. Dalloz, ne paraît pas à l'abri de la critique. La loi ayant disposé qu'il y aurait un vote séparé sur la culpabilité et sur l'application de la peine, n'en résulte-t-il pas que les deux décisions qui interviennent ont une existence distincte, et que la nullité qui affecte la seconde ne doit pas nécessairement réagir sur la première?

A cette question, l'article 170 (2) du Code de justice militaire a répondu affirmativement, en ne mentionnant, il est vrai, que le cas de fausse application de la peine; mais l'insuffisance de cette mention s'explique par cette circonstance que ceux qui ont rédigé l'article avaient sous les yeux l'article 434 du Code d'instruction criminelle, dont le premier alinéa porte que si l'arrêt est annulé pour avoir prononcé une autre peine que celle que la loi applique à la nature du crime, la Cour d'assises à qui le procès sera renvoyé rendra son arrêt sur la déclaration déjà faite par le jury. » Le vice de forme résultant de ce que la répartition des voix n'a pas été indiquée par le conseil de guerre est-il donc, plus que la fausse application de la peine, de nature à faire mettre en question le résultat du vote sur la culpabilité? La nullité prononcée par défaut d'indication du mode de répartition des voix, n'est-elle pas, d'ailleurs, fondée précisément sur la présomption d'une fausse application de la peine?

Comment, en effet, qualifier autrement l'application d'une peine qui serait autre que celle que l'article 134 du Code de justice militaire déclare acquise à l'accusé ou à la poursuite quand les voix se sont réparties de telle ou telle manière? On ne saurait objecter aux observations qui précèdent, que la solution de l'arrêt du 26 septembre 1867 donne à l'accusé plus de garanties, car si, dans certains cas, l'accusé a intérêt à ce que le débat sur la culpabilité soit renouvelé, il est exposé, dans d'autres cas, à perdre le bénéfice d'une décision qui aurait, soit écarté les circonstances aggravantes pour ramener le fait aux proportions d'un délit, soit admis une excuse légale (3).

(1) Idem, p. 404. - Les chapitres III et V du nouveau Code militaire prussien renferment, au sujet des circonstances atténuantes, deux prescriptions qu'il n'est pas inutile de rapporter. L'article 48 est ainsi conçu: « Une absence ou un acte n'est pas excusable parce que celui qui l'a commis a agi selon sa conscience ou les préceptes de sa religion. »

Le chapitre V comprend l'article suivant : « Si l'exécution d'un ordre commandé amène une violation de la loi; seul, le supérieur est responsable.

« Le subordonné sera néanmoins puni comme ayant participé :

4° S'il a dépassé les ordres qui lui ont été donnés ;

« 2° S'il avait connaissance que l'ordre qu'on lui donnait entraînait un crime ou délit militaire ou civil. >>

(2) Voir, plus loin, l'article 470 et son commentaire.

(3) Dalloz, Recueil périodique, 1868, 4, p. 94.

ART. 135.

En cas de conviction de plusieurs crimes ou délits, la peine la plus forte est seule prononcée (1).

Suivant la vieille loi romaine, quiconque avait commis plusieurs délits, devait être poursuivi et puni pour chacun d'eux. C'était une règle absolue. Son motif était que la peine encourue pour un délit ne devait pas autoriser un délit nouveau, et que le délit le plus grave n'absorbe pas les autres. L'ancienne législation française admettait aussi la cumulation des peines. Les criminalistes enseignaient que l'accusé, qui avait commis plusieurs crimes ou délits, devait être puni d'autant de peines qu'il y avait de délits différents, y eût-il ou non différence de nature et de temps, quand même les délits procéderaient d'un même fait, engendrant deux actions et comportant deux peines (2). La jurisprudence repoussait, toutefois, le système de la cumulation des peines et se bornait à prononcer la peine la plus grave, toutes les fois qu'il s'agissait, non de pénalités pouvant se doubler ou concourir, mais de peines dont l'une renferme l'autre en quelque sorte. Ainsi, s'il était permis d'augmenter le chiffre de l'amende ou la durée du bannissement, de cumuler la peine pécuniaire avec toute peine corporelle, on ne pouvait en même temps condamner un accusé au blâme et à l'admonition, aux galères et au fouet ou à la flétrissure (3). L'Assemblée constituante, dans la loi du 16-29 septembre 1791, consacra le principe du noncumul des peines, par une disposition impliquant qu'il existait de droit. Ayant prévu le cas où les débats révéleraient un deuxième délit à la charge de l'accusé, elle disposa : « Si l'accusé est déclaré convaincu du fait porté dans l'acte d'accusation, il pourra encore être poursuivi pour raison du nouveau fait; mais, s'il est déclaré convaincu du second délit, il n'en subira la peine qu'autant qu'elle serait plus forte que celle du premier, auquel cas il sera sursis à l'exécution du jugement (4). Par là, une deuxième poursuite était autorisée, sans exception, pour le délit dont la peine devait nécessairement être moins forte que la peine appliquée déjà. La cumulation des peines était seule interdite; mais, à plus forte raison, elle l'était aussi bien pour le cas où deux délits seraient simultanément jugés, que pour celui où il y aurait deux poursuites successives.

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Le Code du 3 brumaire an iv a maintenu la règle quant aux peines, et l'a même étendue, par rapport aux poursuites, en disposant, relativement au délit qui serait révélé par les débats à la charge de l'accusé condamné: « Le tribunal criminel ordonne qu'il sera poursuivi à raison des nouveaux faits, devant le directeur du jury du lieu où il tient ses séances, mais seu

(4) CODE D'INSTRUCTION CRIMINELLE. Art. 365, § 2: « En cas de conviction de plusieurs crimes u délits, la peine la plus forte sera seule prononcée. »

Voir aussi, plus haut, l'article 60 du Code de justice militaire et son commentaire.

(2) Farinacius, Quæst. 22, no 1-4; Jul. Clarus, Quæst. 84, no 2-4; Jousse, Instr. crim., t. II, p. 643 et 644, no 280-282.

(3) Jousse, n° 285.

(4) Loi des 16-29 septembre 1794, tit. VII, article 40.

lement dans le cas où ces nouveaux faits mériteraient une peine plus forte que les premiers (1).

Les auteurs des Codes de 1810 et de 1809 ont entendu consacrer le principe, quant aux pénalités et aux poursuites elles-mêmes. L'orateur du gouvernement, au Corps législatif, disait: Le projet se décide formellement contre la cumulation des peines, de sorte que si l'accusé est déclaré coupable de plusieurs crimes ou délits, la Cour ne pourra prononcer contre lui que la peine la plus forte. Jusqu'ici, les Cours de justice criminelle se sont interdit cette cumulation, plutôt d'après une jurisprudence que d'après un texte formel; mais, en telle matière, tout doit être réglé par la loi.» Les deux dispositions suivantes ont été insérées dans le Code d'instruction criminelle : En cas de conviction de plusieurs crimes ou délits, la peine la plus forte sera seule prononcée. Lorsque, pendant le cours des débats qui auront précédé l'arrêt de condamnation, l'accusé aura été inculpé, soit par des pièces, soit par des dépositions de témoins, sur d'autres crimes que sur ceux dont il était accusé, si les crimes nouvellement manifestés méritent une peine plus grave que la première, ou si l'accusé a des complices en état d'arrestation, la Cour ordonne qu'il soit poursuivi à raison de ces nouveaux faits... (2). »

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Trois conditions sont essentielles, dans le droit commun, pour l'application du principe du non-cumul des peines: 1o il faut d'abord que le fait nouveau soit antérieur à la première condamnation; 2o il faut que le fait nouveau ne comporte qu'une peine moins forte que le dernier; 3° il faut, enfin, mais seulement d'après quelques lois spéciales, que le nouveau délit soit antérieur même à toute poursuite (3).

L'article 135 du Code de justice militaire reproduit, on le voit, la disposi tion de l'article 365 du Code d'instruction criminelle.

EXCEPTION AU PRINCIPE DU NON-CUMUL DES PEINES. 1o Ce principe ne s'applique généralement qu'aux peines principales, et non aux peines subsidiaires qui ne sont pas inconciliables avec la peine la plus forte: « Attendu que lorsqu'un accusé ou prévenu est reconnu coupable de deux crimes ou délits dont le moins grave emporte une peine accessoire, l'article 365 ne fait pas obstacle à ce que cette peine soit prononcée contre lui, cumulativement avec la peine la plus forte; qu'en effet, d'une part, la remise de la peine accessoire ne résulte pas directement du texte de cet article, puisqu'il n'existe aucune règle légale pour décider si elle est plus forte ou moins forte que la peine principale à prononcer; que, d'autre part, elle ne pourrait être la conséquence de la remise de la peine principale qu'autant qu'elle serait une dépendance de celle-ci; mais qu'il n'en est point ainsi, la peine accessoire étant attachée, non à la peine principale, mais au délit lui-même; que, d'ailleurs, les peines accessoires sont établies dans l'intérêt général, en vue du caractère propre à certains délits; que le but du législateur serait manqué si celui contre qui il a voulu que ces mesures fussent employées, y

(4) Code du 3 brumaire an iv, article 446.

(2) Articles 365 et 379 du Code d'instruction criminelle.

(3) Achille Morin, Répertoire du Droit criminel, vo Cumul des peines, t. 1er, p. 687 et suiv.

échappait par cela seul qu'outre le délit spécial qui les rend nécessaires, il en aurait commis un autre plus grave.... (1)

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2o Le principe du non-cumul des peines ne s'applique pas non plus aux contraventions de simple police, la jurisprudence de la Cour de cassation est devenue constante sur cette question, depuis 1842; - ni aux infractions régies par des lois spéciales pour lesquelles la loi elle-même a autorisé l'application simultanée de toutes les peines encourues pour chacune d'elles. C'est ainsi que doivent être cumulées les peines édictées pour délit de chasse et délit de défaut de port d'armes, pour contraventions en matière de contributions indirectes, ou en matière de poste, ou pour délit d'habitude d'usure, combiné avec le délit d'escroquerie ou un autre délit, ou encore en matière de roulage.

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3o Le cumul des peines ne peut ressortir de faits qui n'ont pas encore été l'objet de poursuites judiciaires, mais qui pourraient ou devraient le devenir. « Attendu, dit un arrêt de la Cour de cassation du 4 octobre 1824 (affaire Bouchot), — qu'il résulte du second paragraphe de l'article 365 du Code d'instruction criminelle et de l'article 379 du même Code, qu'en matière criminelle ou correctionnelle, les peines ne peuvent pas être cumulées, et qu'un individu mis en jugement expie tous les crimes ou délits qu'il a pu commettre, par la plus forte des peines applicables à ces crimes ou à ces délits; mais qu'il résulte également, et même textuellement, du mot conviction employé dans l'article 365, qu'il faut que le crime ou délit ait été connu, qu'il ait été l'objet d'un débat, pour que la peine puisse être appliquée, et que le juge ait pu l'arbitrer d'après la gravité et le nombre desdits crimes et délits.

« Attendu que les peines doivent être considérées quant à leur nature et à leur durée quant à leur nature, d'après la classification du Code pénal; quant à leur durée, d'après les circonstances aggravantes ou atténuantes qui ont accompagné le crime ou le délit, ou d'après le nombre de ces crimes ou délits qui caractérisent la perversité plus ou moins opiniâtre de l'individu qui s'en serait rendu coupable, parce que, toutefois, et dans aucun cas, la durée de la peine ne peut excéder le maximum de la plus forte décernée par la loi au crime ou délit le plus grave;

Qu'il suit de ces principes que, pour les crimes ou délits qui n'ont été l'objet d'aucun débat et qui sont restés ignorés, quant à la personnalité de l'individu, par l'effet d'une cause quelconque, la position de l'accusé ou du prévenu, s'il est reconnu et poursuivi postérieurement à une précédente condamnation, n'est point aggravée, pourvu qu'il lui soit tenu compte, en cas de conviction, sur le maximun de la peine, de celle qu'il a déjà subie, tellement qu'il n'y a pas cumulation.... »

4o Le cumul des peines ne peut résulter d'un jugement antérieur rendu par contumace ou par défaut n'ayant pas acquis l'autorité de la chose jugée, et qui prononcerait une peine plus grave que celle qu'entraînerait le fait incriminé par la seconde poursuite, alors même que ce fait serait antérieur au jugement par défaut. La raison en est qu'il y a lieu, dans ce cas, après

(4) Cass. crim., 12 septembre 1844, affaire Arnault; 24 avril 1847, affaire Bigot; 43 mai 1853, affaire Voisin.

le jugement rendu sur le second fait, à combiner les peines dans leur application, selon le résultat qu'amènera la reprise de l'action sur le crime ou délit, objet de la première poursuite par contumace ou par défaut. M. Foucher recommande, avec raison, dans cette hypothèse, de commencer par purger la contumace, ou par statuer sur le jugement par défaut, puisque la condamnation à intervenir pourrait entraîner la peine la plus grave (1).

Les règles relatives au cumul des peines ne pouvant recevoir leur application qu'à l'égard des jugements contradictoires définitifs, elles ne peuvent être invoquées tant que le jugement dont on voudrait argumenter ne serait pas devenu définitif, sauf, pour l'exécution des peines prononcées par les deux jugements, à suivre la prescription de l'article 135 du Code de justice militaire; mais, dans ce cas, si les doubles poursuites se font simultanément et qu'elles soient connues des autorités judiciaires qui agissent chacune dans sa sphère de compétence d'attributions, on doit procéder conformément aux dispositions de l'article 60 (2).

M. Foucher fait remarquer que si la question du cumul des peines résultait du concours de plusieurs jugements concernant le même individu, et qui tous auraient acquis l'autorité de la chose jugée, il appartiendrait au ministère public chargé de l'exécution de ces jugements, de ne faire subir au condamné que la peine la plus grave, et, s'il y avait parité de peine dans ces jugements, d'en combiner les dispositions de manière que cette peine ne fût subie que dans le maximum de durée que lui donne la loi. Si le condamné protestait contre le mode d'exécution prescrit par le ministère public, il en ressortirait une question contentieuse d'exécution, qui devrait être portée devant la juridiction ordinaire ou militaire qui aurait rendu le jugement dernier en date, parce que ce serait à cette juridiction qu'il aurait appartenu de formuler le dispositif de son jugement d'après les peines portées par les décisions antérieures; mais, à l'occasion de cette mesure d'exécution, le tribunal ne pourrait revenir sur sa sentence ni en modifier les termes, sauf à décider, sur le vu de ces diverses décisions, quelle doit être l'influence de la dernière sur la peine que le condamné doit réellement subir (3).

M. Alla a résumé et éclairé par des exemples, de la manière suivante, la question du non-cumul des peines. Il suppose, comme premier exemple, qu'un accusé soit reconnu coupable:

1° De vol au préjudice d'un militaire;

2o Du délit d'escroquerie.

Le président du conseil de guerre examine d'abord, dit-il, quel est l'article applicable à chaque fait et la pénalité qui y est attachée,

(4) Commentaire, p. 409.

(2) V. Foucher, Commentaire, p. 440, 441. (3) V. Foucher, Commentaire, p. 412.

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Pour prévenir toute nullité, dit l'auteur du Manuel de juge au conseil de guerre, il y a quelques précautions à prendre lorsqu'il y a plusieurs chefs d'accusation pour le même accusé; ainsi, par exemple, il faut avoir soin de bien résoudre chaque question par un oui ou par un non. L'article 435 prescrit, en cas de conviction de plusieurs crimes ou délits, que la peine la plus forte est seule prononcée; il ne faudrait pas, partant de ce principe, se contenter de répondre sur la question la plus grave, parce qu'alors tous les chefs d'accusation n'étant pas purgés, le jugement serait nul de plein droit. De même, lorsqu'il y a lieu d'admettre des circonstances atténuantes, il faut bien spécifier à quelles questions s'appliquent ces circonstances atténuantes. >>

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